Assurance-emploi : les mères doivent aussi être protégées, mentionne Me Bouchard

L’avocate de Mouvement action-chômage de Montréal, Kim Bouchard, et six mères lésées ont saisi les tribunaux pour contester la loi qui les prive de prestations pendant ou après leur maternité. La prochaine audience judiciaire est prévue le 19 janvier.

La législation du Québec protège les femmes qui interrompent leur emploi pour des besoins de maternité ou d’ordre parental. En revanche, le régime fédéral d’assurance-chômage accompagne les chômeurs selon un certain nombre de critères. Les travailleurs en chômage doivent avoir cotisé au régime et cumulé un certain nombre d’heures durant une période de référence, soit 52 semaines précédant la demande de prestations.

Les femmes immobilisées par leur maternité ou qui perdent leur emploi dans ce contexte ne peuvent ni cotiser ni accumuler le nombre d’heures exigé. Les six femmes qui ont saisi la division générale du Tribunal de la sécurité sociale présentent techniquement deux cas de figure.

Perdre son emploi pendant la période de maternité

La mère qui apprend que son poste est aboli pendant son congé de maternité. Elle est couverte par d’autres prestations, mais elle devra plus tard solliciter une assurance-chômage, une prestation généralement destinée aux travailleurs qui ont perdu involontairement leur emploi. Ils ont par conséquent l’obligation de se rendre disponibles pour la recherche d’un nouveau poste. La jeune mère absente pendant une période de 47 semaines assortie d’indemnités de maternité ou de prestation parentale quitte le marché du travail. Elle est donc dans l’incapacité d’effectuer des heures assurables qui lui permettront de se qualifier pour l’assurance-chômage au moment où elle retournera sur le marché du travail.

«Nous voulons qu’on prolonge la période de référence d’un an avant le congé de maternité pour permettre à ces femmes-là d’accéder à l’assurance-chômage quand elles recommenceront à chercher un emploi», plaide Kim Bouchard, l’avocate des victimes soutenues par Mouvement Action-Chômage de Montréal. Elle justifie les indemnités de maternité par la position «désavantagée» de la jeune mère sur le marché du travail.

«Pourquoi la protection d’une femme enceinte pendant un an annulerait une autre protection de la même femme en cas de chômage? Le risque maternité ne doit pas enlever le risque chômage», s’indigne la technicienne du barreau au cœur de l’action de contestation constitutionnelle. Elle redoute la confusion avec ces femmes qui quittent volontairement leur emploi pour devenir mères au foyer. Me Bouchard constate pour le déplorer que certains travailleurs ont la possibilité de prolonger leur période de référence pour se qualifier à l’assurance-chômage sans avoir travaillé précédemment, contrairement aux femmes enceintes. C’est le cas des bénéficiaires des indemnités de la CSSTC (commission santé sécurité au travail) ou de ces personnes qui suivent par exemple une formation dirigée par Emploi Québec.

Perdre son emploi pendant la grossesse

Les employeurs embauchent difficilement une femme prête pour le congé de maternité.

«Il n’osera jamais évoquer cette raison et il n’y a aucune preuve pour l’établir», plaide Me Bouchard. Cette femme qui ne s’est qualifiée que pour quelques semaines avant son congé ne pourrait pas bénéficier de toutes ses prestations parce que la loi fédérale ne permet pas de cumuler toutes les prestations régulières et spéciales pendant plus de 50 semaines.

L’une des clientes de Kim Bouchard a trois enfants dans une famille monoparentale. Elle a appris à l’issue de son congé de maternité qu’elle ne pouvait pas bénéficier d’une assurance-chômage. Sans conjoint à ses côtés, sa vie remplie de charges a tourné au calvaire. Elle finit préposée aux bénéficiaires, un métier non moins à la merci de l’infection de COVID-19.

«Cet état de grande précarité place les femmes dans une position de vulnérabilité et de dépendance face à l’autre parent devant assumer l’entièreté des dépenses», souligne l’avocate encore plus préoccuper par les mères seules ou les femmes aux prises avec un problème de violence conjugale.

En 2009, l’opposition libérale avait recommandé au gouvernement Harper de modifier le régime d’assurance-emploi pour couvrir ces femmes licenciées durant ou après un congé de maternité ou parental afin que les prestations soient fondées sur le nombre d’heures travaillées avant ce congé. La demande resta lettre morte jusqu’à la relance du Bloc québécois l’année dernière, le seul parti politique intéressé par le sujet. Dans l’affaire pendante devant les tribunaux, les plaidoiries sont prévues le 19 janvier 2021.

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