30 000 $ de plus pour les élus québécois

QUÉBEC — Les députés se sont finalement voté une augmentation de salaire de 30 000 $. Le projet de loi sur le sujet a été adopté mardi. 

La Coalition avenir Québec (CAQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ) ont voté en faveur. Le Parti québécois et Québec solidaire (QS) s’y sont opposés. 

Le porteur du projet de loi, Simon Jolin-Barrette, était absent lors du vote. 

Le salaire de base des élus passera donc de 101 561 $ à 131 766 $. Tous les députés avec des fonctions supplémentaires (les ministres, les leaders, les chefs des oppositions) recevront une hausse encore plus importante. 

Par exemple, le salaire du premier ministre, François Legault, passera de 208 200 $ à 270 120 $. Les ministres, quant à eux, gagneront désormais 230 591 $. 

Les députés solidaires redonneront en tout ou en partie leur augmentation de salaire. La formation politique assure que les élus vont divulguer les montants des dons. Les députés péquistes, quant à eux, limiteront leur augmentation à celle qui sera donnée aux travailleurs du secteur public. 

«Piraterie parlementaire»

Les élus solidaires martèlent depuis des semaines que les députés ne devraient pas décider eux-mêmes de leur salaire et de leurs conditions de travail.  

Pendant l’étude détaillée du projet de loi, QS a utilisé plusieurs moyens pour s’y opposer. Le parti a déposé plusieurs amendements notamment pour que la hausse soit de 10 000 $ ou 20 000 $ plutôt que 30 000 $. 

La Coalition avenir Québec et les libéraux ont attaqué QS en les accusant d’être incohérents. Le leader solidaire Alexandre Leduc s’est défendu en affirmant qu’il tentait plutôt «d’amoindrir» la hausse pour les contribuables. 

Le gouvernement Legault a accusé le parti de Gabriel Nadeau-Dubois de verser dans le «populisme» en s’opposant à la hausse salariale jusqu’à faire du blocage.

Le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, a qualifié la stratégie de QS de «manœuvres dilatoires» et de «piraterie parlementaire».

QS a également proposé de reporter la hausse à 2026, soit après la prochaine élection. 

Voulant justifier la hausse de salaire, le whip du gouvernement, Éric Lefebvre, avait plaidé que sa charge de travail était si lourde qu’il ne pouvait voir sa mère qu’une fois par année.

Le premier ministre François Legault a argué, pour sa part, que les politiciens ont «le droit d’aller gagner le plus d’argent possible pour donner le plus possible à [leurs] enfants».

Les députés en conflit d’intérêts ? 

Selon la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet, le fait que les députés débattent de leur propre salaire peut soulever des enjeux relatifs aux conflits d’intérêts.

«Il a été évoqué à plusieurs reprises […] que le fait pour les parlementaires de déterminer eux-mêmes leurs conditions de travail comporte un risque réel de conflits d’intérêts», indique la commissaire dans une lettre envoyée en réponse à une demande du député solidaire Vincent Marissal et dont La Presse Canadienne a obtenu copie lundi.  

M. Marissal a écrit à la commissaire le 24 mai dernier pour lui demander de se pencher sur le fait qu’il pourrait potentiellement être en conflit d’intérêts lorsqu’il a participé aux débats sur le projet de loi 24. 

Elle dit toutefois ne pas pouvoir rendre d’avis sur cette question précise, car elle concerne les 125 députés de l’Assemblée nationale. 

La commissaire indique cependant que le débat sur le salaire des députés soulève des enjeux relatifs aux conflits d’intérêts par rapport aux articles 15 et 16 du «Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale».

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, est d’accord «dans une certaine mesure» que les députés sont en conflit d’intérêts lorsqu’ils débattent et votent leur salaire et leurs conditions de travail. 

«Mais il ne faut pas faire de populisme avec ça. Lorsque QS affirme qu’on vote notre propre salaire, il faut nuancer. Le gouvernement a référé à des tiers, qui n’avaient pas d’intérêt, le soin de déterminer quel devrait être ce salaire-là», a-t-il expliqué en point de presse mardi avant le vote sur le projet de loi.

M. St-Pierre Plamondon ajoute que chaque loi doit nécessairement être votée à l’Assemblée nationale. Le chef libéral, Marc Tanguay, abonde dans le même sens. 

Changer la manière de faire?

Dans sa lettre, la commissaire à l’éthique rappelle qu’elle – et son prédécesseur, Jacques Saint-Laurent – ont tous deux suggéré l’implantation d’un comité indépendant et décisionnel pour déterminer les conditions de travail des députés dans des rapports.  

Dans son rapport de 2019, Mme Mignolet recommandait que «l’Assemblée nationale envisage la création d’un comité indépendant permanent doté de pouvoirs décisionnels en matière de conditions de travail des députés». 

«Je demande à ce que l’on entende la commissaire à l’éthique en commission pour qu’on puisse mettre à jour notre code d’éthique et ça pourrait peut-être faire partie de l’une de ses recommandations d’ailleurs», a dit Marc Tanguay mardi. 

Sans se prononcer sur la recommandation de la création d’un comité indépendant permanent et décisionnel, M. Tanguay a dit être «en faveur qu’il y ait des discussions là-dessus».

QS est favorable à cette recommandation. Le parti défend une position essentiellement identique. 

Mme Mignolet souligne également que le rapport, dont s’est inspiré le gouvernement pour hausser le salaire des députés, pointe l’enjeu de l’éthique lié au fait que les députés déterminent leurs propres conditions de travail. 

Dans ce rapport, on indique que «la question d’apparence de conflit d’intérêts demeure un enjeu chaque fois que les conditions de travail des députés sont discutées. […] La création d’un comité permanent ayant pour mandat de revoir périodiquement les conditions de travail des parlementaires pourrait sans aucun doute amoindrir cet enjeu et permettre aux parlementaires de conserver une plus grande distance avec cette question».