Les gens, l’ADN d’Isabelle Voyer

Le monde communautaire, Isabelle Voyer le connaît bien. On l’a vue pendant 11 ans à la Télévision communautaire des Bois-Francs. Puis, après deux années au sein des Productions Plateformes (FIMAV), elle passe les quatre suivantes à la Fédération des télévisions communautaires. Et en 2007, elle prend les commandes de la Sécurité alimentaire de Victoriaville.

«Je suis revenue pour le travail de terrain avec les gens. Un travail très plaisant, extrêmement valorisant», commente-t-elle. Isabelle Voyer a toujours été près des gens. Cela fait partie de son ADN, de son héritage familial. «Mon père a travaillé près des gens et ma mère avait une formation en travail social», souligne-t-elle. Pendant 13 ans, Isabelle a donc occupé le siège de directrice générale de la Sécurité alimentaire. Elle vient de céder sa chaise à un nouveau venu, Michel Patry, entré officiellement en poste lundi dernier.

«Originaire de Victoriaville, il a une formation politique, a fait du développement de marché et dispose d’un grand réseau de contacts. Il présente  beaucoup d’humanisme, démontre beaucoup d’ouverture et d’intérêt pour les gens. On a senti que c’était la bonne personne», a exprimé Isabelle Voyer, précisant qu’une dizaine de candidatures avaient été reçues pour l’emploi.

Nouvelle responsabilité

Elle a peut-être délaissé le poste de direction, mais pas question pour elle de quitter la Sécurité alimentaire. Pas tout de suite la retraite, il lui reste quelques années à donner. Mais Isabelle ne voulait plus porter ce poids, assumer les responsabilités administratives. «C’est quand même une grande responsabilité la direction d’un organisme. Ça finit par accaparer la vie», note-t-elle.

Maintenant, Isabelle Voyer porte le chapeau d’intervenante à l’animation. Elle veillera à proposer des activités, des formations aux utilisateurs de la Sécurité alimentaire. «Pour qu’ils développent plus d’autonomie alimentaire et plus d’autonomie, point, et être moins seuls dans la vie. Je m’occupe ainsi de tout ce volet de prise en charge, ce qu’on appelle l’empowerment», fait-elle savoir. La responsabilité des inscriptions pour les paniers de Noël lui reviendra aussi. «Je serai beaucoup plus en lien avec les utilisateurs que je l’étais, même si, à la direction, on continue quand même à faire de l’accueil», précise-t-elle.

En demeurant à la Sécurité alimentaire dans une autre fonction, Isabelle Voyer facilitera la transition des dossiers, du savoir et de l’histoire. «Pour faire en sorte que le nouveau directeur et que l’équipe sentent une stabilité. J’ai cette préoccupation qu’il n’y ait pas de rupture au sein de l’équipe et que cela vienne fragiliser l’organisation», signale-t-elle.

L’ex-directrice supportera son successeur. «S’il a besoin de savoir pourquoi, comment ça marche, je serai là, assure-t-elle. Mais c’est maintenant sa responsabilité d’amener l’organisme ailleurs. Il prend la Sécurité alimentaire là où elle est. Il va lui faire suivre un chemin.»

Ce qu’il importe, selon elle, c’est que l’organisme ne perde jamais de vue sa mission et sa nature. «Nous sommes un organisme communautaire. On croit dans les gens, dans la solidarité et on défend les pauvres.»

Bilan

Quand elle regarde en arrière et constate le chemin parcouru, Isabelle Voyer est somme toute «contente et assez fière» du travail accompli. Mais elle souligne le travail d’équipe. «Moi, je suis la personne qu’on a vue. En blague, on disait toujours que j’étais la mascotte de la Sécurité alimentaire. L’organisme, c’est une équipe, des gens qui travaillent fort. Une bonne équipe de travail, voilà quelque chose dont je suis fière», exprime-t-elle.

En parlant d’évolution, ce qui est peut-être, selon elle, le plus visible, ce sont les équipements beaucoup plus adéquats dont dispose l’organisation, notamment une chambre froide. «Ça représentait des coûts importants. On a pu compter sur des dons et des subventions. On l’a fait avec une espèce de foi puisqu’on a commencé avant même avoir réussi à réunir tout l’argent», se souvient-elle.

Si l’amélioration des équipements représente un pas important, tout le volet d’accueil des utilisateurs en constitue un autre. «Le développement d’activités, de prise en charge, cela fait partie des améliorations. Je l’ai développé ce volet parce que j’ai appris des groupes communautaires.

Un groupe communautaire, expose-t-elle, est une réponse collective à des besoins individuels. C’est une implication collective, c’est le fait qu’il y a des gens qui hissent ensemble le chapiteau. Notre responsabilité ne se limite pas à dispenser des services, mais c’est aussi de faire en sorte que les gens puissent prendre en main leur autonomie.»

Isabelle Voyer reconnaît que ce n’est quand même pas une mince tâche. On ne peut évidemment plaire à tous. «Il n’y a pas un modèle d’atelier ou d’activité qui plaît à tout le monde. Tu auras peut-être une activité qui va plaire à quatre personnes, exemplifie-t-elle, mais si ces gens retrouvent, ne serait-ce que l’estime de leur personne, ça c’est quelque chose de précieux. Cela fait partie des projets qu’on a mis de l’avant.»

L’ex-directrice se réjouit aussi de la bonne santé économique de l’organisation. «Il y avait déjà une bonne santé. On a continué et on a augmenté le budget», dit-elle. Au fil des ans, par ailleurs, Isabelle Voyer n’a pas cessé de constater la générosité de la communauté. «C’est impressionnant», lance-t-elle.

Elle cite, en exemple, la situation actuelle, la pandémie. «Spontanément, les gens ont fait des dons. Oui, le CIUSSS a rendu de l’argent disponible en prévision d’achats à faire, mais on n’a pas eu besoin de solliciter, par exemple, l’aide de Centraide ou du gouvernement», note-t-elle. La COVID-19 a contraint la Sécurité alimentaire d’annuler son souper Venaison, une importante source de financement. «Cela représente un montant de 25 000 $ ou 30 000 $ net. Mais les dons ont permis de combler ce manque à gagner et même d’accumuler plus, ce qui nous permet d’effectuer des achats, d’intervenir autrement et de faire face à un futur incertain, car on ne sait pas ce qui nous attend. Mais oui, le monde est vraiment généreux», observe-t-elle.

Cette générosité contribue à ce que l’organisme, avec cinq permanents et sa trentaine de bénévoles, puisse poursuivre sa mission et venir en aide, semaine après semaine, à des gens démunis. «Il y a toutes sortes d’utilisateurs, fait remarquer Isabelle Voyer. Mais s’il y a un dénominateur commun, surtout pour ceux qui y sont depuis plusieurs années, c’est qu’il n’y a pas de place pour eux sur le marché du travail qu’ils ne réussissent pas à intégrer.»

Les petites familles, avec les allocations bonifiées avec les années, réussissent un peu mieux. «On constate une baisse de demandes. Elles s’en sortent un peu mieux. Elles ne sont pas plus riches, elles sont moins pauvres», fait-elle remarquer. Mais ce sont les personnes seules qui en mangent un coup. «C’est difficile, elles ne savent pas comment s’en sortir, confie-t-elle. Elles se retrouvent en dehors du marché du travail, mois après mois, avec juste un montant de 600 et quelques dollars mensuellement. Ce n’est pas leur choix. Tu n’as pas de plaisir à être pauvre, non».

D’où l’importance du filet social tissé assez serré, l’importance de travailler à l’amélioration des conditions de vie. Déchargée maintenant du poids de la direction générale, Isabelle Voyer, dans ses nouvelles responsabilités, envisage notamment des collaborations avec certains groupes, comme l’ACEF qui possède des connaissances et compétences budgétaires pour aider les gens à voir clair dans leur budget.

Isabelle Voyer porte aussi une attention particulière aux personnes immigrantes. «On a un rôle important auprès d’elles en matière d’intégration. Ces nouveaux venus arrivent et la Sécurité alimentaire constitue souvent un des premiers lieux fréquentés. On leur fait découvrir ce qu’on mange au Québec, les aliments, la façon de les préparer. C’est très plaisant», fait-elle valoir.