Une famille derrière un important projet à l’Érable Rouge

Une affaire de famille. On les connaît pour leur entreprise Fromagerie Lait Grand Cru. Voilà maintenant que Martin Lantagne, sa conjointe Hélène Gagnon et leurs deux enfants, Janic et Marja Lantagne, pilotent un important projet à l’Érable Rouge, cette érablière réputée de Saint-Valère qui leur appartient depuis le mois de juin.

Les activités de l’érablière se poursuivront, mais l’emplacement verra s’ajouter une fromagerie dès 2022 et une étable par la suite. « Pour pouvoir grandir et répondre à la demande croissante, on se cherchait une terre pour construire notre fromagerie. Hélène a découvert cet endroit », répond Martin quand on lui demande d’où vient le projet.

En plus de la construction de la fromagerie en cours, la famille prévoit, d’ici trois ans, construire une étable pour abriter son troupeau de chèvres nubiennes. Actuellement, 150 chèvres composent le cheptel. Le nouveau bâtiment, d’ici quelques années, logera quelque 600 ou 700 têtes, dont 400 chèvres en lactation. Le quatuor agit comme producteur et transformateur de lait de chèvre. À même le bâtiment de L’Érable Rouge, une partie a été reconvertie en espace de travail pour la transformation.

Les animaux envoyés à l’abattoir permettent la transformation en différents produits, saucisses et pâtés, entre autres. « C’est ce qu’on retrouve dans notre boutique déjà ouverte et qui figurera au menu de notre bistrot qui profitera aux visiteurs l’hiver pour le patinage et lors d’événements spéciaux », précise Martin Lantagne.

Bien sûr, les Lantagne continueront d’exploiter l’érablière d’une possibilité de 2500 entailles et accueilleront les visiteurs durant la période des sucres. En hiver, les kilomètres de sentiers glacés en forêt s’ouvriront, de nouveau, aux adeptes qui y viennent d’un peu partout, même de l’extérieur de la région. « C’était un de mes rêves d’avoir une érablière, raconte Martin Lantagne. L’Érable Rouge conserve sa même vocation. Sauf qu’on y ajoute la fromagerie, une boutique avec nos produits maison, un bistrot, en plus de la construction éventuelle de l’étable. » Les nouveaux propriétaires du site possèdent ainsi une terre d’une superficie de 70 acres, dont 50 acres en érablière et 20 acres pour la culture.

Pionniers au Québec

Les chèvres n’auront nullement besoin d’une grande superficie de pâturage pour se nourrir puisque la famille Lantagne a fait l’acquisition d’un appareil permettant la production de pousses d’orge. « Il s’agit de fourrage hydroponique, explique Marja. C’est une bonne alternative qui nécessite moins de superficies de culture. » « Cela se fait en Ontario, notamment, mais nous sommes les premiers au Québec à nourrir nos chèvres de cette façon. C’est comme si nos chèvres étaient toujours au pâturage. Elles ne mangent que du vert frais », souligne Martin Lantagne.

Cette méthode procure de nombreux avantages et bienfaits : des chèvres en meilleure santé, une meilleure fertilité, sans compter que le fromage produit ne subira aucune variation liée à l’humidité, par exemple. « Avec la machine, aucune surprise, c’est toujours égal, toujours les mêmes pourcentages de gras et de protéines », assure Martin.

« Cela représente aussi moins d’efforts et une économie de temps, renchérit Janic Lantagne. On n’a plus besoin d’aller dans le champ et de battre le maïs. » Le procédé, par ailleurs, est écologique, fait valoir Marja. « L’équipement calcule exactement le volume d’eau nécessaire, ce qui évite le gaspillage. Et on n’a pas besoin de recourir aux engrais chimiques, fait-elle remarquer. De plus, on réduit grandement les coûts de production. La graine d’orge qu’on achète représente des coûts moindres que l’ensilage et la production de foin. »

L’appareil en question se veut en quelque sorte un gros conteneur maritime. La germination se fait à l’intérieur. Puis, tout est prêt en sept jours. « On peut nourrir avec ça 250 chèvres par jour », note Martin. Ainsi, les champs peuvent être utilisés à d’autres fins, notamment pour l’agriculture humaine.

Les chèvres, même si elles n’y vont pas pour se nourrir, pourront se retrouver à l’extérieur. Un espace leur sera réservé. Mais contrairement à ce qu’on peut penser, ces animaux ne recherchent pas tant l’extérieur. « Tu ouvres les portes, si tu ne les pousses pas, elles ne sortiront pas », confie Martin.

Ces animaux, poursuit Marja, se sentent en sécurité à l’intérieur, à l’abri des prédateurs. Pour le moment, 15 des 20 acres destinés à la culture ont été loués à un agriculteur pour un maximum de trois ans. « Après nous verrons puisqu’on bâtira l’étable. Peut-être pourrait-on cultiver de petits fruits. Mais nous verrons l’espace disponible. Si on peut en louer encore, on le fera », mentionne Martin Lantagne.

Un travail d’équipe

Dans l’entreprise, même si tout le monde peut toucher un peu à tout, chacun voit à certaines tâches. Janic, en tant que maître fromager, s’occupera davantage de la fromagerie, lui qui a étudié au programme Technologie des procédés et de la qualité des aliments à l’Institut de technologie alimentaire (ITA) de Saint-Hyacinthe.

Marja aussi a étudié à l’ITA en gestion agricole. On lui confie notamment la gestion de l’étable avec sa maman Hélène, et la responsabilité de l’acériculture. Martin, lui, se concentre surtout sur la transformation et la restauration.

Des honneurs

Les efforts déployés au fil des ans ont porté fruit. La Fromagerie Lait Grand Cru a remporté, en 2019 avec son fromage Atypique, le Caseus du meilleur fromage à croûte fleurie au lait de chèvre au Québec. La même année, l’entreprise a terminé en deuxième position au pays au Royal Agricultural Winter Fair de Toronto avec Voltige, son fromage pâte molle à croûte mixte.

Fromagerie Lait Grand Cru profitera, par ailleurs, de ses nouvelles installations pour changer de nom. Elle deviendra la Fromagerie Phoenix.

« Notre distributeur nous l’a conseillé en disant que c’était le temps de le faire. C’est que, même si notre produit est pasteurisé, le nom lait cru décourage une certaine clientèle », explique Martin Lantagne.

Pour favoriser l’usage, on a opté pour la graphie anglophone. « Elle est aussi acceptée en français maintenant. Si on veut vendre dans l’Ouest canadien et aux États-Unis, on a pensé que ce serait plus facile à prononcer. Et Phoenix, c’est aussi un jeu de mots, comme pour dire qu’avec tous nos projets, on renaît de nos cendres », exprime Marja Lantagne.

Avec tous ces projets, la famille aura bien besoin de main-d’œuvre. « On prévoit devoir embaucher entre 10 et 15 personnes », évalue Martin Lantagne. Bien conscients de la situation en ce domaine, ils ont acquis de l’équipement à la fromagerie en vue d’une automatisation maximale. Question de répondre à la demande avec le moins de main-d’œuvre possible.

Une place dans le bio?

Martin Lantangne aimerait bien éventuellement emprunter la voie du bio, une voie déserte actuellement. « Il n’y a pas de troupeaux de chèvres bio au Québec », dit-il. « Il n’y a que des microfromageries qui produisent un fromage de chèvre bio », précise son fils Janic. « On aurait notre place partout. On pourrait avoir 1000 chèvres. Il faudrait prendre l’avance avant les autres », estime Martin qui tente de convaincre ses troupes,  notamment sa fille Marja qui soulève la complexité de la gestion d’un troupeau dans le bio.

Mais le père n’en démord pas. « Le bio ouvre des portes. Des programmes d’aide financière existent pour favoriser le transfert entre le traditionnel et le bio. Il faut se montrer avant-gardiste et prendre la manne quand elle passe », croit-il. « Et rien n’empêche, ajoute Janic, de transformer du conventionnel et du bio dans la même fromagerie. » Histoire à suivre! Tout comme les autres activités, dont les soirées country qu’ils organisent à L’Érable Rouge avec un coup d’envoi le 11 décembre. L’idée de tenir des méchouis mijote aussi. Comme on le voit, les projets ne manquent pas.