Pas de recours collectif contre le pasteur Guillot

Dans une décision rendue, lundi, la Cour supérieure du Québec a tranché en refusant le recours collectif que voulaient initier deux anciens élèves à l’endroit du pasteur Claude Guillot, des églises baptistes évangéliques de Victoriaville, de Québec-Est et de l’Association d’églises baptistes évangéliques au Québec.

D’entrée de jeu, dans sa décision de 17 pages, la juge Johanne April précise que «bien que la situation vécue par les personnes visées par la présente demande mérite toute compassion, elles ne peuvent être autorisées à exercer l’action collective envisagée puisque les conditions nécessaires à l’exercice d’un tel recours ne sont pas rencontrées».

La demande d’action collective a été adressée par deux hommes au nom de «toutes personnes ou successions de personnes décédées qui ont été victimes d’abus physiques ou psychologiques ou de harcèlement sexuel par Claude Guillot».

Les demandeurs réclamaient une condamnation solidaire des défendeurs pour un million de dollars pour des pertes pécuniaires, de 500 000 $ pour des pertes non pécuniaires et de 500 000 $ à titre de dommages punitifs.

L’un d’eux, un homme âgé de 42 ans, a fréquenté dès 1983  l’École La Bonne Semence de Victoriaville. Il allègue avoir subi des agressions physiques systématiques et répétées de la part du pasteur Guillot. Il reproche à l’Église de Victoriaville d’avoir encouragé, sans les dénoncer, les gestes commis à son endroit, et à l’Association d’avoir soutenu financièrement l’école de Victo.

L’autre demandeur, un homme de 27 ans, a séjourné à l’école clandestine de Guillot à Québec. Il prétend avoir subi des abus physiques, psychologiques, sexuels et de la torture mentale.

Claude Guillot, précise-t-on dans la décision, a dirigé, de 1982 à 1984, l’École La Bonne Semence opérée par l’Église baptiste évangélique de Victoriaville. «Il sera congédié en 1984 pour avoir dispensé des corrections physiques qualifiées d’abusives et d’extrêmes», souligne-t-on.

L’année suivante, le pasteur s’établit dans la région du Québec pour y opérer, jusqu’en 2003, une école clandestine non autorisée.

Claude Guillot a été arrêté en 2015 et a été traduit devant la justice.

Analyse

Pour autoriser un recours collectif, le Tribunal doit conclure que la demande satisfait aux quatre conditions prévues, à savoir notamment qu’elle soulève des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes.

Les demandeurs ont le fardeau de démontrer qu’ils remplissent les quatre conditions, à défaut de quoi le Tribunal rejette la requête.

Dans la présente affaire, lit-on dans le jugement, les demandeurs présentent «des situations tout à fait différentes, vécues à des époques très éloignées dans le temps et dont les gestes reprochés ne s’apparentent pas».

Et les contextes dans lesquels les gestes reprochés sont survenus diffèrent totalement, souligne la magistrate. Pour l’un, cela se passe dans les années 1980 alors que Guillot dirige l’école à Victoriaville. Pour le second, les comportements visés surviennent à l’école clandestine de Québec.

Le Tribunal précise aussi la nature différente des gestes reprochés. «Comment faire progresser collectivement les réclamations des membres du groupe, par ailleurs, non circonscrit dans le temps, le lieu et le contexte dans lequel les gestes ont été commis? Poser la question, c’est y répondre, écrit la juge April. Il y a absence de questions communes à l’égard des défendeurs qui ne pourrait, même de façon minime, faire progresser les réclamations de chaque membre du groupe.»

Dans l’esprit du Tribunal, il n’y a pas «de fil conducteur unique, d’un contexte institutionnel unique où les défenderesses, sous la direction d’administrateurs communs, auraient manqué à leurs obligations de surveillance des faits et gestes commis par leurs répondants».

La preuve a même démontré que «les défendeurs sont des entités juridiques distinctes et autonomes, sous gouvernance unique, entravant ainsi la constitution d’une question commune à tous les membres du groupe».

Le Tribunal estimant, en fait, que les demandeurs n’ont pas choisi le véhicule procédural approprié, a rejeté la requête pour l’exercice d’une action collective.