Conjuguer passion, environnement et affaires

C’est «le malt pour le bien», affirment ces jeunes entrepreneures. Lancée par Chloé Roy-Michel, une jeune femme originaire de Victoriaville, et Félicie Desmazières, une toute jeune entreprise, Saison 2, propose des biscuits apéritifs fabriqués à partir des résidus de malt de microbrasseries. Réutiliser sans gaspiller se veut, selon elles, la meilleure façon de consommer. Et comme elles sont toutes deux des passionnées de bières et à l’emploi d’une microbrasserie montréalaise, les jeunes femmes agencent leurs produits avec différents types de bières.

Un mot d’abord sur les débuts de cette aventure. Après ses études secondaires et collégiales à Victoriaville, Chloé Roy-Michel a terminé un baccalauréat en géographie environnementale à l’Université de Montréal.

La question environnementale la préoccupe. Pas étonnant qu’elle se soit intéressée au sujet du malt.

La naissance de l’entreprise découle d’un message paru sur Facebook. «Une autre fille de Victo avait écrit un message, une invitation aux gens intéressés à la revalorisation alimentaire, à la gestion des déchets et à la bière. Ayoye, me suis-je dit, c’est exactement dans mes cordes», raconte Chloé Roy-Michel en entrevue téléphonique avec lanouvelle.net.

Elle l’a contactée pour s’enquérir du projet. Elle lui a parlé des drêches, ces résidus de malt après soutirage du moût lors de la production de bière. «La fille n’est plus dans le projet. Elle est partie faire autre chose en Colombie-Britannique. J’ai continué ce projet, car je l’avais à cœur et j’ai intégré une de mes amies, Félicie», confie-t-elle. Le projet a pris son envol il y a environ un an. «Ça s’appelait Les Maltés au début. En raison de nos études, ça avançait lentement», se souvient Chloé.

Une sélection pour une bourse «Mon entreprise» a contribué à l’envol de Saison 2. «On a pu obtenir des rencontres avec un coach qui nous a enseigné comment réaliser un plan d’affaires. Nous n’avions aucune base en entrepreneuriat. Il nous fallait partir du début et élaborer un plan», indique-t-elle. Avec un plan d’affaires en main, Chloé et Félicie ont pu accéder au programme Entreprendre au féminin. «C’est un peu comme ça que tout a commencé», dit la Victoriavilloise d’origine.

La production

Pour produire les biscuits, Saison 2 utilise des drêches. «C’est le mot scientifique, mais on ne trouve pas ça très charmant. On dit plutôt le malt recyclé. On recueille celui de la microbrasserie qui nous emploie. Ce qui reste du malt, après l’utilisation pour la fabrication de la bière, c’est juste des céréales trempes», observe Chloé Roy-Martel.

Cette récupération faite par Saison 2 permet d’éviter que les résidus se retrouvent aux poubelles. «À Montréal, qui compte une cinquantaine de microbrasseries, il y a quand même un gros problème de gestion des déchets et certains arrondissements ne possèdent pas de système de compostage. Juste notre microbrasserie produit une tonne de drêches par semaine», souligne-t-elle.

Aucun problème d’approvisionnement en vue pour les jeunes femmes entrepreneures qui récoltent ainsi gratuitement le malt recyclé nécessaire à la fabrication de leurs biscuits. «Pour vrai, à la suite d’une publication Facebook, quatre autres microbrasseries nous ont écrit pour nous donner leur malt si on en avait besoin», note Chloé.

La fabrication des biscuits n’est pas si compliquée. Le plus difficile avec le malt, c’est qu’il se trouve mouillé, humide. «On ne peut avoir une grande quantité au frigo, sans quoi, ça peut pourrir. Mais après, c’est juste des céréales. Dès qu’on a le malt frais, ça se passe vite. On fait des craquelins. La technique n’est pas révolutionnaire», signale-t-elle. Ces biscuits ont aussi des propriétés très nutritives. «Le sucre étant retiré, les drêches se composent de 60% de fibres et de 20% de protéines», fait-elle savoir.

Saveurs diverses

Les recettes et les saveurs relèvent de Félicie qui, de l’avis de Chloé, possède davantage le côté culinaire. «C’est elle qui élabore les recettes.» Saison 2, pour le moment, produit deux formats : des bâtonnets croustillants et un craquelin plat. «On s’interroge à savoir si on ne fera pas de longs bâtonnets plats, comme un mélange des deux. On se dit que ce serait plus facile pour la production», pense Chloé Roy-Michel.

Reste que les produits se retrouvent en quatre saveurs. «Notre concept, c’est que nos biscuits s’agencent avec les bières», fait-elle remarquer. La saveur sapin baumier et ail se marie bien, estime Chloé, avec les IPA dont l’amertume ressemble au sapin.

Le bâtonnet fenouil et poivre correspond bien aux bières blanches avec plus d’agrumes et aux bières de saison. Ensuite la saveur fleur de sel du Newfoundland (Terre-Neuve»). «Pour s’agencer avec les bières légères, blondes et les rousses aussi en raison d’un petit côté un peu caramel salé», explique-t-elle.

La jeune entreprise propose aussi une saveur pour Noël. «Au piment et paprika pour un agencement avec les bières noires, pour que ça fasse un peu biscuit et verre de lait. Ainsi, comme le verre de lait, la bière noire vient un peu calmer le tout en présence d’un biscuit quelque peu épicé», expose la jeune entrepreneure.

Quand la pandémie s’invite

Saison 2 devait commencer à desservir le marché des bars en octobre. «Trois microbrasseries avaient accepté nos produits. Nous avions entrepris la production, puis les bars ont dû fermer (en raison de la COVID). On a donc été prise au dépourvu. On s’est retrouvé avec nos biscuits, mais nous nous sommes tournées vers des dépanneurs de bières spécialisées», signale Chloé.

Les nombreuses microbrasseries qui ont vu le jour ces dernières années constituent un intéressant marché pour les jeunes entrepreneures. «On y travaille. On a appris à connaître des propriétaires. Un de nos patrons, d’ailleurs, possède aussi une microbrasserie à Dunham. Ça fait qu’on a pas mal de plogues, note-t-elle. On s’est dit que ce serait avantageux pour nous d’aller dans ce sens. On connaît les accords avec les bières.»

Saison 2 compte se déployer davantage en décembre et tâter le pouls dans certains dépanneurs montréalais. «Avant d’entamer une production plus importante, au printemps, on veut d’abord voir la réaction des clients, s’ils aiment ça, s’il manque quelque chose, par exemple», mentionne Chloé Roy-Martel.

Qui dit plus grande production dit équipement adéquat. Aussi, les deux femmes à la tête de Saison 2 envisagent l’achat d’une machine pour fabriquer des biscuits plus rapidement. «En ce moment, on est très artisanal. Nos biscuits sont faits à la main», précise Chloé. Pour aider à cette acquisition, une campagne de sociofinancement a été lancée. Le soutien ne s’est pas fait attendre. L’objectif de 4000 $ a déjà été fracassé, en date de lundi, avec une récolte de quelque 4473 $, 111% de l’objectif initial.

Chloé et Félicie souhaitent voir leur entreprise prendre son envol et pouvoir s’y consacrer à plein temps. Bien sûr, Chloé Roy-Michel désire que ses produits puissent être disponibles dans sa région natale, dans des endroits comme les microbrasseries L’Hermite, La Grande Pardue ou encore chez Bières et saveurs, par exemple. Histoire à suivre. Pour le moment, la fermeture des établissements en raison des mesures sanitaires donne du temps aux entrepreneures pour préparer leur déploiement.