Limiter la vente à la ferme : un non-sens, selon l’Union paysanne

Depuis l’automne 2019, les petits producteurs de volaille indépendants peuvent élever jusqu’à 300 poulets hors quota, soit 200 de plus que le maximum fixé auparavant par la Régie des marchés agricoles et alimentaires.

Ayant milité pour faire hausser cette limite, le président de l’Union Paysanne, Maxime Laplante, déplore qu’elle n’ait pas été portée à 2000, ou encore mieux, dit-il, qu’on n’ait pas décidé d’abandonner les limites hors quotas au profit de… la loi.

«La Régie des marchés agricoles et alimentaires, qui est une instance publique, refuse d’appliquer la propre loi qui l’encadre, dénonce-t-il. La Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche dit clairement qu’un plan conjoint ne s’applique pas à la vente directe au consommateur. Autrement dit, si on applique la loi, je peux partir avec ma voiture tout de suite pour vous vendre du poulet, des œufs, de la viande, etc.»

Selon lui, l’incendie à l’abattoir de proximité Lamarche démontre «encore mieux l’importance de permettre la vente directe selon la loi de la mise en marché et la hausse de la limite hors quota. C’est visiblement la mise en marché locale qui permettra éventuellement la relance de cette entreprise».

«Quand je suis allé devant la Régie, j’ai dit : “ou bien vous appliquez la loi, ce qui fait qu’on n’a même plus besoin de parler de hors quota et que je peux vendre 2000 poulets directement au consommateur, et c’est correct, c’est la loi ; ou bien vous refusez d’appliquer la loi, mais au moins, vous haussez le maximum hors quota. Permettez-nous au moins d’être considérés comme le restant des Canadiens et d’avoir le droit de vendre un peu plus que le système coercitif du Québec.”»

Il donne en exemple la Colombie-Britannique, où on peut élever 2000 poulets hors quota.

Interrogée sur son application de la loi, la Régie des marchés agricoles et alimentaires rappelle l’article 63 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, qui indique bien qu’un «plan conjoint ne s’applique pas aux ventes faites par un producteur directement à un consommateur», mais qui décrète aussi que «la Régie peut, toutefois, par règlement et aux conditions qu’elle détermine, assujettir ces ventes à toute disposition d’un plan, d’un règlement, d’une convention homologuée, d’une sentence arbitrale si elle juge que ces ventes portent une atteinte sérieuse à leur application».

M. Laplante affirme comprendre l’existence de cette clause, mais estime qu’elle ne doit s’appliquer qu’à des cas bien particuliers. «Supposons que Walmart décide de se lancer dans la production de poulet et de le vendre à son comptoir. Évidemment, ils font de la vente directe au consommateur. Un joueur qui arriverait subitement sur le marché avec un gros volume pourrait bouleverser l’équilibre de la gestion de l’offre pour le poulet ou les œufs, etc. Mais là, on ne parle pas de ça. On parle d’entreprises qui veulent vendre 500, 1000 ou 2000 poulets en mise en marché directe. On aurait 10 000 fermes qui décideraient de vendre 2000 poulets, ce qui est complètement utopique à l’heure actuelle, et ce ne serait même pas 1% du marché.»

«Menace majeure» 

Selon M. Laplante, ces limites seront, tôt ou tard, «une menace majeure», même pour les petits fermiers bios qui ne font que des légumes pour l’instant.

«J’ai analysé la situation des paniers bios à l’échelle mondiale il y a déjà une bonne douzaine d’années. Au début, ils ont des clients très motivés qui veulent acheter local. Sauf que la personne qui va acheter à la ferme, il faut qu’elle retourne à l’épicerie après quand même. Après quelques mois, maximum une couple d’années, ils n’ont plus le temps et la fidélisation de la clientèle s’effrite. La seule façon avec laquelle les paniers ont réussi à prendre de l’essor et à subsister, c’est en diversifiant leur contenu : en ajoutant un poulet, un fromage, un litre de lait ou en regroupant les produits de plusieurs producteurs. Au Québec, ça, c’est limité.»

La Tribune