Ferme Érilis : une relève assurée

Propriétaires de la ferme Érilis depuis plus d’un quart de siècle, Éric Houle et Lise Normand ont de quoi se réjouir puisqu’ils peuvent envisager la pérennité de leur entreprise. La relève existe. Un de leurs fils, Alexandre, est déjà actionnaire. Les deux autres garçons pourraient ultérieurement l’imiter.

En année sabbatique, Anthony a terminé ses cours techniques du programme d’agriculture au Cégep. Pour le moment, il réfléchit à son avenir. «Il est certain que je vais demeurer près du milieu. Mais est-ce que j’irai me spécialiser dans autre chose, j’y pense, mais je n’en suis pas encore certain», confie-t-il. Entretemps, il travaille à la ferme familiale.

Le troisième fils, Xavier, en est à sa deuxième année à l’Institut national d’agriculture biologique du Cégep de Victoriaville. «Il œuvre à la ferme les week-ends», note Lise, sa mère.

On ne sait trop s’il envisage joindre les rangs de l’entreprise. «Un jour, en revenant du basket, il avait lancé : quand je vais reprendre la maison, où allez-vous habiter? Il était jeune, j’ai trouvé ça bien drôle, se souvient-elle. Je pense que ça fait longtemps qu’il se dit en lui que c’est ce qu’il veut faire dans la vie travailler à la ferme.» L’aîné, Alexandre, âgé de 27 ans, est devenu actionnaire en 2016. «Nos parents ne nous ont jamais poussés à vouloir nous intéresser à la ferme. Ça s’est fait naturellement», dit-il.

Ingénieur de formation, il a étudié en ingénierie agroenvironnementale à l’Université Laval. «Durant deux étés, j’ai fait un stage chez le Groupe Anderson à Chesterville dans les bureaux à faire de la conception de machinerie. Et j’ai réalisé que le travail de bureau de 8 h à 17 h, ce n’était pas fait pour moi», fait-il remarquer.

Un quatrième enfant, une fille, compose aussi la famille. Une opticienne d’ordonnance, qui vit à Québec. «Mais elle aime quand même nous donner un coup de main de temps à autre», observe le papa. «Elle ne renie pas du tout l’agriculture, renchérit Lise Normand. Même qu’elle se veut une bonne ambassadrice. Elle en est fière et n’hésite pas à porter le masque de la petite vache bleue fourni par la Fédération des producteurs de lait.»

Le couple se dit fier de pouvoir compter sur une relève. «De voir une continuité, c’est une fierté pour nous. On a reçu la ferme de mes parents, maintenant, on est fier de pouvoir la transférer à nos enfants s’ils veulent la reprendre pour la faire prospérer par la suite. On ne fait pas ça exactement pour ça, mais quand ça arrive, c’est un plus», exprime Éric Houle.

Le couple avait envisagé, bien sûr, cette possibilité, ce qui fait qu’il s’y est préparé. «Dès le début, on s’arrangeait pour payer nos choses. Oui, on investissait tout en s’en gardant juste assez pour vivre, souligne Lise Normand. On réinvestissait dans l’entreprise en se disant qu’un jour, peut-être, les jeunes auraient besoin d’un coup de pouce pour partir et, qu’au moins, on aurait la capacité de leur donner un coup de main.»

Mais jamais il n’a été question de contrainte. «Nous n’avons pas été obligés de travailler en agriculture. C’est un choix qu’on a fait. On s’est arrangé pour permettre à nos enfants de le faire, s’ils le voulaient, mais on ne voulait pas les obliger», assure Lise Normand.

«Si tu pousses, ajoute Éric, ils peuvent peut-être embarquer, mais ils ne feront pas long feu et vont se décourager. Il faut que tu le veuilles et y consacrer les heures nécessaires.» Les producteurs laitiers doivent relever différents défis, celui de la rentabilité notamment, avec la valeur élevée du coût des terres. Mais les revenus ne suivent pas la même tendance. Tout augmente, le coût du carburant, des suppléments, les frais vétérinaires, notamment. Pourtant, le prix du lait demeure inchangé depuis 2006. Heureusement que les générations d’avant ont travaillé à la mise en place du système de gestion de l’offre pour nourrir la population canadienne.

L’actuelle pandémie, pense Éric Houle, a fait réfléchir et suscité une prise de conscience à l’effet de l’importance de «nourrir notre monde pour commencer».

Une entreprise familiale

Éric Houle représente la troisième génération, son grand-père ayant acheté la propriété de la rue de l’Académie en 1918. «Mon père, lui, en a fait l’acquisition dans les années 1950. Nous nous sommes associés en 1993 pour ensuite tout acheter l’année suivante», raconte-t-il. Aujourd’hui, la ferme Érilis dispose d’un troupeau de 200 vaches Holstein, 100 têtes en lactation et une centaine d’autres en relève.
Cela sans compter l’autre entreprise, une autre ferme Houlys achetée en 2016, dont Alexandre est actionnaire avec sa mère, et située à peine un peu plus loin, à environ deux kilomètres sur le territoire de Warwick.  Avec les années, l’entreprise a pris de l’expansion et s’est modernisée. L’arrivée des robots de traite amène un peu plus de souplesse permettant aux enfants de participer à diverses activités, d’avoir une vie en dehors de l’école et de la ferme.

L’évolution en agriculture se poursuivra. Éventuellement, des tracteurs autonomes envahiront les champs. «La plupart des grandes compagnies ont déjà leur modèle de tracteurs autonomes. Il s’agit de les rendre accessibles», observe Alexandre Houle. «Avec les recherches qui se font, il est certain que les choses vont continuer de s’améliorer», confie Lise Normand.

Une chose est sûre aussi : à la ferme Érilis, on a le souci de l’environnement. Depuis environ 15 ans, elle a recours à la technique du semis direct voulant qu’on sème, d’une année à l’autre, le maïs et le soya sans labourer, sans travailler le sol. «Cela fait augmenter la population de vers qui font des trous, permettant à l’eau de pluie d’entrer plus dans le sol», explique Éric Houle.

Moins de temps passé en tracteur, moins de carburant brûlé et moins de roches à ramasser figurent parmi les avantages de ce procédé. «On voit que les champs sont beaucoup plus en santé», note-t-il, sans compter un gain au chapitre de la compaction du sol. Plus question de s’enliser avec la machinerie.

Le cycle écologique consiste à faire attention à tout, souligne Lise Normand, agronome de formation. «Les pesticides, le moins possible, juste ce dont on a besoin. Le cycle écologique inclut la structure du sol. Le semis direct nous a amenés à une meilleure structure du sol, car on ne le brasse pas toujours. Les vers agissent. On voit une belle différence au printemps au niveau de la portance du sol», dit-elle.

La ferme Érilis récupère aussi une partie des déjections animales pour en faire de la litière. «On n’a plus de pailles à faire. Ce que la vache ne digère pas dans son fumier, il reste des fibres. On les sépare et on s’en sert comme litière», explique Éric Houle. «Dans le foin qu’on leur donne, les animaux en mangent une partie. Il reste environ 60% qui ne sont pas digérés. C’est ce qu’on utilise pour faire la litière», précise Alexandre. Et les résultats sont convaincants quant au confort et à la propreté des vaches.

Il y aurait tant à dire sur cette ferme familiale, partenaire depuis belle lurette du Cégep de Victoriaville, sur les stagiaires qu’elle accueille depuis de nombreuses années, sur son engagement dans le milieu. Éric Houle occupe depuis environ cinq ans la présidence de l’UPA de Victoriaville et ses environs. Il agit aussi comme vice-président de la Coop Agri-Énergie Warwick, président de la Coop de service de remplacement agricole en plus de siéger au conseil d’administration de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec.
Son fils Alexandre semble suivre ses traces avec une implication au sein de la relève du Centre-du-Québec et comme administrateur à l’UPA des Bois-Francs. On ne sait ce que réserve l’avenir. Mais chose certaine, la famille Houle demeure ouverte aux possibilités pouvant se présenter. «On n’est fermé à rien, signale Éric Houle. Si des opportunités surviennent, on les analyse pour savoir si c’est faisable, si c’est rentable, si on est capable et si tout le monde se montre d’accord pour embarquer.»

Parce qu’au sein de la famille, chacun peut amener son grain de sel, son idée et son point de vue. Les échanges se font dans un esprit d’ouverture.