La Jamaïque, nouvelle terre d’accueil d’Ève-Line Bernier

L’expression « du pire peut naître le meilleur » prend tout son sens pour la Victoriavilloise Ève-Line Bernier. Celle-ci a découvert, dans des circonstances particulières, un village jamaïcain qu’elle a adopté et où elle vient de passer une année complète. Elle y retourne d’ailleurs dans quelques jours pour jeter les bases d’un projet communautaire qui lui tient particulièrement à cœur.

Elle souhaite en effet y mettre en place une maison pour et avec les femmes de ce village qui porte le nom de Buff Bay. Ève-Line tente d’ailleurs de lever des fonds, par l’entremise d’un « Gofundme (https://bit.ly/3ysmSOx) », afin de réaliser ce projet qui pourra améliorer la situation des femmes, assez précaire dans ce pays.

En entretien, Ève-Line a expliqué qu’elle se sentait exactement sur son « X » dans ce village, où elle peut mettre en action tous ses acquis et ses expériences, au profit des autres.

C’est à la fin du mois de février 2020 qu’elle s’est rendue à Buff Bay, accompagnant un groupe d’étudiants de la polyvalente La Samare de Plessisville (avec son papa qui y est enseignant). Initialement, l’échange culturel et linguistique devait durer trois semaines, mais un malaise subi par son père sur place, de même que la COVID-19 qui s’est pointé le nez à la mi-mars (avec l’arrêt des vols), a fait en sorte qu’elle et son père y sont demeurés 16 semaines (on passe notamment tous les détails de l’hospitalisation, des difficultés avec les assurances et l’impossibilité d’avoir un avion-ambulance pour le retour).

Pendant tout ce temps où son père récupérait, Ève-Line a voulu se rendre utile dans le village et s’est donc tranquillement intégrée à la communauté. Tout d’abord avec ses connaissances du côté des enfants, puisqu’elle est éducatrice de métier. En effet, elle s’est rapidement intégrée à la petite école où elle se retrouvait avec des enfants, comme elle l’a fait une douzaine d’années à Victoriaville. « Les besoins des parents et des enfants sont les mêmes. J’étais donc dans mon élément », a-t-elle confié. Mais l’école a rapidement fermé ses portes à cause de la pandémie. Ève-Line n’est toutefois pas demeurée inactive.

Elle a ainsi créé des liens avec les gens, s’impliquant selon les besoins qu’elle voyait. « Là où je pouvais aider, je le faisais », explique-t-elle simplement. Son objectif était de mettre à profit tout le temps qu’elle avait, pour les autres. 

Des amitiés se sont créées, souvent avec des femmes. Pour une, Ève-Line est parvenue à allumer une étincelle qui a fait que d’enseignante (alors sans travail à cause de la pandémie), son amie s’est lancée dans un service de traiteur.

Dans tout le village, on s’en doute, elle était la seule femme à la peau blanche et à force de patience, d’implications et d’explications, elle s’est intégrée et dépassé le stade de simple touriste. C’est d’ailleurs au cours de ce premier séjour qu’elle a découvert qu’elle était, à Buff Bay, à sa place.

Elle est tout de même revenue au pays le 17 juin 2020, mais avec l’intention ferme d’y retourner. « J’en ai parlé à ma famille et amis et ils n’ont pas été trop surpris », raconte celle qui est mère de trois fils, aujourd’hui adultes.

Ève-Line a donc pris six mois afin de vendre ses possessions au Québec pour avoir suffisamment d’argent (un budget limité toutefois) pour vivre une année à la Jamaïque à ses frais.

Le 5 décembre 2020, elle est ainsi repartie pour Buff Bay, où elle a repris son travail bénévole auprès de ceux qui en ont besoin. « J’étais en mode observation pour voir comment tout fonctionnait et pour aider aussi », note-t-elle.

Dans tout cela, Ève-Line a voulu rester elle-même afin de permettre aux gens là-bas de découvrir comme femme qui est là pour les autres, tout simplement. Elle a eu de nombreuses demandes en mariage d’hommes qui croyaient qu’elle était là pour ça, et il lui a aussi fallu expliquer à maintes reprises qu’elle n’était pas riche, mais qu’elle pouvait faire sa part dans le village, autrement.

Elle n’a pas hésité à aller dans les familles pour, par exemple, soigner des torticolis ou faire des massages de pieds à un monsieur qui était menacé d’amputation, vivant ainsi, comme elle l’indique, de belles histoires humaines. « J’ai beaucoup reçu également », apprécie-t-elle.

Ce second séjour lui a permis de faire de multiples de découvertes, dont la situation des femmes qui vivent la plupart du temps seules avec leurs enfants, sans soutien, considération ni possibilités de se réaliser. Alors, c’est de ce côté qu’elle a voulu axer ses efforts.

La femme à la peau blanche est donc parvenue à se faire accepter et respecter de la communauté, passant même du surnom « Whity », à celui de « Brown girl », beaucoup plus inclusif. « J’ai pris des mois pour observer afin de m’intégrer à long terme dans cette culture et être un modèle pour les femmes », a-t-elle indiqué.

Bien entendu, tout n’est pas toujours rose pour elle, comme pour toutes les femmes de ce pays et Ève-Line l’a malheureusement appris à ses dépens, subissant une agression au cours de l’année. « Il y a aussi beaucoup de violence dans le village. J’ai alors vécu un bout difficile », a-t-elle confié. Elle a heureusement pu compter sur l’aide d’une amie jamaïcaine qui l’a accompagnée dans cette pénible épreuve (vécue par bon nombre de femmes là-bas) en lui disant, entre autres, « mon cœur souffre avec ton cœur ».

De son côté, elle s’est remise en action, voulant justement que cette souffrance ne soit pas vaine. Ce traumatisme lui aura de plus permis de créer de nouveaux liens et de la conforter dans son projet de maison pour les femmes.

Elle souhaite en effet créer « Shal’Home », un espace physique, sécuritaire pour les femmes où il y aura notamment de l’alphabétisation, de la prévention et de l’éducation. Le nom vient du mot hébraïque « shalom » qui signifie paix.

Elle repart dans quelques jours pour Buff Bay et a donc besoin d’argent pour réaliser une étude de faisabilité de ce projet qui en aidera plus d’une, mais aussi pour survivre pendant cette année (elle a épuisé toutes ses économies).  

« Tout ce que j’ai vécu m’a préparé à ça », mentionne-t-elle avec conviction en parlant de ce changement radical de vie qui lui permet de s’épanouir professionnellement et personnellement.

En attendant le départ pour la Jamaïque, elle est bien heureuse d’être revenue à Victoriaville, où elle a pu voir ses fils et le reste de sa famille et y passer le temps des fêtes. Mais elle a aussi bien hâte de repartir où elle se sent utile et où elle a eu, tout simplement, un coup de cœur pour les gens.

« Ce sera mon héritage pour mes fils. Je veux leur léguer la détermination (comme me l’a léguée mon père) et qu’ils sachent que tout est possible, à tout âge. Qu’il faut rester fidèle à ses valeurs et faire preuve de courage », termine-t-elle.

On peut suivre son projet sur Facebook. La page s’intitule « Perles au jardin ».