«J’aime ça les bibittes!»

«J’aime ça les bibittes!» C’est la première réponse de François Bélisle, propriétaire de la ferme Lait sangliers des bois à Saint-Camille, lorsqu’on lui demande pourquoi il a choisi d’être producteur de sangliers.

L’amour que lui et sa conjointe Lise Chartier portent à leur élevage n’a pas changé, malgré les dramatiques pertes de revenus engendrées par la pandémie.

C’est une année complexe pour les passionnés producteurs, qui ont dû retarder la moitié de l’abattage prévu au printemps et cet été, faute de demandes. «On a abattu au début mars et la COVID est arrivée. On a tout perdu les restaurants et les gens ne sortaient plus de chez eux», témoigne Mme Chartier, qui évalue la part des restaurants à 25% de leurs ventes de venaison.

La clientèle revient peu à peu à leur boutique, tandis que les restaurants ont recommencé à s’approvisionner tranquillement, mais le retard pris a été trop important. Les producteurs devront annuler la reproduction prévue à l’automne s’ils veulent avoir la chance d’écouler les sangliers qu’ils ont déjà. Certains ont même déjà dépassé la fenêtre idéale pour l’abattage, qui se situe habituellement entre 14 et 16 mois.

Au printemps, la ferme peut élever jusqu’à 180 bêtes à la fois avec les petits.

Selon l’Association des éleveurs de sangliers du Québec, le sanglier est le gros gibier qui exige le moins d’investissements pour son élevage, vu sa prolifération et sa croissance rapide. Or, le caractère plus gastronomique de ces types de viande n’a pas joué à l’avantage des producteurs en pleine crise sanitaire.

«Avec la restauration, c’est mort, constate pour sa part le président de l’Association des producteurs de sangliers du Québec et propriétaire de la Ferme Renaissance à Weedon, Frédéric Poudrette. On sent qu’il y a un engouement du côté des clients qui viennent à la ferme, mais disons que ce n’est pas non plus le gros achalandage.»

Exotisme et économie circulaire

Représentant la sixième génération des propriétaires de l’endroit, François Bélisle a été parmi les premiers Québécois à adopter cette exotique bête, en 1985. Celle-ci n’avait été réellement introduite à la province que depuis l’Expo 67.

«Le jour où j’ai goûté à du sanglier, je ne voulais plus rien d’autre. C’est difficile à accoter», commente M. Bélisle à propos de cette viande reconnue pour sa pauvreté en gras.

Après une vingtaine d’années d’élevage pour le plaisir sur sa ferme laitière, M. Bélisle s’est finalement lancé dans la commercialisation de la viande de sanglier. Depuis, sa conjointe, Lise Chartier, a mis sur pied un centre d’interprétation du sanglier sur la propriété, où se tenaient des visites guidées jusqu’à tout récemment.

Si l’enclos des sangliers et son entretien demandent une grande attention, il n’y a pas besoin de creuser trop loin pour nourrir les bêtes, affirme M. Bélisle. «Ça mange n’importe quoi!» En fait, ce sont les animaux idéaux pour pratiquer l’économie circulaire, fait remarquer Mme Chartier, en expliquant que 25% à 30% de la nourriture engloutie par leurs sangliers provient de rejets d’entreprises ou de particuliers des environs, à commencer par la drêche de la microbrasserie Moulin 7, à Asbestos. «Et nos produits se retrouvent sur leur table», ajoute-t-elle.

Selon les saisons, le troupeau reçoit des épluchures de maïs, des surplus d’une cuisine collective, des restes de carottes destinées à la chasse, des pommes tombées des arbres et des vieilles citrouilles d’Halloween.

«Quand on abat, on essaie aussi de tout récupérer», affirme Mme Chartier, qui confectionne notamment des bijoux avec les dents, des décorations avec les poils et les crânes et du savon de pays avec la graisse de panne.

La Tribune