Alain Rayes tourne la page sur une année intense

L’année 2022 n’aura pas été de tout repos pour le député indépendant de Richmond-Arthabaska, Alain Rayes, une année pour le moins rock ‘n roll. « Ça a été une année assez intense. Une des bonnes de ma vie. Pour 2023, sincèrement, j’espère une année moins mouvementée et faire le plein d’énergie, c’est mon souhait », exprime-t-il, d’emblée, en début d’entrevue avec le www.lanouvelle.net dans son bureau de la rue de la Gare au centre-ville de Victoriaville.

Oui, l’année a commencé sur les chapeaux de roues alors que survient le putsch contre Erin O’Toole qui quitte alors son poste de chef du Parti conservateur du Canada. Alain Rayes renonce à ses fonctions de lieutenant politique et de ministre du cabinet fantôme afin de pouvoir supporter, lors de la course à la chefferie, un candidat qu’il veut parfaitement bilingue, progressiste et fiscalement à droite. 

Alain Rayes explique qu’il se questionnait depuis un moment au sujet du Parti conservateur, percevant une tendance lourde de vouloir aller encore plus vers les extrêmes. Certes, il y avait les pro-vie, le côté religieux au sein du parti, mais la pandémie, fait-il remarquer, a montré tout un groupe de la population réfractaire au système, anti-mesures sanitaires. « Sans compter les « pro-convois » qui venaient  se coller à notre organisation. Pierre Poilièvre s’était même rapproché d’eux avant même la course à la chefferie, rappelle-t-il. Or, dans ma réflexion, j’en suis arrivé à deux choix : ou bien je reste sur la touche ou alors je m’implique pour recruter, supporter, travailler pour quelqu’un qui représentait plus mes valeurs conservatrices. »

À ses yeux, Jean Charest représentait la seule et la meilleure option. « Cela dit, ce n’était pas suffisant, admet-il. Ça a été un raz-de-marée. Pierre Poilièvre a réussi à fédérer tous les antisystèmes, les gens frustrés de ce qui se passait. Tant mieux pour lui. »

Malgré le résultat, l’élu de Richmond-Arthabaska dit n’avoir aucun regret.  « Dans ma vie, dit-il, je n’ai jamais eu de regret. Cependant, j’apprends des situations pour m’améliorer et mieux faire par la suite. »

Reste que Alain Rayes ne se reconnaissait vraiment plus dans le parti et il a fait ce qu’il croyait être la bonne chose. Pour être « honnête et transparent » avec les citoyens, il a démissionné du caucus conservateur et choisi de siéger comme député indépendant. « C’était le choix qui s’imposait, il n’y avait pas d’autres options. »

Tous les événements qui suivront ensuite, constate-t-il, lui ont donné raison, l’ont conforté dans sa décision, comme la réaction du Parti conservateur, de son chef et du mouvement pour réclamer sa démission comme député. De l’intimidation, estime-t-il.

Et puis, surtout, la réaction des citoyens à son endroit. « J’ai reçu du support, un soutien provenant non seulement de Richmond-Arthabaska, mais aussi du Québec et de partout au Canada. En trois jours et demi, on avait dépassé les 4500 messages reçus au bureau », précise-t-il.

En démissionnant du parti, Alain Rayes avait en tête une question : allait-il pouvoir jouer pleinement son rôle et faire une quelconque différence? « J’ai toujours voulu faire de la politique pour deux choses, souligne-t-il. Je veux me sentir et me rendre utile et deuxièmement, je veux être capable d’influencer.

Je ne peux pas toujours réussir, mais je veux tenter d’influencer pour améliorer la situation, la société, l’environnement dans lequel on est. »

Le député a constaté que oui, même indépendant, son action pouvait porter fruit. « Je pense, par exemple au cas d’Emmy Pruneau, une jeune atteinte d’un cancer incurable à Windsor. Je pense à l’entrepreneur Danielle Dubois de Zenit qui se bat contre un régime fiscal désuet, qui la pénalise, elle qui n’utilise que des produits locaux et naturels. Sans oublier les victimes du pasteur Claude Guillot qui militent pour l’abrogation de l’article 43 du Code criminel. J’ai réussi à faire avancer ce dossier », confie Alain Rayes qui a pu constater ainsi « qu’il y a une zone, une place à l’extérieur de la joute partisane, pour être utile,  pour aider le monde et influencer encore ».

Déception

Alain Rayes ne s’en cache pas. La réaction de ses collègues à son départ le déçoit. « Ce qui fait le plus mal, c’est qu’on avait tissé des liens avec ces gens, c’est des amis, j’ai travaillé avec eux et j’ai été leur lieutenant. Il y en a que ça fait plus longtemps, comme Luc Berthold à l’époque où nous étions maire de Victo et de Thetford », signale-t-il, tout en se disant convaincu qu’ils ont de la pression de l’interne pour garder leur distance.

Le temps, pense-t-il, permettra peut-être bien de panser les plaies. « Ils vont peut-être comprendre que mon choix n’était pas contre eux, que c’était un choix personnel dans lequel je voulais être honnête et transparent avec mes citoyens et respecter mes valeurs et mes convictions. »

Comme des couples vivant une séparation, illustre-t-il, certains vont bien la gérer et réussissent à maintenir de bons liens et d’autres moins bien. « Malheureusement, je dois dire que les conservateurs ont majoritairement décidé de prendre davantage le chemin de la confrontation, ou en tout cas de l’abnégation, de passer à autre chose tout en oubliant les liens ayant été tissés.

Ils l’ont pris personnel, je ne sais trop comment expliquer ça. Mais sincèrement, je ne leur en veux pas, je ne ressens aucune colère, aucune amertume.

Je suis bien et plus ça va, plus je suis conforté dans ma décision », assure Alain Rayes.

Constatant le revers subi par les conservateurs en Ontario lors de l’élection partielle, l’ex-lieutenant politique ne peut que leur souhaiter de recentrer leur discours. « Parce que, moi aussi, je suis tanné du gouvernement libéral de Justin Trudeau. Ils doivent moderniser leur discours s’ils veulent incarner une alternative. Sans cette modernisation, c’est impossible à mes yeux de faire des gains au Québec, dans le Grand Toronto et à Montréal. Si j’avais eu le sentiment que je pouvais continuer d’influencer positivement à l’intérieur de cette organisation pour qu’elle se dirige davantage vers le centre-droit plutôt que vers l’extrême-droite, je serais resté », affirme le député indépendant.

Du temps dans le comté

Depuis qu’il siège comme indépendant, Alain Rayes passe plus de temps dans la circonscription. Il condense ses interventions et ses rencontres à Ottawa en deux jours et demi plutôt que d’y passer cinq jours.

Plus de temps, donc, pour rencontrer les citoyens qui lui vouent un grand soutien. « Peu importe le chemin que tu prendras, on te supporte, me disent-ils. Avec le récent envoi collectif, j’ai reçu 450 messages de citoyens qui ont pris le temps de m’écrire. Ça me réconforte ça aussi. Ça me permet d’envisager 2023 positivement et de dire je continue. »

Ce qu’il retient de 2022, dans Richmond-Arthabaska, c’est l’histoire d’Emmy Pruneau. Son action a permis à la jeune femme d’avoir accès à un programme spécial de Santé Canada pour qu’elle puisse bénéficier d’un médicament pouvant prolonger son espérance de vie. « Humainement, c’est difficile à décrire la satisfaction d’avoir pu contribuer, un tant soit peu, à faire débloquer ce dossier, ça m’a montré un côté très humain de la politique », indique-t-il.

Prendre du recul

Avec humour, Alain Rayes constate comme indépendant, assis aux Communes dans un coin, qu’il n’a jamais été aussi loin du pouvoir. « Tout ce qui reste derrière moi, ce sont les interprètes, souligne-t-il, sourire en coin. Mais ça me permet d’avoir un regard différent sur la joute au parlement canadien, de voir cette joute partisane dans laquelle j’ai joué est devenue extrêmement rude. Ça m’a permis de prendre un pas de recul. »

Alain Rayes dit vouloir maintenant retrouver un équilibre pour faire de la politique « rassembleuse, positive et constructive.  « C’est ce que veulent les gens, mais le système ne permet pas ça avec la bulle média, la bulle du parlement, les partis politiques. Ce qui crée le cynisme », déplore-t-il.

Pourtant les enjeux sont grands, l’inflation, le coût de la vie, l’environnement. Mais surtout, insiste-t-il, la démocratie. « C’est ce qui m’interpelle le plus, car elle est en danger, plaide-t-il. En danger par la façon de faire de la politique, par le désintérêt des gens face aux médias conventionnels, par le désenchantement des jeunes qui se tournent vers des médias alternatifs sur lesquels on n’a aucun contrôle. Les gens sont cyniques face à la politique et aux politiciens et ils se désengagent. »

L’ampleur du défi commande, selon lui, une reconnexion avec la population. « Sinon, on va s’en aller dans une spirale négative », pense le député Rayes qui garde espoir, malgré tout, en voyant des jeunes s’impliquer, comme le maire de Victoriaville, Antoine Tardif, la mairesse de Longueuil, les maires de Terrebonne et Laval. « Ils apportent un vent de fraîcheur, de renouveau. Je me dis qu’il y a encore de l’espoir. Il nous revient d’agir comme modèles et d’autres en seront aussi et pourront peut-être donner le goût à des gens qui ont du potentiel de s’impliquer. C’est dans notre intérêt à tous qu’il y ait des jeunes de qualité », fait-il valoir.

Son avenir

Pour le moment, Alain Rayes, 51 ans, entend laisser retomber la poussière, faire le plein d’énergie et terminer son mandat comme député indépendant. « Il est clair que je ne sauterai pas dans une autre formation politique », formule-t-il.

Pour le reste, il faudra voir s’il conserve la même énergie, la même passion, car, dit-il, la politique use. « Dans un, deux ou trois ans, si la passion est la même et que je ressens toujours l’appui des citoyens, je n’irai pas contre leur volonté. »

Il ne ferme aucune porte, que ce soit sur la scène fédérale ou provinciale, ou même se présenter au fédéral comme indépendant.

Outre la politique active, différentes façons permettent de s’impliquer, observe-t-il, comme dans des organisations, dans des fonctions gouvernementales ou diplomatiques et aussi dans la joute médiatique.

L’idée de travailler dans le secteur privé lui trotte aussi dans la tête. « J’ai toujours aussi été impressionné par le milieu entrepreneurial de notre région, des entrepreneurs qui créent de la richesse en plus d’être impliqués socialement », note-t-il.

Ce sont toutes ces questions qu’Alain Rayes entend analyser au cours des trois prochaines années. Pour l’heure, il compte bien prendre soin de sa santé, reprendre l’entraînement qu’il a délaissé depuis six mois en vue d’un demi-marathon en mai à Ottawa et peut-être bien aussi d’un demi-Ironman pour accompagner, avec sa conjointe, l’une de ses filles dans l’aventure.