De l’air svp

Tout comme les poumons d’une personne non vaccinée, notre réseau de la santé et des services sociaux manque d’air. Malgré ses 15 206 000 doses, il n’est toujours pas immunisé contre les vagues successives de la COVID. L’érosion fait fondre les berges du système, minées par plus de 20 ans de coupure massive, d’exploitation du capital humain à coup de surcharge et de cadence éreintante. 

On utilise tous les synonymes possibles pour ne pas parler de bris ou de rupture de services. On va jusqu’à se dédouaner de nos responsabilités en expliquant les listes d’attente par la pandémie. Alors que nous sommes au plus fort de toutes les vagues, que la situation est critique et que les besoins sont extrêmes, le gouvernement Legault met sur la faute de la pandémie une catastrophe maintes fois annoncée par des économistes, des médecins et les professionnels de la santé et des services sociaux.

Les acteurs de cette pandémie nous disent et nous répètent que la situation critique est à ce point extrême, que les solutions doivent l’être autant. On applique donc les solutions qu’on explique désormais comme les seules existantes : délestage, annulation de vacances et de congé, modification des horaires de travail.

Notre gouvernement nous a répété depuis 2020 qu’il souhaite le retour des travailleurs qui quittent les services publics pour se tourner vers le privé. Est-ce par la magie qu’ils y arriveront, en continuant d’offrir des conditions de travail exécrables pour les personnes qui tiennent le Québec sur leurs épaules depuis mars 2020?

Dans ce contexte, une solution simple existe. Elle court comme une rumeur, personne n’ose le dire tout haut. Le gouvernement parce qu’il manque de courage et sait qu’il tient les employés du réseau par les couilles à grands coups d’arrêtés ministériels. Les syndicats parce qu’ils devraient mettre de côté leur orgueil et admettre qu’ils ne sont pas la seule solution possible.

Le temps est venu pour le gouvernement d’utiliser les ressources qui sont à sa portée et qu’il a laissé filer depuis plus de 20 ans. Il est impératif que le gouvernement Legault rapatrie au public toutes les ressources ayant les compétences nécessaires pour agir à titre d’employés dans le domaine de la santé et des services sociaux. Le gouvernement Legault doit produire un arrêté ministériel permettant de requérir les services de toute personne qui travaille dans le domaine de la santé et des services sociaux au privé.

Lorsqu’on y pense bien, cela apporterait des bénéfices énormes pour tous. L’augmentation du nombre de personnes salariées permettrait une meilleure offre de services. Le gouvernement Legault pourrait se vanter d’avoir trouvé cette solution. La contribution du secteur privé servirait enfin l’ensemble de la population plutôt que de la minorité de gens qui peuvent s’offrir leurs services. Les syndicats pourraient démontrer que le système à deux vitesses représente un problème plus qu’une solution.

Ainsi, pour la première fois depuis trop longtemps, nous pourrions réaffirmer que les services de santé et les services sociaux de qualité sont publics, gratuits et disponibles pour toute la population. Sait-on jamais, il pourrait même s’agir d’une première étape pour reprendre la construction du modèle québécois dans le domaine de la santé et des services sociaux que les différents gouvernements s’acharnent à réduire en charpie depuis 1996.

Jean-Christophe Côté-Benoît

Trois-Rivières