Deux candidats pour le seul débat dans Richmond-Arthabaska

Dans Richmond-Arthabaska, le candidat conservateur et député sortant, Alain Rayes, et le candidat du Bloc québécois, Diego Scalzo ont croisé le fer, mardi soir, au Cégep de Victoriaville, un rendez-vous orchestré par l’organisation des Mercredis des sciences humaines.

Il n’y avait que deux candidats, mais des invitations avaient pourtant été adressées aux cinq partis qui répondaient aux critères retenus, ceux édictés par la Commission des débats des chefs. Les représentants du Parti conservateur, du Bloc québécois, du Parti libéral, du NPD et du Parti vert ont reçu une invitation  « Les absents étaient non disponibles ou bien ils ont décliné notre invitation », a expliqué, dès le départ, Boris Déry, professeur d’histoire et membre du comité des Mercredis des sciences humaines. 

La conseillère pédagogique Anne-Marie Handfield a animé le débat présenté aussi en direct sur la page Facebook du Cégep. Les deux adversaires, se connaissant bien, cette rencontre a été cordiale, sans attaque ni animosité.

Tenu en cinq parties, le débat, outre les discours d’ouverture et de fermeture, a permis d’abord des questions préparées par des étudiants en sciences humaines, suivies de questions directes entre candidats, puis celles provenant de l’auditoire.

Différents thèmes ont été abordés, de l’accès Internet haute vitesse et la téléphonie cellulaire en milieu rural plus éloigné jusqu’à l’accès à la propriété et aux logements en passant par la lutte contre la pauvreté, l’environnement, le soutien aux petits commerçants frappés durement en temps de pandémie, la réalité autochtone et l’agriculture.

L’immobilier

Interrogé sur les actions proposées pour faciliter l’accès à l’achat d’habitation dans un contexte d’une hausse importante des prix de vente sur le marché immobilier, Diego Scalzo a reconnu comme un enjeu fondamental le logement,  l’accès à l’habitation. « Les citoyens m’en parlaient quand j’étais maire. J’avais déjà fait l’exercice de tenter de me trouver un logement à Warwick. J’en ai été incapable. Ils étaient tous loués », a-t-il signalé.

Le Bloc québécois, a-t-il dit, propose l’investissement de 1% du budget du gouvernement dans le logement social, abordable. « C’est important que le gouvernement investisse des montants importants et prévisibles pour savoir, d’année en année, le nombre de logements qui seront créés dans nos communautés », a fait valoir le candidat bloquiste. 

Le candidat Alain Rayes, pour sa part, a fait remarquer qu’il sera de plus en plus difficile pour les jeunes d’acquérir une maison. Et il pointe, comme un des  principaux problèmes, les investisseurs étrangers qui achètent simplement pour faire de la spéculation, spécialement dans les grands centres. « Et par débordement, ça se répercute dans les plus petites municipalités autour. Une des solutions consiste à mettre fin à cette spéculation en interdisant les investissements étrangers pour des achats à court terme », a-t-il indiqué.

L’environnement

Les deux candidats ont été amenés à préciser leurs gestes concrets pour diminuer les émissions des gaz à effet de serre (GES) du Canada afin d’améliorer la situation du réchauffement climatique.

« Une question très pertinente, très actuelle, c’est la grande crise de l’humanité, a exprimé Diego Scalzo. Pour réduire les GES, on doit notamment diminuer notre production de pétrole et en consommer moins, sans abandonner les Albertains en investissant dans la transition énergétique de cette province. »

Cet enjeu est essentiel, a aussi admis Alain Rayes, rappelant, à l’époque, avoir été sensibilisé à cette réalité par Normand Maurice. « Comme élément concret qu’on peut mettre en place, des technologies existent pour nous aider. Notre plan environnemental comporte plusieurs éléments pour atteindre les cibles de Paris et diminuer les GES », a-t-il signalé, ajoutant qu’il ne fallait pas oublier la protection des forêts, des cours d’eau, des terres agricoles.

L’impact de la COVID

Les candidats ont aussi été questionnés sur leur intention quant à de possibles mesures pour soutenir les petits commerçants, dont les restaurateurs, durement touchés par la pandémie. 

Le conservateur Alain Rayes est allé directement au but. « En parlant avec les commerçants, on s’aperçoit que le plus grand problème, c’est la pénurie de main-d’œuvre », a-t-il souligné, tout en évoquant l’incohérence de maintenir certaines mesures d’aide. « Actuellement, au Québec, 120 000 personnes sont aptes à travailler et bénéficient de la PCRE (prestation canadienne pour la relance économique), a-t-il avancé. Cela fait en sorte que des commerçants se trouvent incapables de subvenir à leurs besoins de main-d’œuvre. Il y a lieu de mettre fin à cette mesure tout en la maintenant pour certains secteurs plus touchés, comme le tourisme, les événements et le culturel. »

Le candidat Rayes déplore aussi toute la bureaucratie en matière d’immigration.

La vision du candidat bloquiste rejoint celle de son adversaire, la PCRE doit être suspendue, à l’exception de certains secteurs, dont l’aéronautique, les arts et la culture.

« Au Bloc québécois, on propose aussi de permettre aux retraités peu fortunés de retourner sur le marché du travail sans qu’ils soient pénalisés au plan fiscal », a-t-il mentionné.

La réalité autochtone

Les deux adversaires politiques, interrogés sur les difficultés vécues par les communautés autochtones quant à l’accès à l’eau potable et à la nourriture, ont dénoncé vivement la situation.

« C’est épouvantable qu’en 2021, des communautés n’aient pas accès à de l’eau, a commenté Diego Scalzo. C’est une aberration, une honte pour le Canada à travers le monde. C’est choquant, d’autant que des promesses n’ont pas été tenues. Il faut que les bottines suivent les babines et qu’on fasse les investissements nécessaires. »

« La question de l’eau potable, le gouvernement s’était engagé à régler le problème. Aujourd’hui encore, plus de 60 communautés n’y ont pas encore accès. C’est inadmissible dans une société comme la nôtre qu’on ne puisse les aider à subvenir à ce besoin essentiel. On est capable, avec la technologie, de changer les choses », a plaidé Alain Rayes.

Les réponses n’ont toutefois pas suffi à la jeune femme qui a rappliqué au micro, interrogeant les candidats à savoir s’ils avaient un plan déjà établi pour améliorer la qualité de vie des Premières Nations.

« Oui, un rapport a été déposé avec plusieurs mesures, a fait savoir M. Rayes. Nous sommes en accord avec 99% d’entre elles. Quant au délai,  c’est difficile de l’établir, car on a l’obligation, à nos yeux, de travailler avec les peuples, mais il y a urgence pour les questions alimentaires et sanitaires. »

Pour Diego Scalzo, le respect mutuel importe. « C’est de se respecter de nation à nation, d’en arriver à des ententes de partenariat et de réaliser les investissements nécessaires pour qu’ils aient une qualité de vie comme la nôtre », a-t-il exprimé. 

La gestion de l’offre 

Les candidats bloquiste et conservateur ont eu à s’expliquer aussi sur le système de la gestion de l’offre et des brèches créées dans le marché au fil des ans.

« Cette gestion de l’offre vise à assurer un prix minimum. Mais lors des négociations internationales, si nos producteurs écopent, il leur faut des compensations financières pour essuyer leurs pertes », a soutenu le candidat Rayes.

Diego Scalzo rejoint son opposant à ce sujet. « C’est important d’avoir des élus qui y croient à la gestion de l’offre, conscients de son importance pour notre économie, surtout ici dans Richmond-Arthabaska où l’agriculture joue un rôle majeur. Et quand des brèches surviennent, puisque le Canada n’est pas le plus grand joueur, on se doit de compenser ces pertes », a-t-il affirmé.

L’auteur de la question a fait savoir au micro son insatisfaction face aux réponses obtenues, amenant ainsi les candidats à apporter des précisions.  « On ne peut être complètement fermé à tous les autres pays dans un secteur, car ils nous fermeront la frontière ailleurs. Il y a un jeu de négociations qui se fait. Si des concessions doivent être faites, après avoir défendu du mieux qu’on peut le système de gestion de l’offre, comme d’autres secteurs économiques, il faut être capable de soutenir ceux qui écopent. Et cela, les libéraux ne l’ont pas fait adéquatement », a observé Alain Rayes.

Diego Scalzo, lui, a retourné la question à l’interlocuteur. « Quelle réponse souhaitez-vous entendre? » « Que vous fassiez l’effort pour diminuer le partage des parts de marché, pas juste  des compensations », a répondu le jeune homme.

Les armes à feu

Le sujet du contrôle des armes à feu s’est invité à la faveur d’une question d’un étudiant présent dans l’auditorium.

Alain Rayes du Parti conservateur a rappelé la décision de maintenir la restriction sur les 1500 armes avancée par les libéraux. « Mais une fois élus, nous voulons mettre en place un comité d’experts indépendants pour valider ces armes », a-t-il dit, tout en signalant que  les chasseurs, qui utilisent certaines armes pour la chasse ou le tir de plaisance, en ont marre de se sentir comme des criminels. « Surtout que la plupart des tueries surviennent avec des armes achetées en contrebande », a ajouté le candidat, notant au passage l’engagement à augmenter le financement des corps policiers.

Diego Scalzo du Bloc québécois a une vision diamétralement opposée. « Évidemment, la chasse constitue une activité importante dans nos communautés. Mais les armes d’assaut et de poing n’ont pas leur place dans notre société. C’est non! »

À un autre élève qui demandait s’ils avaient l’intention de légaliser les armes comme chez nos voisins du sud, le candidat bloquiste a répondu : « Le modèle américain n’est pas un exemple. »

« C’est déjà légiféré. Il y a des règles sévères concernant la vente d’armes, a confié Alain Rayes. On doit régler les armes de poing. Les gros problèmes, c’est la contrebande et les gangs de rue. Voilà le plus grand fléau. Il reste à trouver qui prendra la responsabilité. On doit trouver un terrain d’entente et allouer les ressources nécessaires. Quant au modèle américain, je ne pense pas qu’il est accepté dans les valeurs québécoises et canadiennes. »

Bien d’autres sujets ont été explorés, le soutien à la jeunesse, les problèmes de santé mentale, puis une question sur le droit à l’avortement.

Alain Rayes a rappelé qu’il était pro-choix, comme son chef. « Clairement, les femmes sont libres de choisir ce qu’elles veulent faire. Le dossier est clos pour nous, même si certains membres de notre base sont des pro-vie. »

« Le corps des femmes appartient aux femmes », a assuré aussi le bloquiste Diego Scalzo qui s’interroge, du coup, sur la façon de parler aux gens d’opinions contraires. « Comment on fait pour se parler, pour influencer, changer les opinions des autres sans tomber toujours dans la confrontation et la violence? Ce sera un des grands enjeux des prochaines années », a-t-il fait remarquer.

Enfin, la politique internationale a été effleurée à la toute fin avec une question sur l’aide en lien avec la persécution des Ouïghours.

Le candidat Scalzo se désole de tous les reculs observés à travers le monde. « C’est épouvantable. Le Canada doit jouer son rôle de pays collaborateur, pacificateur, qui parle de démocratie aux autres nations. Mais le défi est immense », a-t-il constaté.

Pour sa part, le candidat conservateur a annoncé qu’il durcissait le ton. « Les Ouïghours sont des musulmans actuellement persécutés par la République de Chine. Par 50 experts internationaux, on a reconnu l’existence d’un génocide. Une motion a été déposée aux Communes, mais les libéraux ont refusé de voter en faveur. On a déjà avec la Chine, le problème des deux Michael détenus depuis plus de 1000 jours en raison d’enjeux politiques. C’est inacceptable », a conclu Alain Rayes.

Les mots de la fin

Pour terminer la rencontre, aucune formule du genre « votez pour moi ». Non. Les candidats ont plutôt remercié les étudiants et salué la qualité des questions posées. « On mériterait, je pense, d’avoir plus souvent des questions aussi pertinentes, même à la Chambre des communes. C’est bien de voir que vous vous intéressez à des enjeux aussi divers », leur a dit Alain Rayes, tout en les invitant à s’engager, peu importe la façon. « Vous avez des préoccupations, faites-vous entendre. Et allez voter! »

Diego Scalzo a questionné l’auditoire, désireux de savoir qui avait le droit de vote, qui avait déjà voté et qui ignorait encore pour qui voter. « Pour les personnes qui se questionnent, discutez avec d’autres de ce que vous avez entendu ce soir, consultez les programmes et faites-vous une tête », a-t-il terminé, tout en les laissant sur une invitation à se questionner sur leur rôle comme citoyen pour changer des choses ou faire avancer une cause.