Les luttes d’une vie pour Steeve et Nancy

Ensemble depuis à peine 10 mois, Nancy Carle et Steeve Brûlé partagent un amour solide qui leur permet de résister aux soubresauts, aux épreuves de la vie. Alors que Steeve se remet d’un cancer, voilà que Nancy s’apprête à livrer le combat de son existence. Entrevue avec un couple inspirant.

Homme actif impliqué dans le hockey mineur et dans le baseball avec le Cactus de Victoriaville, Steeve Brûlé, technicien en architecture, opère aussi en période hivernale un magasin d’aiguisage de patins, de même qu’une entreprise familiale reprise de son père. Une semaine après sa rencontre avec Steeve, le 10 juillet 2019, Nancy Carle a laissé son emploi de gérante aux caisses chez Walmart pour faire équipe avec son conjoint et le supporter dans ses tâches.

Nancy a trois enfants, Steeve, deux. Des enfants en santé âgés entre 10 et 18 ans. «C’est quand tu la perds que tu te rends compte c’est quoi la santé», souligne le Victoriavillois, dont les problèmes ont commencé peu de temps avant Noël. «Ça faisait une semaine que Steeve n’allait pas bien : beaucoup de fièvre, des douleurs partout, des nausées et une grosse perte d’énergie», se souvient Nancy.

En clinique externe, un médecin suspecte quelque chose d’assez sérieux et lui recommande de se rendre rapidement à l’hôpital. Ce que fait Steeve le 24 décembre. Il n’en ressortira qu’un mois et demi plus tard. Au centre hospitalier, une prise de sang révèle que son système ne produit plus aucun anticorps. «J’étais vraiment sans défense face à tous les virus et bactéries possibles», note-t-il.

Un examen avec le tomodensitomètre (scan) décèle ensuite une masse cancéreuse au thorax. «De la grosseur d’une balle de softball», précise Steeve. Il s’agit d’un thymome, une tumeur qui affecte le thymus, l’organe du système immunitaire pour produire des anticorps. Au départ, les autorités croyaient que la tumeur empêchait la formation des anticorps. «Il fallait, explique Steeve Brûlé, ouvrir le thorax et retirer la masse. Mais, en l’absence d’anticorps, l’intervention représentait un risque. Le médecin hésitait à m’opérer. Finalement, ils ont conclu qu’il leur fallait me l’enlever.»

Le 20 janvier, il se retrouve sur la table d’opération. La masse, tellement importante, touchait maintenant le cœur et un poumon. Pour éviter que le cancer ne se propage ailleurs, le chirurgien en a enlevé «plus que moins». «Il a retiré toute la masse, ainsi qu’une partie de l’enveloppe du cœur et un bout de poumon. L’examen a révélé qu’il n’y avait plus aucune trace de cancer nulle part», se réjouit Steeve qui fera l’objet d’un suivi pendant 10 ans en raison d’une récidive possible. «Après 10 ans, si je n’en ai plus aucune trace, je pourrai dire que je l’ai vaincu.» Steeve Brûlé a dû surmonter aussi des complications post-opératoires, à savoir une arythmie cardiaque et une embolie pulmonaire.

La bataille se poursuit

Malgré le retrait de la tumeur, les neutrophiles (anticorps), malheureusement, ne sont pas de retour. Steeve apprendra qu’il souffre d’agranulocytose. «C’est rare la combinaison des deux, mon type de cancer avec l’agranulocytose. Le personnel médical ne disposait pas de référence. J’ai fait figure un peu de cobaye», confie-t-il.

On l’a soumis à différents trucs, à un traitement d’immunoglobuline étalé sur cinq jours. Il leur a fallu attendre au troisième jour avant que ne pointe une petite lueur d’espoir, un léger progrès. «Mais dès le lendemain, raconte Nancy Carle, les infirmières entrent sans masque, sans gants pour nous annoncer les bons résultats. Pour nous, c’est la victoire.» Les anticorps sont bien présents.

Au calendrier, c’est le 4 février. Le couple peut enfin obtenir son congé du milieu hospitalier. Or, la tempête fait rage, contraignant Nancy et Steeve à une nuit de plus à l’hôpital.

Un support de tous les instants

Durant toute cette période difficile, Steeve Brûlé a pu compter sur le support de la femme qu’il aime. «Je l’ai accompagné 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Je couchais à l’hôpital dans un lit installé à côté du sien. J’y étais tout le temps, je portais le masque, des gants, la jaquette», relate Nancy.

Oui, c’était avant la COVID-19, précise Steeve Brûlé, heureux d’avoir pu bénéficier d’un tel soutien. «C’est un support dont tu as besoin.» L’encouragement s’est aussi manifesté dans les réseaux sociaux. Une vague d’amour a déferlé. «On racontait un peu mon histoire sur Facebook, les bons comme les mauvais moments. On sentait que le monde suivait l’évolution», note-t-il.

Les mots d’encouragement ont été nombreux, de toutes parts, des adversaires au baseball, des gens du hockey. «Ça venait d’un peu partout», confie Steeve, tout en se désolant de la situation vécue dans les CHSLD avec la pandémie. «On voit des aînés laissés un peu à eux-mêmes. Moi, si j’avais vécu pareille chose dans ma situation, ça n’aurait pas été la même épreuve. J’en suis très reconnaissant envers tous ceux qui ont suivi cette étape-là qui a carrément changé ma vie», signale-t-il.

Une rechute

Il y a un peu plus de deux semaines, Steeve Brûlé a vécu une rechute, ses neutrophiles retombant à zéro. En raison des symptômes similaires, on l’a testé pour la COVID-19, deux fois plutôt qu’une. Des tests qui se sont avérés négatifs. Cette fois, pandémie oblige, Nancy ne pouvait l’accompagner à l’hôpital, se contentant de l’attendre dans l’auto. Considéré prioritaire vu sa condition, Steeve Brûlé n’a pas subi de retard ou d’annulation de ses rendez-vous.

À Trois-Rivières particulièrement, en raison des installations adéquates, il n’a pas craint pour sa sécurité. Finalement, trois mois après l’intervention chirurgicale, comme l’avait prévu le médecin, Steeve Brûlé sent qu’il peut, de nouveau, forcer des bras et du haut du corps. Il a repris son boulot, en télétravail, de technicien en architecture.

S’il a reçu comme «un coup de masse» l’annonce de son cancer, si, en attente du diagnostic, il a pu imaginer le pire des scénarios, aujourd’hui, Steeve place son épreuve derrière lui. Même s’il reste encore du travail à faire concernant sa médication pour les neutrophiles.

Un autre combat, celui de Nancy

Un malheur n’arrive jamais seul, dit l’expression. Nancy Carle apprend, le 10 avril, qu’elle souffre d’un cancer du sein. Après le sein gauche, on a découvert une masse dans l’autre sein. Elle envisage de quatre à six mois de chimiothérapie dans le but de l’amener vers la chirurgie. Confrontée à la perte de cheveux avec les traitements, la femme de 38 ans a pris les devants. «J’ai demandé à Steeve de me les raser. Je ne voulais pas vivre le traumatisme de les voir tomber avec la chimio», raconte-t-elle.

Steeve n’était pas prêt. Mais elle, oui. «Je lui ai dit : ce sera fait et tu auras le temps de t’y habituer.» Il a acquiescé à la demande. Contrairement à Steeve, Nancy, en raison de la COVID-19, doit se présenter seule à ses rendez-vous médicaux. «Il trouve ça difficile, mais il m’attend dans l’auto. Il est là. Quand je sors, il me prend dans ses bras.»

À l’annonce de la terrible nouvelle la concernant, Nancy n’avait plus aucune force, ne voyait aucun point positif. Pendant deux jours, elle a «pleuré sa vie», demandant à son amoureux sa recette, comment il avait trouvé la force et le positif. «Il m’a dit que je la trouverais ma force extérieure, que ça viendrait tout seul un jour. Ça a pris trois jours», exprime-t-elle.

Depuis le 13 mars, à la maison, le couple a adopté des mesures de protection, Nancy aménageant une chambre en vue de ses traitements.

Son moral est excellent. «J’ai la force, affirme-t-elle, de vouloir réussir de me battre jusqu’au bout. Il ne gagnera pas, il ne s’est pas attaqué à la bonne personne.»

Nancy et Steeve gardent en tête leur but précieux : se rendre jusqu’à leur mariage le 10 juillet 2021, deux ans jour pour jour après le début de leur relation.

Parce que Steeve, au moment où il était hospitalisé, a adressé à son amour la grande demande. «Il n’avait jamais voulu se marier, il n’y croyait pas. Mais à l’hôpital, il a pris conscience à quel point j’étais présente pour lui. Il m’a demandé en mariage et j’ai dit oui», mentionne-t-elle.

«Au mariage, on aura passé à travers. Les épreuves seront derrière nous. C’est comme un scénario d’Hollywood. Dur à battre», commente-t-il. Tout de go, ils insistent sur la prévention quand on cherche à savoir s’ils ont un message à adresser. «Pour les femmes, faites l’autoexamen des seins. C’est important, on ne sait jamais ce qui nous attend demain. Pour les hommes, n’hésitez pas à consulter au besoin. Prenez soin de votre santé. Pensez aussi à ceux qui vous entourent, à votre famille, à vos amis», conclut Nancy Carle.