Claude Charland retraite du réseau de la santé

VICTORIAVILLE. À 56 ans, après y avoir mené une carrière de 30 ans, Claude Charland a décidé de retraiter du réseau de la santé, lui qui dirigeait le Centre de santé et de services sociaux d’Arthabaska-et-de-L’Érable (CSSSAE) jusqu’à sa dissolution le 31 mars. On pourrait résumer en quelques mots la raison de sa décision. Il a estimé qu’il n’y avait pas de place pour un gestionnaire de son type dans la mégastructure qu’est le Centre intégré universitaire de la santé et des services sociaux (CIUSSS) de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

M. Charland en a fait l’annonce mercredi matin devant des représentants du conseil d’administration de l’établissement, des fondations et des membres du personnel.

Il lui aurait fallu du courage pour rester… il lui en faut aussi pour partir, a-t-il dit. Sa décision est toute récente, puisqu’il n’y a pas si longtemps, comme il l’avait confié à La Nouvelle Union, il aurait aimé pouvoir travailler, à titre de «second» au CIUSSS.

Dans le discours d’une vingtaine de minutes qu’il a livré, avec de l’émotion dans la voix à certains moments, il a expliqué que les tâches qu’on lui a proposées dans le nouvel établissement fusionné «heurtaient radicalement» ses valeurs et n’auraient pas satisfait le genre de gestionnaire qu’il a pu être au cours des dernières années.

Et il n’était pas question pour lui de voyager quotidiennement entre Victoriaville et le «bureau-chef» du CIUSSS à Trois-Rivières.

Exit la créativité et la proximité

Une fonction de directeur général comme celle qu’il a exercée au cours des dernières années n’existera plus dans la nouvelle structure, croit-il. «J’avais un pouvoir d’influence, d’innovation et de créativité (…) Jamais je ne pourrai me résoudre à un poste «accessoire»», a-t-il ajouté.

Lors de la période de questions, il a expliqué que dans la nouvelle structure, il aurait pu obtenir un poste dans un champ circonscrit de compétences, l’informatique par exemple, qu’il aurait exercé d’un bout à l’autre du territoire de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

Jusqu’à maintenant, il travaillait comme un «leader de transformation», heureux de s’entourer d’une équipe multidisciplinaire, ayant la possibilité de travailler de façon transversale plutôt que dans des «parties» du système (informatique, finances, santé physique, etc.).

Respectueux de ceux qui continueront, il dit toutefois que le réseau a besoin d’un nouveau genre de gestionnaire. Et que la transformation est gigantesque. «Je ne peux me contraindre à recevoir et à appliquer des ordres venus d’en haut sans possibilité de les influencer et même de faire mieux. La loyauté… oui, l’obéissance… à l’occasion. La soumission… jamais!!!»

Pas «victime»

Claude Charland ne se présente pas en «victime» de la Loi 10 qui a créé les CISSS. Il n’en fait pas le procès non plus puisque, et c’est le ministre Barrette qui le veut ainsi signale-t-il, la vision et les modalités ne sont connues qu’au compte-gouttes. C’est l’un des «reproches» que M. Charland adresse au gouvernement, que de chambouler brusquement et précipitamment tout le réseau sans exposer les visées.

Qu’est-ce qui l’aurait fait rester?, s’est-il lui-même demandé. «Du sens, du respect une gouvernance plus près du citoyen et… une vision claire d’où on va. Mais surtout, la possibilité de poursuivre les projets et les améliorations en cours. Il aurait fallu encore un peu de temps… six mois ou un an. Du temps pour préparer la relève, assurer les dossiers, terminer des travaux, organiser la nouvelle structure, communiquer l’esprit du changement.»

Un CISSS centricois aurait tout changé

L’ex-directeur général du CSSSAE l’admet maintenant. Il n’aurait pas quitté le réseau si le Centre-du-Québec avait obtenu son Centre intégré. Justement, répond-il, parce que la gouvernance des établissements serait restée à proximité du citoyen.

Si lui et le CSSSAE n’ont pas participé à ce débat politique, c’est qu’ils n’ont pas voulu confronter le ministre Gaétan Barrette. Et puis, a ajouté M. Charland, le ministre avait été on ne plus clair dès octobre, en refusant de séparer la région sociosanitaire Mauricie-Centre-du-Québec.

Cela étant dit, il se jure de ne pas devenir la «belle-mère» du réseau de la santé, le critiquant à tout moment.

Celui qui a autrefois dirigé le CLSC Suzor-Coté a aussi dit qu’il était un peu fatigué par la série de mouvances ayant agité le réseau au cours des 30 dernières années.

Une vie en dehors du réseau

Mais «il y a une vie en dehors du réseau de la santé», a-t-il ajouté.

Il ne quitte pas pour la retraite, affirmant posséder toujours la passion du travail, de l’innovation, de la créativité, de la performance… et de l’énergie.

Il se donne quelques semaines de repos et de recul et ne ferme la porte à rien. Ni à un emploi dans le secteur privé – il a reçu des propositions -, ni à un engagement avec ses amis des fondations. Pas même à la politique. Pas en politique fédérale toutefois, a-t-il répondu, lui qui refuse de voyager de Victoriaville à Trois-Rivières.

Il est certain, a-t-il assuré, qu’il restera «engagé» et «impliqué» quelque part dans Victoriaville et sa région.