Démarrer une bleuetière : le saut dans le vide d’un couple de Saint-Camille

Il n’y a pas de formule magique pour démarrer une culture chez soi, ont constaté Clément Frappier et Lucie Tessier depuis qu’ils ont décidé de se lancer dans la production de bleuets sur leur propriété de Saint-Camille, il y a deux ans. Aujourd’hui, ils goûtent enfin au fruit de leurs efforts, alors qu’ils ont accueilli leurs tout premiers clients entre les rangs de la Bleuetière chez Lulu, la semaine dernière.

C’est la campagne avec un grand «C» qui avait attiré le couple sherbrookois à Saint-Camille, il y a 12 ans. Puis, l’air campagnard a continué d’exercer son pouvoir inspirateur jusqu’à ce que se dessine ce projet de préretraite.

Déjà, c’était une occasion d’offrir plus aux gens des environs, puisqu’il n’y avait pas de bleuetière dans un rayon de 30 km autour de Saint-Camille, fait remarquer M. Frappier.

«On avait un terrain inoccupé et j’ai toujours été dans l’agriculture avec mes parents. C’est un de mes collègues qui a une bleuetière qui m’a donné envie de produire ce fruit-là. Il y a une certaine facilité à produire du bleuet en comparaison avec d’autres fruits», explique celui qui est enseignant dans le secteur motorisé au niveau professionnel.

«Une chose importante était la position géographique du terrain. Les facteurs étaient déjà là, comme le dénivelé et le bois qui protège à côté», ajoute M. Frappier.

Le cheminement du couple a été teinté de nombreuses recherches, d’accompagnements d’agronomes du MAPAQ et de longues conversations avec différents producteurs pour bien comprendre les possibilités et limites de leur future production.

Les sols ont été acidifiés et les 930 plants ont été méticuleusement sélectionnés selon de nombreux facteurs chez un producteur de Parisville, au Centre-du-Québec, pour que ces derniers soient finalement plantés au printemps 2019.

«On essaie des choses. On vit des pour et contre, par exemple avec les filets. Ce n’est pas dans un livre de recettes, ça, comment le faire. C’est beaucoup d’étude de terrain, il faut se promener dedans pour voir ce qui se passe et être attentif. Il faut être à l’affût des intrus, comme les mouches, les chevreuils, les oiseaux, les ratons-laveurs et les chenilles. Ce n’est pas toujours évident, mais on prend le temps de réfléchir et on trouve des solutions.»

Visiblement, la débrouillardise de M. Frappier joue un grand rôle dans la réussite de la culture, mais aussi dans sa rentabilité. «On a beaucoup d’autonomie, explique-t-il. Pour la préparation des sols, j’ai acheté des équipements, mais j’en ai aussi fabriqué. J’ai par exemple fait le système d’irrigation. On fait aussi nous-mêmes nos copeaux de bois avec des résidus de moulins à scie. On a modifié des machines en conséquence. On sauve beaucoup de coûts. J’ai aussi bûché le bois moi-même pour les poteaux et on est allés acheter beaucoup de matériel de seconde main. J’appelle ça être écoresponsable.»

Si le couple avait préféré ne pas se créer d’attentes pour la saison des récoltes qui vient de démarrer, il a cependant été heureux de constater que les fruits — et les clients — étaient au rendez-vous, malgré la sécheresse. Les plants ont été dévalisés la semaine dernière, avant une pause de plusieurs jours. L’horaire de la bleuetière est communiqué sur sa page Facebook.

Projet familial 

La fille du couple, Patricia Frappier, et son conjoint Alexandre Aubert, sont tout aussi impliqués dans la nouvelle entreprise. «On habite à Saint-Camille depuis ce printemps parce qu’on est une famille tissée serrée. Je trouve ça tellement beau de pouvoir encourager mes parents là-dedans», dit celle qui travaille en enseignement, mais qui se fait affectueusement appeler «la comptable» à la bleuetière, vu son bagage en administration.

«On a trois filles et chacune est impliquée à un certain niveau. Elles ont chacune leurs forces. On est vraiment chanceux», note Mme Tessier.

Même si ce nouveau projet nécessite temps, attention et débrouillardise, tous s’entendent pour dire qu’il a tout de même des airs de vacances. «Les gens qui viennent, c’est de la visite! Ce sont souvent des amis ou des gens qui nous suivent sur Facebook, alors on est heureux de les voir», s’exclame celle qui a donné son nom à l’endroit et qui songe à faire de la transformation alimentaire d’ici quelques années.

La Tribune