Les défis de la pandémie pour de jeunes restaurateurs

Lorsqu’il a fait l’achat du Shad Café en octobre 2019,  le couple formé de Jessica Hamel et de Jean-René Lessard était loin de se douter des défis qu’il aurait à relever.

C’est leur désir de devenir entrepreneurs qui les a menés vers le Shad Café de Victoriaville, endroit où ils se sont d’ailleurs fréquentés avant de devenir un couple et de fonder une famille. Jessica et Jean-René savaient qu’ils voulaient se lancer en affaires et regardaient ici et là les opportunités. Lorsqu’ils ont vu que le Shad était à vendre, ils ont eu un coup de cœur pour l’endroit qu’ils ont ensuite acquis.

Difficile de penser à ce moment qu’après quelques mois d’exploitation, la situation allait complètement changer avec la pandémie de la COVID-19. «On a eu le temps d’avoir la période de Noël», commencent-ils avec résilience.

Ils en ont bien besoin de cette capacité d’adaptation dans des temps d’incertitude où les choses changent rapidement et pas nécessairement pour le mieux. À ce moment-ci, d’ailleurs, ils savent bien qu’ils ne pourront pas recommencer à accueillir les clients pour manger sur place avant le 11 janvier 2021. «Même que je ne crois pas que ça va rouvrir à ce moment. On s’enligne davantage vers le printemps et tant mieux si c’est avant», commente Jean-René.

Première vague

Lors de la première vague, en mars, ça été tout un choc d’apprendre que le restaurant, comme la majorité des commerces, devait fermer ses portes. «Quand ils ont annoncé ça le dimanche, il y avait un shower en haut et le restaurant était plein. Notre premier réflexe a été de sauver les périssables», se souviennent-ils. C’est ainsi qu’ils ont lancé leur première promotion «pandémie» afin d’écouler la nourriture avant la fermeture et ont eu une excellence réponse de la clientèle. Facebook a été d’une grande aide pour ce faire. En fait, le restaurant est très présent sur ce réseau social et c’est Jean-René qui s’occupe des publications. «Dans cette première vague, on a vu une belle solidarité et découvert que les gens ont le Shad à cœur», ont-ils apprécié.

Puis ils se sont lancés dans la livraison dont Jean-René, qui travaille à l’entretien du Club de golf de Victoriaville, s’est chargé. «Si on m’avait dit ça quand on a acheté, je ne l’aurais pas cru», a-t-il confié. Mais des circonstances exceptionnelles exigent des réactions qui le sont tout autant et cette livraison a permis de conserver une clientèle pendant la fermeture.

Deuxième vague

Ils ont pu reprendre les affaires à peu près normalement au début de l’été et ont bien profité de cette belle saison malgré les investissements qu’il a fallu faire pour respecter les normes sanitaires et ramener l’inventaire des aliments. Un beau deux mois et demi avec une terrasse étirée dans la rue pour recevoir davantage de clients et garder les distances. Ensuite, le 16 octobre, la région est tombée en zone rouge, empêchant les restaurants d’offrir les repas sur place.

Un autre revers que cette nouvelle fermeture imposée, mais Jessica, qui est toujours sur place, est bien contente de pouvoir dire qu’elle réussit quand même, en cette 2e vague, à faire travailler presque tous les employés, un peu de temps à la fois. «J’ai une équipe «wow» qui s’est même offerte pour faire la livraison et qui trouve des idées pour aider», apprécie-t-elle.

Et elles ne manquent pas ces idées. Le Shad s’est lancé dans plein de promotions, comme la livraison de desserts à Pâques et à la fête des Mères avec, en prime, un petit mot personnel sur chaque boîte. Autre nouveauté, le Shad vend désormais, et à la demande générale, sa vinaigrette maison.

«On a appris à se virer de bord rapidement. Et ici, il faut dire que c’est un restaurant que les gens fréquentent pour l’ambiance», disent-ils. Donc pour la livraison et les commandes, il a fallu créer une habitude. Alors, bien entendu, malgré leur bonne volonté et les innovations, le chiffre d’affaires s’avère à seulement 10% de ce qu’il était avant toute cette histoire. Dans tous les calculs, il faut aussi exclure toutes les locations de l’étage pour différents partys dans le temps des fêtes et ne pas compter sur l’aide provinciale dont ils ont fait la demande, mais qui n’est pas encore arrivée.

L’expérience leur a aussi montré que les commandes sont plus populaires pour le dîner et ont adapté leurs heures d’ouverture en conséquence.

Le couple est bien conscient que les autres restaurants de Victoriaville vivent la même situation et il se fait un devoir, une fois par semaine, de montrer l’exemple et de se faire livrer (ou d’aller chercher) des repas pour encourager les autres. «Ça permet à Jess de ne pas avoir à cuisiner, ce qu’elle fait ici toute la semaine. Moi je ne suis pas très bon là-dedans», confie Jean-René.

Au départ, c’est pour se créer un fonds de pension que le couple s’est lancé en affaires, ayant la fibre entrepreneuriale. «On est chanceux à notre âge, on va avoir le temps de se refaire», disent-ils avec philosophie, sachant fort bien qu’il sera long et difficile de remonter la pente et revenir à la rentabilité d’avant. Et ils sont conscients aussi qu’après tout cela, la valeur des restaurants sera affectée et les difficultés de financement augmentées.

Le couple conserve tout de même une bonne attitude devant l’adversité même s’il considère que les restaurants sont un peu des boucs émissaires dans la situation actuelle. Jessica et Jean-René forment une bonne équipe et continuent d’avoir des projets pour ce restaurant qu’ils voulaient tant. Ils savent qu’ils n’ont pas de pouvoir sur une grande partie de la situation, mais souhaiteraient bien que le gouvernement réévalue la situation et leur permettent de gagner leur vie. «On est prêt à carter les gens pour s’assurer qu’ils viennent tous d’une même adresse. Il y aurait des façons de faire pour qu’on puisse rouvrir, des options à analyser», termine Jean-René.