La retraite après 30 ans d’action

Christian Chartier en aura vu de l’action au cours de ses 30 dernières années comme pompier à Princeville. Mais il a retraité, le 1er janvier, à titre de directeur du Service de sécurité incendie. Retour en arrière sur son parcours professionnel.

S’étant établi à Princeville en 1990, Christian Chartier, originaire de Wotton tout près de Val-des-Sources, n’allait donc pas tarder à intégrer le service d’incendie. Il a fait ses débuts au sein de la brigade princevilloise en 1992. « Mais déjà en 1991, Denis (Hunter) m’avait recruté et je participais aux pratiques. Mais j’ai commencé officiellement en 1992 », rappelle-t-il. Son entrée comme pompier n’étonne pas. Christian Chartier confie qu’il a toujours aimé les situations d’urgence. « Pompiers, ambulanciers, tout ce qui relève d’une situation d’urgence, j’ai toujours trippé là-dessus », confie-t-il.

Au départ, Christian Chartier jumelait son travail de pompier à temps partiel avec son emploi de mécanicien à l’entreprise Eugène Fortier avant de devenir gérant de service chez André Roux Kubota. L’année 2003 marque une étape importante dans sa carrière. « J’ai tout abandonné pour aller suivre ma formation de technicien en prévention incendie à temps plein au Collège Montmorency », rappelle-t-il.

La compagnie Promutuel l’embauche l’année suivante. Il y passera trois ans avant d’être embauché à temps plein au Service de sécurité incendie de Princeville. « J’ai été le premier temps plein. On m’a engagé en 2006 comme technicien en prévention incendie », précise-t-il. Et deux ans plus tard, en 2008, il succède au chef Hunter à titre de directeur du Service de sécurité incendie.

Quand il pose un regard sur son travail, Christian Chartier se dit particulièrement fier de ce qu’il a apporté en matière de prévention. Parce qu’il faut bien le dire, au moment de son embauche comme préventionniste, la prévention n’était pas très en vogue. « Je suis à l’origine de tout le programme de prévention. Je l’ai élaboré en entier. C’est ce dont je suis le plus fier, je crois », souligne-t-il, tout en constatant les fruits de son travail. « On a réussi à réduire considérablement, avec la prévention, le nombre d’incendies », note-t-il.

« À mes débuts comme pompier, on avait annuellement près de 40 feux de cheminée par année. Aujourd’hui, ça prend tout pour en avoir un », exemplifie-t-il, ajoutant que la prévention a notamment permis le remplacement de cheminées et de systèmes de chauffage. Le directeur retraité considère donc la prévention comme son accomplissement majeur. « En réalité, ce qu’on veut, c’est sauver des vies. Et cela passe par la prévention. Bien vrai le dicton vaut mieux prévenir que guérir », exprime-t-il, heureux de constater qu’aucun décès n’est à déplorer au cours de ses années à la direction du service.

Aucun pompier, non plus, n’a subi de blessures majeures. « C’est primordial la santé et la sécurité, énonce-t-il. J’ai tout basé le service sur la prévention et la sécurité. On veut que tous les pompiers soient de retour après les interventions. On n’a pas envie d’aller annoncer une mauvaise nouvelle aux familles. » On lui doit aussi l’instauration, en 1998, du service des premiers répondants. Il ajoute, en 2009, un élément nouveau, les interventions en désincarcération.

Le service d’incendie a continué d’évoluer sous sa gouverne puisque, depuis quelques années, la brigade possède également les équipements et la formation pour intervenir lors de sauvetages hors route. Christian Chartier, en regardant dans le rétroviseur, constate toute l’évolution vécue au fil des ans. « Parti d’une page blanche, j’ai tout structuré le service, remplacé les équipements pour en arriver à déménager dans une nouvelle caserne, un bel accomplissement », signale-t-il. « J’y pensais depuis presque six ans à cette nouvelle caserne », indique Christian Chartier, tout en saluant les élus. « Ils m’ont toujours fait confiance, même  pour la prévention en 2006 quand ça n’était pas très populaire. Les élus m’ont toujours supporté », fait-il valoir.

Toutes les réalisations, tous les accomplissements, insiste-t-il, ne relèvent pas d’une seule personne. « C’est un travail d’équipe avec la confiance des élus et des pompiers. Un directeur ne peut rien faire seul. » Que de changements au fil du temps! « On a connu le temps des manteaux longs avec des bottes, le temps où nous étions peu équipés. On s’habillait dehors », se remémore-t-il.

Au cours de sa carrière comme pompier, le Princevillois d’adoption a vécu l’importante évolution de monde de l’incendie. « Depuis mes débuts, tout a complètement changé. C’est deux mondes! L’incendie a commencé véritablement à changer en 2000 avec l’arrivée des schémas de couverture de risques qui ont mené à d’importants changements. Et il y en aura encore », prévoit-il.

Un incendie historique

Ça ne s’oublie pas. L’incendie du 6 mai 2012 chez Olymel demeurera l’événement marquant dans sa carrière. « C’est le plus gros feu. On a été sur place pendant 30 heures », se souvient-il. L’incendie avait mobilisé 130 pompiers de 9 services. « Il avait fallu transporter 900 000 gallons d’eau avec des camions-citernes parce qu’on était sur le point de manquer d’eau sur le réseau de la Ville. Le feu a commencé dans la nuit à 2 h 46 et, à 10 h, le directeur des travaux publics m’a informé que si on ne faisait rien, on allait manquer d’eau », relate Christian Chartier.

Le violent incendie avait aussi nécessité plusieurs évacuations. « Les vents ne proviennent jamais du nord. Mais cette fois, c’était le cas. En raison de la présence d’ammoniac, on a dû évacuer une partie de la ville. Ça a été toute une aventure », commente-t-il.

L’enquête incendie

Christian Chartier n’hésite aucunement quand on lui demande ce qu’il affectionne particulièrement dans son métier : la recherche des causes d’incendie. « C’est mon dada, j’ai toujours aimé ça. » Il a d’ailleurs effectué une spécialisation en ce domaine, a suivi une formation d’enquêteur. Au fil des ans, il a développé une expertise. Dans la région, on n’hésite pas à faire appel à ses compétences. « Ça fait depuis 1998 que je mène des enquêtes », dit-il. 

L’enquête joue un rôle primordial. « Quand on a trouvé la cause d’un incendie, on peut ensuite travailler sur des campagnes de prévention. L’enquête peut nous amener aussi à changer nos méthodes d’intervention, à corriger le tir au besoin. Donc, la recherche de cause constitue un aspect prioritaire dans un service. Il faut savoir ce qui a mis le feu si on veut faire de la prévention », explique-t-il, citant des campagnes menées à l’égard des feux dans le paillis et les bacs à fleurs à cause d’un article de fumeur ou des feux de cuisson, par exemple.

Même retraité, Christian Chartier répondra présent si on fait appel à ses services. Cependant, une relève se prépare. « On a formé en enquête incendie cinq pompiers à Princeville et quatre à Victoriaville. On s’affaire à structurer le tout avec les deux services afin de travailler ensemble de plus en plus », expose-t-il. Christian Chartier siège également sur un comité du ministère de la Sécurité publique au sujet de la prévention incendie en milieu agricole. « Le dossier avance très bien présentement », assure-t-il.

L’homme, on le voit bien, demeurera tout de même actif dans le domaine en lien avec la formation et la prévention. « Pompier un jour, pompier toujours », exprime-t-il. 

Le grand défi des ressources humaines

Comme dans de nombreux secteurs d’activités, la rareté de la main-d’œuvre se fait sentir du côté des services de sécurité incendie. « Il manque de gens partout. À temps partiel, on est comme la cinquième roue du carrosse. Le recrutement est difficile. C’est le défi des prochaines années, le recrutement et la rétention du personnel », estime Christian Chartier. L’union des forces, le travail d’équipe, constitue, croit-il, un moyen de faire face à la situation. Il cite en exemple le projet pilote en cours depuis deux ans avec Victoriaville. « C’est une façon de travailler ensemble, d’harmoniser nos façons de faire et d’optimiser nos ressources. On n’a plus le choix. On ne peut plus travailler seul maintenant. »

Retraite : une décision bien mûrie

Christian Chartier avait déterminé depuis un bon moment déjà le moment de sa retraite. « À la Ville, j’ai préparé en 2017 mon budget 2017-2022. On m’a demandé : pourquoi 2022? Parce que c’est ma dernière année, leur a-t-il répondu. C’était prévu qu’en 2022, à 55 ans, j’arrêtais. Ce n’est pas un coup de tête,  c’était mûri. » Peut-être qu’il ressentira, confie-t-il, un certain pincement au son des sirènes des véhicules d’incendie, mais chose certaine, les interventions par des froids extrêmes ne lui manqueront pas. « Je ne m’ennuierai pas des -40 degrés. Tu le sais, avec des froids de la sorte, que ça ira mal. Tout gèle. »

Le Princevillois quitte la tête haute, avec la satisfaction du devoir accompli. « J’ai amené le service où je voulais. Je suis fier de ce que j’ai fait. Le prochain en fera autant », conclut-il. L’annonce de son départ à la retraite a donné lieu à certains hommages. La Ville de Princeville lui a témoigné son appréciation, les élus adoptant une motion à l’unanimité visant à souligner son excellent travail. Le maire Gilles Fortier a fait valoir que « Christian a amené notre service de sécurité incendie vers les plus hauts standards en prévention et en sécurité incendie ». Lui-même ancien pompier, le député d’Arthabaska, Eric Lefebvre, a aussi salué son engagement et son travail dans une lettre qu’il lui a acheminée.