La retraite après plus de 40 ans d’ambulance

En 42 ans, le Plessisvillois Richard Boulanger a fait retentir la sirène de son ambulance à de multiples reprises. Cette fois, c’est plutôt l’heure de la retraite qui a sonné pour le paramédic.

L’intervenant d’urgence a effectué, le 29 juillet, son tout dernier quart de travail, avant de « tomber en vacances » pour ensuite officiellement profiter de sa retraite à compter du début du mois de septembre. « J’aurai pu continuer encore », note-t-il en entrevue téléphonique, un peu plus d’une semaine avant sa toute dernière journée de travail.

Mais Richard Boulanger, qui deviendra sexagénaire au cours du mois d’août, mûrissait sa décision depuis un bon moment. « Quand je prends une décision, c’est rare que je change d’idée, affirme-t-il. Ma retraite, je l’ai décidée il y a environ un an et demi. Je m’étais fixé un but, celui de continuer, si j’en étais capable, jusqu’à l’âge de 60 ans. »

Une autre époque

Richard Boulanger a toujours pratiqué son métier dans la région de Plessisville, là où tout a commencé le 1er juin 1979. C’était une tout autre époque. Sur les conseils d’un ami de son père, Richard, qui a suivi son cours d’Ambulance Saint-Jean en quatrième secondaire, est allé à la rencontre de Denis Rousseau, l’homme qui possédait les salons funéraires et les ambulances. « Il a été mon premier employeur. C’est lui qui m’a donné ma première chance et je l’en remercie grandement. J’ai été le voir le 30 mai et j’ai commencé dès le lendemain », se rappelle-t-il.

« On était jumelé avec quelqu’un d’expérience, poursuit-il. Dans ce temps-là, on se débrouillait. Ce n’était pas sévère comme aujourd’hui. » L’automne suivant ses débuts comme ambulancier, le Plessisvillois a entrepris le cours « Technicien médical », une formation qu’il suivait en soirée au Cégep de Thetford Mines. « On était sur les bancs d’école. Quand la radio sonnait, on partait, ce qui déplaisait aux profs », raconte-t-il.

À ses débuts, les paramédics plessisvillois recevaient entre 200 et 250 appels annuellement. « Aujourd’hui, on répond à 2000 appels par année. Ça a bien changé », constate-t-il. Quand il a commencé, Richard Boulanger faisait de l’ambulance, comme on dit, à temps partiel. « Ce n’était pas, au départ, un emploi à temps plein. Et on était payé 6 $ du voyage », précise-t-il. C’est pourquoi il a aussi occupé d’autres emplois, notamment représentant sur la route et gérant d’une compagnie.

Le désir d’aider

Interrogé sur ses motivations, sur ce qu’il aimait comme paramédic, Richard Boulanger répond, du tac au tac : « Aider les gens, porter secours au monde. Et puis il y a aussi l’adrénaline. On ne sait jamais quand arrivera l’appel, quand on va partir ni qui on ira chercher », souligne-t-il.

Il faut savoir que, dans une petite ville comme Plessisville, Richard connaît bien des gens. L’inverse est aussi vrai : bien des citoyens le connaissent. « Quand on se dirige dans une rue, on sait déjà à peu près où on s’en va. Tu rentres dans une maison sans cogner, c’est un privilège. Tu y vas pour aider, parce que tu as quelque chose à faire. Les gens sont malades. Les personnes sur place comptent sur nous. lls nous attendent et sont contents de nous voir », exprime-t-il.

Des événements marquants

Au fil du temps, Richard Boulanger en a vécu des événements de toutes sortes, certains plus marquants que d’autres, des naissances, des décès et des accidents graves.

Il lui vient notamment en mémoire ce tragique accident d’autocar qui a fait deux morts et une quarantaine de blessés au début du mois de mars 2012 dans une courbe de la route 165 à Plessisville en direction de Saint-Ferdinand.

Mais aussi cette bourrasque de vent qui a fait s’effondrer un chapiteau en juillet 2004 faisant une vingtaine de blessés à Plessisville lors du Festival country et folklorique. « C’est moi qui étais en charge à cette époque pour ces événements. En 42 ans, il n’y a pas grand-chose que je n’ai pas vu. J’ai vécu beaucoup de choses, des joies et des tristesses, mais on passe au travers », signale le chef d’équipe, tout en observant que ce métier n’est pas fait pour tout le monde.

« J’ai été capable de tout surmonter, j’en suis bien content. Il faut savoir prendre un recul sur les cas, sinon tu ne dureras pas. Il faut que tu sois capable d’en parler à la bonne personne. Moi, continue-t-il, je suis de l’ancienne génération. On réglait ça entre coéquipiers, avec mon partenaire avec qui j’ai passé presque plus de temps qu’avec ma femme et mes enfants. Dans le temps, après un appel, j’en parlais avec mon partenaire. On réglait ça ainsi, puis on passait, comme on dit, à un autre appel. Aujourd’hui, ça a bien changé. Il existe différents programmes pour aider. »

Mission accomplie!

Richard Boulanger a pratiqué son métier avec passion pendant quatre décennies. « J’ai aimé ça, j’en ai mangé », confie celui qui s’est toujours bien impliqué. Pendant quatre ans, il a notamment assumé la présidence du conseil d’administration d’Urgence Bois-Francs. Il a dispensé aussi de la formation aux paramédics durant plusieurs années.

« J’aurais pu continuer, rappelle-t-il. Il y en a qui ont 67 ans, mais j’ai décidé que j’avais assez donné. Je voulais penser un peu à moi, surtout avec ce qu’on vit aujourd’hui, et donner du temps à mon épouse et à mes petits-enfants. »

Non, Richard Boulanger ne part pas à reculons. Il quitte la tête haute avec le sentiment du devoir accompli, soutenant qu’il ne pouvait demander mieux, qu’il a vécu des choses que bien peu de personnes vivront au cours de leur vie. « Je pense que j’ai eu une carrière bien remplie. Je n’ai aucune amertume. Je suis bien heureux d’avoir exercé ce métier. J’ai été privilégié d’avoir pu le faire pendant 42 ans, fait-il valoir. On ne voit plus beaucoup cela aujourd’hui. Les jeunes décrochent plus vite. »

Il se réjouit d’avoir traversé toutes ces années sans séquelle, sans jamais avoir été retiré de la route. « J’ai vécu le plus beau métier du monde, exprime-t-il, un travail non routinier. Il n’y a pas une journée pareille. On ne sait jamais à quoi s’attendre. Tu sais à quelle heure tu commences, mais tu ignores quand tu recevras ton premier appel et quand tu vas terminer. Tu ne sais même pas si tu vas dîner. »

En empruntant le chemin de la retraite, Richard Boulanger quittera sa deuxième famille, ses collègues, hommes et femmes d’Ambulances Plessisville appartenant à Dessercom. « Je veux remercier tous mes partners, toutes les personnes avec qui j’ai eu le plaisir de travailler. Je suis bien heureux de les avoir connues et je serai content de les revoir. J’ai eu bien du plaisir », conclut le paramédic qui, croit-il, ne pourra s’empêcher de se rappeler ses 42 ans chaque fois qu’il verra passer le véhicule ambulancier, ce même camion doté d’un numéro précis et qu’il a si longtemps occupé.