La Ferme Lansi pilote un projet de 200 M $

Établie à Saint-Albert depuis 60 ans, la Ferme Lansi vise à augmenter, d’ici 2035, son cheptel laitier de 550 à 2400 vaches en plus du troupeau de remplacement. Un projet qui commande des investissements de 200 M $.

Ce projet a fait l’objet, mardi soir, d’une séance publique d’information organisée par le Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE) et tenue sur le Web en raison de la pandémie.

Les citoyens pouvaient, à la suite de la présentation, adresser leurs questions par Facebook, par courriel ou par téléphone. Une seule personne l’a fait, une voisine, qui a exprimé certaines craintes en lien avec le bruit et l’eau.

La présentation

Animée par Alexandra Barbeau, conseillère en communication au BAPE, la séance virtuelle a principalement donné la parole à Suzelle Barrington, ingénieure, agronome et consultante, qui a réalisé, en 2015, l’étude d’impact environnemental.

Suzelle Barrington, ingénieure, agronome et consultante (Photo capture d’écran)

Le projet, a-t-elle souligné, s’inscrit dans «le processus normal d’évolution de la ferme d’ici 15 ans». L’experte n’a pas manqué de signaler la tendance des fermes de grande envergure. «On observe que les petites fermes ont tendance à abandonner la production. Dans la région, de 1996 à 2011, 160 fermes laitières ont cessé leur production», a précisé Mme Barrington, ajoutant que des fermes comme Lansi les reprennent pour assurer le maintien de la production laitière au Canada.

Elle explique cette tendance aux grandes fermes du fait qu’aujourd’hui, les agriculteurs souhaitent profiter de périodes de vacances plutôt que de travailler 365 jours par année à raison de 12 à 14 heures par jour. «Avec une ferme laitière, un troupeau doit faire vivre deux familles», a-t-elle indiqué.

Une entreprise performante

La Ferme Lansi, a fait valoir la consultante, figure par «les plus performantes au Québec», et elle a à cœur de «continuer à bien nourrir le monde croissant avec les mêmes ressources et un lait de qualité».

«Avec les mêmes vaches qu’une ferme ordinaire, la Ferme Lansi produit 30% plus de lait», a-t-elle fait remarquer.

L’entreprise agricole dispose aussi de sols très performants et contrôle bien l’érosion.

Impacts et mesures d’atténuation

Oui, a convenu Suzelle Barrington, un projet d’une telle ampleur ne se réalise pas sans certains impacts liés notamment au transport, aux odeurs et au bruit. «Des impacts qui peuvent être minimisés par des mesures d’atténuation», a-t-elle assuré.

(Capture d’écran)

Par exemple, on anticipe, en 15 ans, une augmentation de 5% des déplacements pour aller aux champs. Mais, en raison d’une situation géographique favorable, la circulation se fera sur des routes rurales peu habitées. «Comme mesure d’atténuation, la ferme utilisera aussi des équipements de plus grande capacité», a précisé l’ingénieure agronome.

De plus, comme le projet viendra remplacer quelque 50 fermes, le transport pour amener les fournitures à la ferme et pour transporter le lait s’en trouver réduit. «Le camion s’arrêtera à un seul endroit, plutôt qu’à 50. On réduit ainsi de beaucoup les risques d’accident. Voilà un grand avantage», a-t-elle fait valoir.

En matière d’odeurs liées à l’épandage de fumiers, plutôt que 50 producteurs épandent à différents moments tout au cours de l’été, la Ferme Lansi entend concentrer ses opérations sur une période d’environ 11 jours. «La ferme va même au-delà de la règlementation en vigueur pour la gestion des odeurs. Ses bâtiments sont toujours très propres. Quand les fumiers sont sortis régulièrement, il y a moins d’odeurs», a souligné Mme Barrington, tout en soulignant l’engagement de la Ferme Lansi d’aménager des haies brise-vent en mesure, selon elle, d’atténuer les odeurs de l’ordre de 40%.

Au sujet des impacts sonores, la consultante observe que les technologies agricoles ont beaucoup évolué, que des équipements, comme les tracteurs, font moins de bruit.

Du côté des sols, puisque la ferme doit remplacer des élevages dans la région, on n’enregistrera donc pas plus d’épandage ni de surfaces en culture.

Quant à l’eau, la Ferme Lansi vise un prélèvement quotidien de 405 mètres cubes. À ce sujet, l’ingénieure agronome se veut rassurante. «L’entreprise a fait réaliser, depuis longtemps, une étude hydrogéologique afin de s’assurer qu’elle puisse puiser de l’eau en respectant les normes et la capacité des puits des voisins», a-t-elle fait savoir, ajoutant aussi l’obligation de détenir, au-delà de 75 mètres cubes, une autorisation du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC). «Le prélèvement sera surveillé», a-t-elle signalé.

Des retombées

(Capture d’écran)

Le projet nécessite des investissements totalisant 200 M $ : 60 M $ pour la construction de bâtiments et de fosses à lisier; 60 M $ pour l’achat de quotas; 40 M $ pour l’achat de terres en culture et encore 40 M $, cette fois, pour l’achat d’équipements.

D’importantes retombées découlent du projet de la Ferme Lansi qui pourrait employer 18 personnes, dont les trois copropriétaires Sylvain Landry et ses deux fils.

L’entreprise achète annuellement pour environ 10 M $ de dollars en services auprès de fournisseurs de la MRC d’Arthabaska. «Ce n’est pas négligeable», a commenté Mme Barrington.

Questions et réponses

Une seule citoyenne, Lynda Hébert, s’est manifestée lors de la période de questions.
Sa résidence étant située à 200 mètres de la ferme, elle a questionné concernant le bruit, la quantité et la qualité de l’eau.

Suzelle Barrington a expliqué que les évaluations de bruit ont été réalisées à une distance d’un mètre. «Plus on s’éloigne, plus le bruit s’atténue. On constate, dans les environs, beaucoup de sols et de végétations. Un milieu idéal pour absorber le son. À 200 mètres, les bruits ne seront pas perceptibles», a-t-elle affirmé.

On mise aussi sur les haies brise-vent avec des espèces d’arbres à croissance rapide pouvant atteindre une hauteur de 10 mètres en 10 ans.

Les trois propriétaires (Photo capture d’écran)

Quant à l’impact sur l’eau, l’ingénieure insiste pour dire que le gouvernement garde un œil sur la situation  et s’assure d’aucun impact chez les voisins. «La Ferme Lansi a fait appel, en 2016, à un hydrogéologue pour s’assurer que le prélèvement respecte la nappe phréatique et que les voisins aient autant d’eau que la ferme», a précisé Suzelle Barrington.

La famille Landry a profité de l’occasion pour rappeler son engagement à respecter les normes gouvernementales. «On va faire tout notre possible pour que tout le monde soit content. On ne veut déranger personne, on veut juste faire notre travail», a exprimé l’un des fils.

En cas de problème, la Ferme Lansi, dans ses obligations, dispose d’outils pour recevoir et gérer les plaintes, et peut recourir à des intervenants pour régler les problèmes. «Il ne faut pas oublier, a souligné la consultante, que, tous les cinq ans, la ferme devra révéler au ministère les plaintes reçues et indiquer les actions entreprises pour résoudre les problématiques.»

Étapes à venir

Les représentants du BAPE rédigeront un compte-rendu de cette séance publique d’information.

Alexandra Barbeau, conseillère en communication au BAPE (Photo capture d’écran)

Andréanne Barbeau a aussi rappelé que, d’ici la fin de la période publique d’information le 29 juin, tout citoyen, organisme, groupe ou municipalité peut s’adresser au ministre de l’Environnement pour demander la tenue d’une consultation publique ou d’une médiation pour examiner des aspects sociaux, écologiques ou économiques.

Le BAPE déposera éventuellement son rapport au bureau du ministre Benoît Charrette qui soumettra ensuite sa recommandation au conseil des ministres à qui revient ultimement la décision d’adopter ou non le décret autorisant la réalisation du projet.