Au front, à la guerre contre la COVID-19

Brigitte Charpentier est habituellement comédienne, chanteuse et clown. Mais depuis un mois, elle est aide de service dans un CHSLD à Montréal et elle se sent comme une guerrière au front.

Tout un changement de carrière pour cette Victoriavilloise d’origine qui, il y a un peu plus de deux mois, était en Europe, investie dans différents projets pour développer des collaborations artistiques, notamment avec le spectacle «Les divines» qu’elle a créé avec Lucie Cormier. «J’étais à Dijon en France quand j’ai appris que les bars et les restaurants fermaient. À ce moment, je me suis dit que c’était grave et qu’il fallait que je rentre au Québec», rappelle-t-elle.

C’est donc le 18 mars qu’elle est revenue dans la province. Après avoir fait sa quarantaine, elle est venue à Victoriaville voir ses enfants. «Mais j’avais le goût de m’impliquer dans cette guerre à la COVID-19, dès que M. Legault l’a demandé», a-t-elle dit. Mais lorsque le premier ministre a lancé son appel à la population, il recherchait des personnes qualifiées dans le domaine et Brigitte n’avait pas les formations nécessaires. «En attendant, je suis allée chanter sous les balcons des personnes âgées à Victoriaville pour faire quelque chose», se souvient-elle.

Mais quand le premier ministre a annoncé que tous pouvaient contribuer à Montréal, Brigitte a décidé de se lancer dans l’aventure. «J’ai un appartement à Montréal. Je suis une fille privilégiée, j’ai eu peur, mais je ne pouvais pas ne pas y aller», raconte-t-elle.

C’est donc par l’entremise du site «Jecontribue» qu’elle s’est inscrite. Après un long processus, elle s’est retrouvée au CHSLD J-Henri Charbonneau de Montréal. Quelques heures au 3e étage puis directement au 5e, en zone rouge où sont hébergés les patients atteints de la COVID-19. «Je m’habille en scaphandrier et je dois me changer chaque fois que je vais dans une autre chambre», explique-t-elle.

Bien entendu, elle ne donne pas de soins aux patients, n’étant pas qualifiée pour le faire, mais aide lors des repas (lorsqu’il y a des professionnels à proximité en cas d’étouffement), apporte les collations, lave le plancher, bref fait tout ce qu’elle peut pour alléger le travail des préposés et infirmières et infirmiers. «Je suis un genre de bouche-trou. Mais le clown, c’est aussi ça boucher les temps vides entres les numéros», image-t-elle.

Après un mois passé dans cette zone rouge, dans le feu de l’action, elle commence à connaître les aires; M. Untel prend deux biscuits pour sa collation, mais pas Mme Unetelle. «Mais c’est triste, les filles (préposées et infirmières, des femmes en majorité) ont de la «broue dans le toupet». Quant aux patients, ils sont confinés dans leur chambre. C’est difficile psychologiquement», décrit-elle.

Mais les soins de base sont assurés et Brigitte affirme qu’il n’y a pas d’histoire d’horreur où elle travaille. «Les infirmières et infirmiers sont extraordinaires. Ils font des 16 heures en ligne et sont tellement gentils», fait-elle remarquer. Les patients regardent beaucoup la télévision, suivant la pandémie à la trace. Pas de tablettes ni d’ordinateurs pour contacter leurs proches, mais le téléphone qui leur permet de conserver un lien avec la famille.

Chaque jour donc, Brigitte côtoie cette maladie que tous craignent tant, des gens atteints à différents degrés. Elle a appris à apprivoiser cette peur et, maintenant, elle se sent presque davantage en sécurité au CHSLD, avec tous les moyens de protection, qu’à l’épicerie où tous ne respectent pas les consignes. «Je fais partie d’une équipe, une gang. On fait des blagues ensemble et je fais mon possible pour aider», dit-elle encore.

Bien entendu, la clown n’est jamais loin chez Brigitte et l’humour est important lorsqu’on travaille dans de telles circonstances. «Si la clown a changé de costume, on se rejoint puisqu’on est là pour l’humain», apprécie-t-elle.

Brigitte est bien heureuse d’apporter du réconfort et faire sa petite part pour les personnes âgées qu’elle apprécie tellement. Elle se souvient de sa grand-mère qui a fini ses jours à l’Ermitage et qu’elle aimait tant. «Je crois au karma», dit-elle encore en espérant que lorsqu’elle sera vieille, il restera des gens pour prendre soin d’elle comme elle le fait aujourd’hui.

La nouvelle aide de service a bien l’intention de continuer à faire sa part, à contribuer à Montréal. De quatre jours de travail, elle compte augmenter à cinq. «Tout est arrêté ici. Les festivals sont annulés, il n’y a rien à faire, aussi bien travailler», dit-elle avec philosophie.

Elle aurait bien choisi de rester à Victoriaville si on avait eu besoin de ses services. Mais ça n’a pas été le cas. C’est donc à Montréal qu’elle continue de lutter contre cette maladie. «Je vais rester tant que je pourrai et on verra quand ce sera fini», indique-t-elle.

Mais pas question d’en faire une nouvelle carrière. «C’est trop dur physiquement et moralement», estime Brigitte. Et puis, elle vit tout le temps un grand sentiment d’impuissance puisqu’elle ne peut répondre aux demandes pressantes des patients, n’ayant pas la formation nécessaire.

En poste depuis un mois maintenant, elle a subi son premier test de dépistage le 26 mai comme les autres travailleurs même si elle n’a pas de symptômes. Elle est toutefois certaine de ne pas l’attraper puisqu’elle est toujours vêtue, comme elle le dit si bien, en astronaute.

Brigitte Charpentier rencontre sur son chemin des gens qui sont reconnaissants de ce qu’elle fait. À cela, elle répond simplement qu’en donnant aux personnes âgées, comme elle le fait au CHSLD, c’est comme si elle redonnait à sa grand-mère qui l’a pratiquement élevée.

Elle suggère d’ailleurs aux gens de venir aussi faire leur part à Montréal, bien que ce ne soit pas évident pour plusieurs. «Venez trois semaines, ce qui permettrait aux préposées et infirmières-infirmiers de se reposer. C’est vrai qu’on vit une drôle d’époque, mais je ne pourrais pas être ailleurs», termine-t-elle.