Coopérative La Clé : fin d’une aventure de plus de 25 ans

En plus d’un quart de siècle d’existence, la coopérative de consultation en développement La Clé en a fait du chemin, laissant sa marque en réalisant plus de 400 mandats, non seulement dans la région, mais aussi au Québec et même ailleurs au pays. Cette aventure s’est conclue en décembre 2019 après la réalisation d’un dernier contrat.

Par une journée splendide, bien installés à l’extérieur sous un gazebo, les trois membres de La Clé, le président Bill Ninacs, le vice-président Richard Leroux et l’adjointe administrative Pascale Hébert ont accepté de témoigner de la petite histoire de la coopérative, de son évolution et de ses réalisations.

Tout a commencé en 1993. Richard Leroux, Bill Ninacs et feue Ginette Genois ont démarré La Clé, désireux de regrouper leurs compétences avec leur solide engagement communautaire afin de renforcer les groupes communautaires et les coopératives des Bois-Francs.

De 1993 à 2000, la jeune coopérative vit sa période de démarrage, de rodage. «À ce moment, nous travaillions tous à temps partiel comme travailleurs autonomes, rappelle Richard Leroux. C’est à cette période qu’on a défini le contour de ce que serait La Clé avec les orientations et principes qu’on s’était donnés. Nos clients, même dans ce temps-là, étaient des institutions, des groupes communautaires, des ONG, des gens qui oeuvrent au développement des personnes, des collectivités et des organisations.»

À partir de l’an 2000, la coopérative se structure davantage. Une période qui débute par l’obtention d’une subvention du Fonds de l’économie sociale qui contribuera à l’expansion de ses activités et de sa clientèle.

«On obtient aussi un important contrat avec l’Institut national de santé publique du Québec avec qui on a réalisé le cadre de référence d’intervention», se souvient Richard Leroux.

La Clé prend de l’expansion en 2004, son équipe passant de trois ou quatre à sept ou huit personnes qui travaillent comme salariés. Terminée l’époque de travailleurs autonomes. «C’est l’époque où on a été le plus productif», avance Richard Leroux.

Puis, vers 2010-2011, l’équipe perd des membres et revient à trois personnes, le minimum pour composer une coopérative de travail.

À cette époque, Bill Ninacs a beaucoup voyagé. «J’avais pour client principal la Fondation Lucie et André Chagnon. Parallèlement, j’ai pu m’adonner à d’autres réalisations. J’ai prononcé des conférences dans les Maritimes, à Montréal, Toronto et même Taïwan. Nous avons aussi fait de la formation à distance», expose Bill Ninacs qui, avec le recul, croit que le travail de La Clé n’a peut-être pas été bien compris. «On faisait ce que font les profs d’université avec leur chaire de recherches. Hors d’un centre urbain avec une université, on ne retrouvait pas de boîtes comme la nôtre», note-t-il.

Richard Leroux renchérit avec l’un des impacts générés par la coopérative, celui d’avoir donné accès à des groupes communautaires de la région et d’ailleurs à des recherches scientifiques valables. «Pour la première fois, des chercheurs se penchaient sur leur réalité, que ce soit avec Blitss, les Cuisines collectives et la Maison Raymond-Roy», exemplifie-t-il

«Au début, les gens affichaient un scepticisme. Nous aussi, à nos débuts dans le communautaire, on n’y croyait pas à la recherche scientifique. Ce n’était pas pour nous, admet-il.  Mais au fil du temps, les groupes ont fini par se dire qu’il fallait plus que du placotage pour connaître l’impact qu’on a. Il faut vraiment faire des recherches scientifiques.»

L’empowerment

Le concept de l’empowerment a contribué, à coup sûr, à la renommée de La Clé, assure Richard Leroux. «C’était la base de notre intervention. On en était la référence au Québec et peut-être même ailleurs. Ce qui a fait notre force, souligne-t-il, c’est d’avoir appliqué ce modèle dans presque toutes les interventions que nous avons réalisées. Et puis, tout ça a beaucoup été appuyé par la thèse de doctorat de Bill sur le développement économique communautaire basé sur le développement du pouvoir d’agir ou de l’empowerment. Sans ce noyau, La Clé n’aurait pas été la coopérative qu’elle est devenue.»

Nombreuses réalisations

L’action de La Clé, favorisant une approche participative, globale et multidimensionnelle, s’inspirait directement des caractéristiques de l’intervention communautaire.

La coopérative a contribué à une multitude de projets, réalisant notamment de nombreuses études et analyses pour une grande variété d’organismes publics, philanthropiques et communautaires, incluant des études de cas sur des approches multisectorielles de réduction de la pauvreté au Québec.

Études, recherches-action, activités de formation, rédaction de documents historiques, de guides d’intervention et d’outils d’animation, les intervenants de La Clé ont, au fil du temps, accompagné un grand nombre d’organisations d’ici et d’ailleurs dans la réalisation de projets fort variés.

La liste des réalisations est longue, très longue. Qu’il suffise d’en souligner quelques-unes :

-la structuration du Réseau canadien de développement économique communautaire (DÉC) qui a son siège social à Victoriaville;

-l’organisation d’un forum pour le Québec sur les politiques en DÉC suivi d’une conférence pancanadienne à Vancouver;

-la réalisation des étapes préliminaires et expérimentales ayant mené à la mise en route de Communagir (le centre d’appui au pouvoir d’agir des communautés locales) et du Collectif des partenaires en développement des communautés;

-la participation à l’implantation du centre d’aide Aqua-R-Elle devenu le Centre d’aide Unies-Vers-elles (CALACS) à Victoriaville;

-le codéveloppement et l’enseignement d’un programme de perfectionnement professionnel en DÉC de 15 mois pour le RDÉE, un réseau francophone d’organismes de développement local;

-la rédaction d’une demande d’implantation d’un Centre collégial de transfert de technologie en développement local et en économie sociale pour le Cégep de Victoriaville;

-la mise sur pied de l’attestation d’études collégiales en mobilisation des communautés offerte à distance par le Cégep;

-et l’animation d’un comité sur l’enseignement supérieur pour la Ville de Victoriaville.

«La clé» dans la porte

«Le manque de relève», répond, tout de go, Richard Leroux, à savoir pourquoi la coopérative tire sa révérence. Il n’est pas nécessairement facile d’attirer, en région, hors des grands centres urbains, des candidats devant détenir une maîtrise.

Le fait aussi qu’un projet sur la lutte à la pauvreté, élaboré il y a plusieurs années, ait vu son financement refusé, a pu jouer aussi dans la balance, estime Bill Ninacs. «Avec le financement, on aurait peut-être pu embaucher des gens, refaire une équipe. Ça aurait peut-être pu changer les choses», pense-t-il.

Mais, pour reprendre les mots de Richard Leroux : «Ainsi se termine cette aventure singulière d’un bureau de recherche, de formation et de services-conseils, situé hors des grands centres urbains, et dont l’orientation visait le développement des personnes et des collectivités dans une perspective de développement participatif, endogène (par et pour le monde), durable et solidaire. Cela résume exactement ce qu’on a fait depuis les tout débuts.»

La coopérative ne disparaît pas tout à fait. Le centre de documentation de La Clé, comprenant des milliers de livres, de rapports et de revues, se retrouve à l’Université du Québec à Chicoutimi. De plus, les archives «papier» de la coopérative ont été remises, en grande partie, à Archives Bois-Francs, ce qui permettra aux intéressés de les consulter dans le futur pour connaître son histoire et plusieurs de ses mandats.