Des ruches forestières ornementées d’art

Marianne Brière est une jeune agricultrice de la relève agricole basée à Sainte-Hélène-de-Chester. Elle a organisé un projet artistique qui a permis d’orner ses ruches forestières d’œuvres créées par des étudiants du collégial.

Elle aurait bien espéré trouver, dans la région, un cégep qui aurait voulu travailler avec elle sur ce projet, mais c’est finalement celui de Saint-Jean-sur-Richelieu, et le professeur Réal Tougas, qui a accepté. Les étudiants en arts visuels ont donc travaillé sur des ruches vierges afin d’y faire des œuvres d’art différentes. En tout, 14 ruches ont été réalisées et sont actuellement exposées au cégep de l’endroit.

Pour Marianne, cela lui permet de faire, à sa façon, de la sensibilisation sur l’importance des pollinisateurs pour l’alimentation ainsi que pour l’environnement. Plutôt que d’utiliser la menace pour faire passer son message, elle a voulu faire de ses ruches des œuvres d’art. Les élèves ont donc laissé aller leur imagination en utilisant la pyrogravure ou l’encre de Chine. Pas question de solvants ou autres sur les ruches puisque Marianne vise la certification biologique. «Mon père avait vu que les Roumains mettaient de l’art sur les ruches. J’ai trouvé que c’était une bonne idée», ajoute-t-elle.

Chaque ruche est différente et elles seront installées sur la terre en bois (l’érablière O’bouleau), en pleine forêt. Un texte accompagne chaque œuvre, expliquant sa signification. Marianne élève les abeilles depuis 2019 et songe à une deuxième phase de ce projet artistique avec 40 ruches supplémentaires. «Ça va faire une belle galerie d’art en forêt», apprécie-t-elle. Si pour le moment ce ne sont que les abeilles et elle qui bénéficieront du travail des élèves, l’apicultrice (qui terminera l’an prochain son baccalauréat en agronomie) aimerait bien qu’éventuellement les œuvres puissent s’inscrire dans un circuit d’agrotourisme. «Je veux que ça perdure dans le temps et que le projet ait de la visibilité», souhaite-t-elle. Il faut dire qu’elle met tout en place pour que les ruches ornementées et faites en bois de pin durent le plus longtemps possible. Elles seront donc traitées avec de l’huile de lin et, de cette façon, pourraient avoir une espérance de vie de 15 ou 20 ans.

Et en plus d’être jolie, les ruches ainsi décorées sont plus faciles à repérer pour les abeilles qui distinguent les couleurs et les formes. «Cela permet d’éviter le phénomène de dérive, soit le fait que les abeilles se trompent de ruche. Cela limite aussi le débalancement des colonies en plus d’éviter la propagation de maladies», explique l’apicultrice.

Apiculture forestière

L’apiculture forestière, telle que la pratique Marianne, permet d’offrir aux abeilles tous les éléments nutritionnels dont elles ont besoin. C’est la diversité florale de la forêt qui permet cela. «Moi je mets les ruches au milieu de l’érablière, où les fleurs se relaient au fil de la saison», souligne-t-elle. En plus, les arbres fournissent également beaucoup de pollen, ce qui donne également une meilleure santé aux colonies.

Ses abeilles passent l’hiver en forêt, où elle a un contrôle de l’environnement. Elles sont loin des pesticides, des monocultures et ont de l’eau à proximité grâce à des ruisseaux. En plus, l’ombre de la forêt permet de rafraichir les abeilles et les ruches lors des chaudes journées d’été. Elle estime que les propriétaires forestiers ne sont pas suffisamment sensibilisés à l’apiculture et que les apiculteurs auraient avantage à louer un bout de forêt pour l’élevage de leurs abeilles. «Il faut changer les mentalités et voir la forêt comme un garde-manger plutôt que juste comme des arbres à couper», déplore-t-elle.

Marianne indique que la présence d’abeilles, dans les forêts, les rend beaucoup plus productives, au final. «Le seul «hic», c’est que les ruches peuvent nuire à certains pollinisateurs sauvages. Mais si on n’exagère pas, il y a moyen de cohabiter», croit-elle. Cela vient également s’inscrire dans ce qu’elle appelle, et avec justesse, l’agriculture raisonnée.

L’autre désavantage est qu’il faut davantage de travail pour avoir accès aux ruches qui, dans les bois, sont moins accessibles. «Mais on travaille dans un bel environnement avec le chant des oiseaux», apprécie-t-elle. Quant au miel produit dans cet environnement avantageux pour les abeilles, Marianne l’appelle le miel forestier tout simplement. Il s’agit d’un amalgame qui a un goût différent de ce qu’il y a sur le marché actuellement. «C’est un miel aux différentes textures et couleurs, mais qui apporte quelque chose de nouveau», annonce-t-elle. Il est habituellement disponible au Marché public de Victoriaville, mais également chez 450 Fahrenheit à Warwick.  Mais présentement tout le stock est écoulé. On peut tout de même y goûter puisqu’il fait partie de la recette des bagels au miel et raisin du commerce de Warwick. «Cette année, j’ai tout vendu. Ça va aller en juillet pour le miel d’été, si tout va bien», espère-t-elle.

Marianne Brière a aujourd’hui 27 ans et a un grand terrain de jeu avec les deux terres que son père, Serge, a achetées il y a quelques années. Avec ses connaissances en agronomie, son AEC en exploitation d’une entreprise apicole et sa technique en santé animale, elle a tout en main pour s’amuser, comme elle le dit si bien, tout en sensibilisant sur l’importance des pollinisateurs, mais également de l’achat local, notamment pour le miel, un produit qui est particulièrement contrefait.