Se cacher derrière la pandémie

Le 18 mai dernier, lors d’un point de presse sur le déconfinement au Québec, le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé tenait ces propos : « En ce moment, tant qu’on n’a pas réglé notamment, je vous dirais, nos conventions collectives avec le Conseil du trésor, je pense que c’est un peu prématuré […] » Il répondait alors à la question d’Alex Boissonneault, journaliste, concernant le maintien des mesures d’urgence sanitaire. Monsieur Dubé poursuivait en ajoutant que les pouvoirs exceptionnels décrétés par les mesures d’urgence permettaient une « flexibilité » dans la gestion du personnel. Par un gazouillis le lendemain, il revenait sur ses propos en expliquant s’être mal exprimé.

Le 22 mai, je m’exprimais sur les ondes radio-canadiennes de la Mauricie dans l’émission de Marie-Claude Julien. Je partageais mes inquiétudes face au propos tenu le 18 mai par le ministre Dubé. Je craignais qu’on utilise la pandémie pour justifier des moyens de gestion qui n’ont rien à voir avec celle-ci.

On apprenait hier la mise en place d’une prime de 1000 $ par mois pour les personnes qui travailleront à temps plein dans les centres jeunesse. Ce type de prime existe depuis le début de la pandémie pour les personnes qui travaille en CHSLD. Il s’agit d’une mesure incitative pour travailler dans ces milieux durement touchés par la pandémie.

Malgré une certaine recrudescence de cas dans les derniers jours, nous nous trouvons à des années-lumière de la situation qui prévalait au début de la pandémie. Les hospitalisations sont stables, les décès se font rares, on a même retiré des primes « pandémiques » à certaines personnes salariées depuis le mois de juin. Bref, la situation penche vers une diminution des mesures exceptionnelles et la reprise d’une certaine normalité.

Alors, comment justifie-t-on cette nouvelle prime qui fait partie des mesures d’urgence sanitaire? Est-ce que des foyers d’infection sont subitement apparus dans tous les centres jeunesse de la province au cours des derniers jours?

Ne vous méprenez pas, je ne demande pas le retrait de cette prime, mais pourquoi ne pas l’avoir donné alors que la pandémie faisait rage. Les services de protection de la jeunesse se trouvent dans une situation tellement critique, que tout doit être fait pour favoriser la rétention du personnel. Ce qui m’enrage, c’est que le gouvernement Legault n’est absolument pas en mesure de reconnaître les raisons pour lesquelles nous nous retrouvons face à un mur. Il préfère mentir à la population en s’appuyant sur la pandémie plutôt qu’utiliser les moyens nécessaires pour s’assurer de la qualité des services en centre jeunesse.

La pénurie de main-d’œuvre et la perte de l’expertise sont dues à la fusion des centres jeunesse au sein de mégastructures inhumaines comme celle du CIUSSS MCQ et la fusion des listes de rappel. Cela a permis aux intervenantes sociales de comprendre que la protection de la jeunesse est éreintante, difficile et épuisante. De comprendre que l’épuisement par compassion est exponentiel quand on partage la douleur des personnes les plus vulnérables de notre société. De comprendre que quand le bateau coule, il faut profiter de ceux qui continuent de flotter.

Pourtant des solutions existent. Régine Laurent et son équipe, dans le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, démontrent celles qu’il faut mettre de l’avant. De ce que je comprends, monsieur le ministre, aussitôt reçu, aussitôt tabletté. Peut-être faudrait-il le rédiger en termes de colonne de chiffres et remplacer sa couverture par un signe de dollar.

Jean-Christophe Côté-Benoît

Représentant national APTS

Mauricie et Centre-du-Québec