Lyne Binette : une vie consacrée à la danse

Elle n’avait que 3 ou 4 ans quand elle a commencé à danser. Pas parce qu’elle aimait ça, mais bien parce que sa cousine dansait. « À vrai dire, je n’aimais pas ça du tout », confie Lyne Binette, née à Plessisville où elle a vécu jusqu’à sa majorité. Ce qui ne l’a pas empêché d’y prendre goût par la suite.

Sa professeure de danse à ses débuts, à Plessisville, a su lui transmettre la passion, de même que la rigueur. « C’était une femme extrêmement loyale, qui demandait la loyauté. Une femme très dévouée, exigeante, ce qui fait qu’à mon arrivée dans le milieu professionnel, je ne me suis pas sentie perdue », raconte Lyne Binette, rencontrée à son nouvel atelier de Victoriaville.

Tôt dans sa vie, vers 12 ou 13 ans, elle souhaitait enseigner la danse. Ce qu’elle a fait à l’adolescence, à 15 ans, en donnant des cours à des étudiants. Un an plus tard arrive l’expérience du spectacle. « J’ai loué une salle, monté un spectacle, fait mes affiches, loué des costumes, vendu des billets, engagé des techniciens. J’ai tout pris sur mes épaules à 16 ans », se souvient-elle.

Survient ensuite un déclic. « J’ai finalement réalisé que ce n’est pas ce que je voulais faire. J’enseignais à Plessisville et à Arthabaska pour me rendre compte que je ne pouvais plus enseigner. Je ne connaissais rien. J’avais déjà fait le tour. Je me suis dit : je veux être éduqué en danse », précise-t-elle. Lyne Binette garde en mémoire ce jour où elle assiste, au Cégep de Victoriaville, à une démonstration du chorégraphe Paul-André Fortier, une icône au Québec. Dans sa tête, tout s’éclaire : « C’est ce que je veux faire. Je veux transmettre, mais pour ce faire, il faut d’abord connaître. Je voulais savoir, avoir une éducation générale en danse, d’où mon désir d’aller à l’université. »

En plus de son baccalauréat et de sa maîtrise de l’Université York de Toronto, elle est aussi diplômée de l’École nationale de ballet du Canada, de l’Imperial Society of teachers of dancing et devient plus tard instructeur Pilates pour le travail au sol et sur les appareils Reformers. Lyne Binette, qui a dispensé son savoir à Toronto, Ottawa et Québec, a toujours éprouvé un intérêt marqué pour l’éducation par la danse, l’éducation en danse, tout en s’intéressant à la santé globale et au bien-être des danseurs de tous âges.

Le développement de programmes l’a amenée à participer à des formations, des séminaires et des conférences à travers le Canada, les États-Unis, en France, en Angleterre et aux Pays-Bas. Lyne Binette a toujours voulu « construire, amener des changements profonds », d’où son inscription à la maîtrise portant sur la différence entre l’éducation par la danse et l’éducation en danse et une thèse qu’elle a défendue avec succès, étant d’ailleurs nommée pour un prix.

Une fois la maîtrise terminée, elle savait exactement où elle s’en allait : travailler en institution. Ce qu’elle a toujours fait par la suite. « J’ai toujours enseigné dans un système scolaire quelconque, pas beaucoup au grand public », note-t-elle. La spécialiste en danse a toujours aimé développer des programmes. On lui doit notamment un programme danse-études pour l’ancienne Commission scolaire de la Capitale.

Elle aura mis sept ans de travail pour réécrire un programme de formation supérieure en danse contemporaine. « En faisant table rase, ça m’a permis d’aller chercher une perspective nationale et internationale. J’ai visité des écoles à travers le Canada et en Europe pour me faire une tête. En écrivant un programme, explique-t-elle, il faut anticiper, se projeter dans le temps pour évaluer à quoi ressemblera le marché dans quelques années afin que le programme soit toujours pertinent. »

L’autonomie

Ce que Lyne Binette a elle-même expérimenté, l’autonomie en quelque sorte, elle invite aussi les étudiants à faire de même. « Après avoir été à la tête de programmes, j’ai toujours dit qu’il revient à l’étudiant de faire son programme. Les élèves ont le droit d’être exigeants, de demander, de trouver des portes qui ne sont pas nécessairement les portes traditionnelles. C’est ce que j’ai fait. J’allais faire des stages à l’extérieur et je demandais à ce qu’ils soient crédités. Je trouvais des façons de continuer à explorer », relate-t-elle.

À ses débuts à Toronto, elle explorait, allait découvrir tout ce qu’elle pouvait comme spectacles, non seulement de la danse, mais d’autres disciplines, comme l’opéra. « Ça a été de découvrir et d’apprendre. Je ne me donnais pas le choix de décider si j’aimais ou non. Pour savoir, il fallait que j’y aille. Tout ce qu’il y avait d’underground, c’était vraiment plaisant », se rappelle-t-elle. Comme enseignante, Lyne Binette a toujours favorisé l’accessibilité, faisant en sorte que les étudiants se sentent en confiance, que le studio de danse soit « un endroit permettant d’être ce que tu veux être, comme tu veux l’être, où il n’y a pas de tabou et où on se sent en sécurité physique et mentale ».

Son véritable objectif, comme professeure, consiste à faire en sorte que les élèves en arrivent à ne plus avoir besoin d’elle. « À un moment, il restera quelque chose que tu te seras approprié. Pour moi, chaque personne est capable de trouver son chemin. La technique sert ce but. La technique n’est pas une fin en soi », affirme-t-elle, insistant sur l’importance d’amener les étudiants à être autonomes dans leurs apprentissages pour qu’ils puissent faire leur choix.

Retour à la maison

L’arrivée de la soixantaine a suscité chez elle une remise en question. Après tant de travail, vient le temps de penser à soi. « J’ai encore des envies pour moi, des trucs à accomplir, toujours animée de cette passion pour la transmission et pour l’élève. Ça demeure inconditionnel », exprime-t-elle. Lyne Binette prend conscience, au fil de discussions, notamment lors d’un échange avec un directeur d’école, que le besoin se fait sentir dans les régions. « Quand on enseigne la danse, on enseigne aussi l’école de la vie. On enseigne les valeurs, on enseigne à devenir un bon citoyen », fait-elle valoir.

Après toutes ces années à travailler avec des groupes, Lyne Binette avait envie de rencontres individuelles, d’un travail de personne à personne. Un travail à une autre échelle, d’où son retour dans la région et l’ouverture de son atelier à Victoriaville, rue Perreault, dans le même immeuble que l’école L’Entre-choc. Lyne Binette connaît de longue date la propriétaire de L’Entre-Choc, Marie-Hélène Carrier. « On vient de la même source, on a dansé ensemble, souligne-t-elle. On a toujours gardé contact de loin. »

Ayant plusieurs cordes à son arc, son offre se compose notamment de l’approche avec l’appareil Reformer développé par un Allemand, Joseph Pilates, lors de la Première Guerre mondiale. « Il s’agit d’une philosophie d’approche au mouvement, de l’entraînement physique par le mouvement », explique celle qui voue depuis toujours un intérêt marqué pour le corps, sa connaissance, son fonctionnement, un intérêt pour le bien-être global de la personne par la pratique artistique sécuritaire et par le mouvement.