«Le tout à distance a un effet catastrophique» au Cégep

La pandémie a des impacts sérieux sur la persévérance scolaire de la population étudiante du Cégep de Victoriaville. Le directeur des études, Christian Héon, a fait part de certains constats, lundi soir, à l’occasion de la réunion virtuelle du conseil d’administration de l’établissement.

Différents indicateurs sont considérés, a-t-il noté, en matière de persévérance scolaire, dont le nombre de demandes «d’incomplet» de cours. «C’est le principal indicateur en cours de session. On constate en date d’aujourd’hui, et il reste encore un mois à la session, un total de 121 demandes alors que ce nombre se situe habituellement entre 20 et 25 pour une session complète», a précisé le directeur des études.

L’analyse plus approfondie par département révèle que la différence n’est pas significative dans les programmes proposant des activités d’apprentissage en présence, comme l’École nationale du meuble et de l’ébénisterie, le programme d’agriculture ou l’électromécanique industrielle, par exemple.

«Par contre, ça explose dans nos départements où l’enseignement se fait majoritairement à distance, comme les sciences humaines, l’éducation spécialisée, la comptabilité et gestion et l’informatique. Ces étudiants ne viennent presque jamais au collège. Dans l’un des départements, et je vous dirai pas lequel, on enregistre 10 fois plus de demandes «d’incomplet» que d’habitude», a fait savoir Christian Héon.

Christian Héon, directeur des études au Cégep de Victoriaville (Photo www.lanouvelle.net – Archives))

La situation est très préoccupante. «Nos jeunes rushent vraiment. Ils ont besoin de voir du monde», a-t-il confié. «Je ne vous ai parlé que des demandes d’incomplet et non du taux d’échec qu’on ne connaîtra que dans un mois», a ajouté M. Héon.

Les autorités collégiales vont donc agir devant cet alarmant constat à l’effet que le «tout à distance a un effet catastrophique sur nos étudiants».

«Ça ne marche pas. On va les perdre, a lancé le directeur des études. Il faut qu’on le voie un minimum.»

Les dirigeants du Cégep, a-t-il expliqué, vont identifier les clientèles présentant des difficultés et leur garantir un minimum de présence au collège.

Le Cégep avait entrepris la session automnale avec une occupation d’environ 50%, taux qui a chuté à 20% lorsque la région s’est retrouvée en zone rouge. «Notre Cégep est vide, c’est d’une tristesse», a exprimé Christian Héon.

La modification proposée pour la session d’hiver représente peut-être, selon lui, une hausse de 10% à 15% supplémentaire, ce qui signifierait un taux de présence entre 20% et 50%. «Nous proposerons donc des interventions ciblées pour que chaque étudiant puisse venir au collège au moins une fois par semaine pour voir ses enseignants et ses collègues», a-t-il exposé.

Conscient de l’importance de la santé mentale, Christian Héon a parlé des investissements en soutien psychosocial. «Et on va en mettre plus», a-t-il dit, tout en soulignant une récente initiative menée au Cégep.

Tous les étudiants ont reçu un coup de fil d’un intervenant du collège. «On leur demandant comment ils allaient, ce qu’on pouvait faire pour les aider. L’exercice a été extrêmement apprécié. Ça a mis de la lumière dans leur journée. Les contacts leur manquent», a-t-il signalé.

À l’hiver, le Cégep souhaite les rejoindre le plus possible en tentant de leur donner une certaine vie sociale.

Le conseil d’administration en séance virtuelle (Capture d’écran)

Par ailleurs, un sondage mené auprès des cégépiens a permis d’apprendre la nécessité d’un ménage dans l’environnement numérique au sujet de certaines plateformes qu’ils n’apprécient pas. «Ils souhaitent un environnement technologique plus simple. Cette demande a été entendue. On va prendre action là-dessus», a assuré Christian Héon, tout en précisant aussi que le Cégep avait acquis une banque d’ordinateurs portables pour dépanner les étudiants.

Enfin, concernant la COVID-19, il a indiqué que le Cégep comptait cinq cas actifs. «Cinq cas actifs parmi 1500 étudiants et 400 membres du personnel, ne vous en faites pas», a confié M. Héon.

Ses propos et les démarches en vue de la session d’hiver ont trouvé écho auprès des membres du conseil d’administration qui ont salué ses initiatives. «Il faut ramener les jeunes à l’école», a dit une membre, émue.

«C’est une série de bonnes décisions. Ça fait une vraie différence. Bravo pour les décisions. Ça prend du courage dans un tel contexte. On peut se faire critiquer. Et l’initiative des appels aux élèves, c’est très beau», a souligné l’administratrice Catherine Drolet.

De son côté, Nathalie Marier du centre d’aide en français a toujours été en présence. «Les élèves ont envie de venir au Cégep. Ça leur prend une présence.»

La présidente du CA, Virginie Bonura, se dit aussi préoccupée pour les jeunes, connaissant même un jeune qui, à sa première année collégiale, a dû abréger sa session en raison d’une dépression. «Je suis très sensible à ce qui se passe. Et je suis fière qu’on prenne les devants et qu’on pose des actions», a-t-elle conclu.