Un couple durement frappé par la COVID-19

Un couple en forme, prudent, qui respectait les mesures sanitaires. Malgré tout, l’avocat Alain Gervais et sa conjointe Nancy Charland ont été terrassés, en avril, par le variant britannique de la COVID-19. Hospitalisés tous deux aux soins intensifs, ils ont vu la mort de près. Ils acceptent aujourd’hui de parler de leur traumatisante expérience pour sensibiliser la population à l’importance de la vaccination.

Nancy Charland, la première, a éprouvé les premiers symptômes le 9 avril. Alain Gervais, pour sa part, a été frappé de plein fouet deux jours plus tard sur un terrain de golf. « Je m’étais levé en pleine forme. Mais ça m’a frappé comme une brique, raconte-t-il. Je n’ai pu terminer ma partie et je suis revenu de peine et de misère à la maison. »

C’était un dimanche. Le couple victoriavillois se doutait bien qu’il avait contracté le coronavirus. Le lendemain, Nancy s’est rendue au centre désigné de dépistage. On l’a informée le jour suivant de son résultat positif. Trop malade, Alain n’a pas été en mesure à ce moment d’aller se faire dépister. « Mais, au téléphone, la santé publique a insisté pour que je fasse tous les efforts possibles pour aller me faire tester. Je savais que je l’avais, c’était évident », note-t-il. L’avocat s’est plié à la demande, a réussi à se rendre au centre de dépistage et le test a confirmé les soupçons.

Alain Gervais n’allait vraiment pas bien, une situation différente pour sa conjointe Nancy, au début. « Les premières journées, c’était plus comme une grippe. Ça ne m’inquiétait pas trop. Je me disais que plus le temps passe, mieux ça irait. Mais ce n’est pas ça du tout qui s’est produit », relate-t-elle. Au contraire, une forte fièvre, la nausée et la diarrhée, notamment, se sont mises de la partie. « Je n’avais jamais été si malade. J’étais sur le carreau », dit-elle.

Les visites à l’hôpital

C’est Nancy qui, la première, a été conduite par ambulance à l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska (HDA) à la suite d’une perte de conscience. Après quelques heures, les autorités médicales lui ont signifié son congé. L’état d’Alain Gervais, par ailleurs, ne cessait de se détériorer. En phase de déshydratation, il se retrouve à l’urgence de l’HDA. On le retourne à la maison en soirée.

Mais pour quelques jours seulement. Son état continuant de se détériorer, Me Gervais retourne à l’hôpital où, cette fois, des radiographies confirment que ses poumons sont affectés. « Le lendemain, on m’a transféré d’urgence en ambulance avec une infirmière à bord au centre hospitalier de Trois-Rivières à l’unité de soins COVID. Le médecin, se souvient Alain, m’a informé des fortes possibilités qu’on m’envoie à l’unité COVID de soins intensifs. » Ce qui s’est fait dès le lendemain matin.

L’homme avait connu une nuit horrible. « J’ai peu dormi. J’éprouvais d’énormes difficultés à respirer », confie-t-il. Le personnel médical a tout tenté, avec les divers équipements, pour lui procurer de l’oxygène. Aucune amélioration de son état. Les soignants ont alors convenu qu’il fallait l’intuber. Avant l’intubation, on a informé Alain Gervais que son épouse Nancy était aussi hospitalisée dans la chambre voisine aux soins intensifs. « On m’a rassuré en me disant qu’elle se trouvait dans une meilleure situation que moi et que ça allait vers le positif. »

Le Victoriavillois a séjourné aux soins intensifs pendant 10 jours au cours desquels il a été intubé la moitié du temps avec coma artificiel. « Je n’étais pas vraiment conscient. Je me réveillais de temps à autre. J’ai de très vagues souvenirs, note-t-il. Parfois, ils venaient aspirer des sécrétions dans mes poumons. Le souvenir qui me revient le plus, c’est quand ils m’ont désintubé. » Alain Gervais a appris du personnel que sa douce moitié allait bien.

Quant à Nancy Charland, c’est à sa troisième visite à l’hôpital qu’on a convenu de la transférer à Trois-Rivières. Elle a aussi pris rapidement le chemin de l’unité COVID des soins intensifs. « On m’a placée dans la chambre voisine d’Alain. Le personnel nous tenait informés, on avait toujours des nouvelles l’un de l’autre. Nous étions le petit couple sur l’étage. Il y avait peu de gens aux soins intensifs », précise-t-elle.

Nancy a passé six jours dans cette unité de soins intensifs, une période qui n’a pas été de tout repos. Le découragement l’a gagnée à un certain moment. « À mon arrivée aux soins intensifs, on m’a prévenue que j’allais commencer une tempête. Je ne croyais pas que ça pouvait être pire que ce que j’avais vécu jusque-là. Et pourtant… Je n’ai pas eu de répit. Je ne pensais jamais souffrir ainsi. Découragée, je n’étais plus capable. Je leur ai dit : donnez-moi une piqûre. Finalement, on se ressaisit et on s’encourage à ne pas lâcher », témoigne-t-elle.

Un personnel humain

Alain et Nancy ne tarissent pas d’éloges pour les soins qu’ils ont reçus, tant à l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska qu’au centre hospitalier de Trois-Rivières. « On a obtenu des soins extraordinaires avec une équipe qui s’occupait de nous. C’est assez incroyable », souligne Alain Gervais. « Nous avons été choyés, renchérit Nancy Charland. Ils étaient toujours près de nous. On sentait la compassion. Je trouve qu’ils étaient très humains. »

De petits gestes, des attentions, le démontrent bien d’ailleurs. « Une fille, voyant mes cheveux cotonneux, m’a dit qu’elle allait me faire une belle petite tresse française », confie Nancy. Et puis, il y a ce moment très touchant, les retrouvailles que le personnel a rendues possible pour le couple qui ne s’était pas vu depuis plus de deux semaines.

C’est Nancy qui le raconte, Alain, encore trop émotif, n’y parvient pas. « On a certes vécu les pires moments de notre vie, mais aussi parmi les plus beaux, fait valoir Nancy. On ne m’avait pas prévenu du moment où Alain reviendrait des soins intensifs. Tout d’un coup, ils arrivent avec la civière pour faire nos retrouvailles. Ils l’installent à côté de mon lit. Plutôt que de l’amener directement à sa chambre, ils sont venus dans la mienne pour environ 5 à 10 minutes. On s’est tenu la main. Ça a été un moment très émotif. Tout le monde pleurait. Ça fait un beau moment de retrouvailles. Ils nous ont permis de vivre ça. C’est un beau côté humain. »

Recommencer à zéro

Le couple comprend maintenant le concept de tout recommencer à zéro. « On n’est plus capable de rien faire. Même s’asseoir exige un effort. Incapable de marcher, au début, il nous faut une marchette. Petit pas par petit pas, souligne Nancy. Juste se laver constitue une corvée. C’est très difficile. » Bénéficiant du soutien de ses proches, elle a pu, à sa sortie de l’hôpital, regagner son domicile sans devoir se rendre dans un centre de réadaptation.

Affaibli, Alain Gervais, qui a perdu près d’une trentaine de livres au cours des trois premières semaines de la maladie, a séjourné, avant son retour à la maison, un peu plus d’une semaine au cinquième étage de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska. Il salue au passage tout le personnel pour l’excellence des soins prodigués. « En arrivant à l’HDA, je ne pouvais rien faire. Pour obtenir mon congé, il fallait que je leur démontre que je pouvais monter les trois marches menant à ma résidence. Il m’a fallu un peu plus d’une semaine pour y arriver », signale-t-il.

De retour chez lui, Alain, comme il le dit lui-même, a squatté son salon pendant trois semaines, incapable de monter l’escalier menant à l’étage où se trouvent les chambres et la salle de bain complète. « Au début, avec la marchette, je faisais une dizaine de pas et je devenais fatigué, dit-il. Je cherchais mon oxygène. Quand tu manques d’air, tu paniques un peu. J’ai vécu des petites crises d’angoisse et de panique. »

La récupération exige beaucoup de temps. La régénération des poumons constitue un lent processus. L’état de santé d’Alain s’améliore, mais très graduellement. Il se situe, selon son évaluation, à 20% environ de ses capacités pulmonaires normales. S’il n’a plus besoin de marchette depuis quelques semaines, il doit toujours éviter les activités qui requièrent le moindre effort. « Je peux marcher un demi-kilomètre, mais je deviens fatigué. Il y a une limite que je ne dois pas dépasser sinon je m’en ressens et il me faut alors un jour ou deux pour m’en remettre », fait-il savoir.

Nancy Charland, pour sa part, a connu une récupération plus rapide. « Mais ce qu’il me reste beaucoup, c’est de la fatigue », mentionne-t-elle. Son conjoint le confirme. « Habituellement, je dors sept heures par nuit. Actuellement, c’est presque 12 heures et je dois me forcer pour me lever », confie l’avocat qui n’est pas près de reprendre le boulot, certainement pas avant septembre, du moins.

Le couple s’estime chanceux pour toute l’aide reçue, de leur fille, de la sœur d’Alain, Marie, qui est médecin, du père d’Alain, un médecin retraité (Jean-Guy Gervais). « C’est un peu gênant, je suis incapable de tondre mon gazon. C’est mon père, âgé de 88 ans, qui vient le faire », observe-t-il.

Le plus beau cadeau

S’ils ont certains doutes, Nancy et Alain n’ont aucune certitude sur la façon dont ils ont été contaminés. Comme bien d’autres, sans doute, ils se demandent : « Pourquoi nous et pourquoi le virus a frappé si fort? » D’autant que leur fille, qui les a supportés en prenant toutes les précautions, a également contracté la COVID-19, le même variant, tout comme son copain. Elle n’a éprouvé qu’un léger mal de tête, tandis que le gendre s’en est tiré sans aucun symptôme.

« Ce qu’on veut dire, insiste Nancy, c’est que ça peut arriver même si on fait attention et même si on est en forme. Alain a un poids santé. » « Je grimpe à pied le mont Sainte-Anne, fait-il remarquer. Les médecins m’ont dit que j’ai eu plus de chances de m’en sortir considérant l’expérience acquise depuis plus d’un an. Au début, une personne intubée sur trois ne s’en sortait pas. Ça fait réfléchir. On a failli y laisser notre peau tous les deux. »

Les deux partenaires de vie plaident pour la nécessité de la vaccination. Quand il est tombé malade, Alain avait déjà pris son rendez-vous et attendait sa première dose pour le 28 avril. Ce jour-là, il reposait aux soins intensifs. Le virus a été plus vite. « C’est important d’aller se faire vacciner », persiste Nancy. Dès qu’ils ont pu recevoir leur première dose, trois mois après les premiers symptômes, ils se sont présentés au centre de vaccination. Avec de solides effets secondaires, comme on les avait prévenus.

« Le vaccin, c’est le plus beau cadeau que les gens peuvent se faire. Et en plus, c’est gratuit!, conclut Alain Gervais. Assurément, même s’ils n’y sont pas obligés puisqu’ils ont eu la COVID, l’homme et la femme iront pour leur seconde dose après l’expiration du délai de deux mois parce qu’ils aiment voyager…