Des pintades élevées à Princeville

Ils ont commencé l’élevage de pintades par plaisir en 2017. Mais rapidement, Chantal Mondor et Bruno Guérard de La Pintarade ont entrepris la commercialisation de produits transformés. Regard sur un élevage méconnu.

«On a entrepris l’élevage par plaisir en 2017. La première année, on a élevé une centaine de pintades», rappelle Chantal Mondor. Cette idée relève d’un certain hasard, confie Bruno Guérard. «Quelqu’un, un jour, nous a dit avoir aidé un ami producteur de pintades. Moi-même qui suis un ex-producteur de lait, je ne connaissais pas la pintade. Ç’a été vraiment la curiosité de voir c’est quoi.»

Même domestiquée, la pintade demeure très sauvage. «On dit que c’est l’animal domestique le plus sauvage», note Bruno, tout en soulignant que ses oiseaux, l’an dernier, s’étaient enfuis de leur enclos à deux occasions.

Mais les pintades ne vont jamais bien loin. Elles ne s’éloigneront jamais. «En se levant, le matin, il y en avait 300 autour de la maison», se souvient-il.

En raison de leur grande nervosité, les éleveurs doivent y aller doucement, avec précaution, pour les récupérer afin de ne pas les effrayer. «Elles sont très nerveuses. Quand on s’approche, elles s’énervent. Dans ce cas, elles s’enfuient ou bien elles meurent d’une crise cardiaque», observe Chantal Mondor. Voilà pourquoi, quand vient le temps de les attraper pour les ramener à bon port, l’opération se fait dans l’obscurité.

Les pintades ont ceci de particulier qu’elles sont très criardes. «C’est très bruyant, mais ce que j’aime, c’est la nature même de l’animal. Je respecte sa nervosité. Il est normal qu’elles agissent de la sorte», exprime Bruno.

Quand les pintades sortent, elles vont se cacher. «On ne les voit pas de la journée, contrairement à une poule, par exemple, qui s’approche de nous. Mais le soir, elles reviennent au bercail à la même heure. On ne les perdra pas», assure-t-il. La pintade aime bien les hauteurs, aime se jouquer. «Si on les laissait dehors, à la limite, elles iraient dans un arbre, un peu comme les dindons sauvages», indique l’éleveur.

Les débuts

De la centaine de pintades la première année, il en est resté 80 à la fin. Chantal et Bruno ont convenu de les abattre eux-mêmes, puis d’en faire don à des amis. Durant l’hiver, des demandes leur parviennent, amenant le couple à songer à élever des pintades en vue d’une commercialisation. «Pour ce faire, il nous fallait développer des recettes, fait remarquer Bruno. On s’est rendu compte toutefois que nous avions donné toutes nos pintades.»

Les amis en question n’avaient pas consommé la volaille. Les Princevillois les ont contactés pour récupérer les pintades afin d’élaborer des recettes. «Cela nécessite environ de six à huit mois de préparation pour être prêt pour les marchés estivaux. On s’était inscrit à des événements comme la Balade gourmande, mais nous n’avions aucun produit. Nos premiers produits, nous les avons eus de justesse, une semaine avant notre participation à un premier marché», relate Bruno Guérard.

De la centaine de pintades en 2017, l’élevage a grimpé à 800 l’année suivante et à 1600 en 2019. Interrogée sur le type de viande, Chantal Mondor explique que la pintade ressemble plus à celle du dindon. «C’est plus sec que le poulet, un peu plus ferme, comme le dindon. Une viande plus protéinée que le poulet. Mais la pintade a un goût particulier. Ça n’a pas le goût du poulet, ni du canard.»

De plus, précise-t-elle, le gras se retrouve entre la chair et la peau. Il se retire facilement. La pintade se veut plus raffinée, renchérit Bruno Guérard, faisant valoir qu’en Europe, on la sert dans les occasions de fêtes, un peu comme la dinde pour les Québécois.

En voyage en sol européen, Bruno a pu constater l’absence quasi totale de produits transformés, contrairement à ce qui se fait ici. «Un producteur de 6000 pintades annuellement me confiant qu’il se faisait peu de transformation, que les gens achetaient des pintades entières. Le seul produit transformé que j’ai pu y trouver, c’est un émietté de pintade», souligne-t-il. «On le constate dans les marchés, ajoute Chantal, quand les gens nous demandent des pintades entières, ce sont des Européens.»

Une variété de produits

Il n’existe pas d’association d’éleveurs de pintades, ce qui rend difficile de savoir le nombre de producteurs au Québec. Mais ils ne seraient pas si nombreux, comme La Pintarade établie dans le 11e rang Est à Princeville.

Si l’entreprise propose des produits de canard à sa clientèle, tout en élevant aussi du poulet pour le congélateur personnel, elle consacre principalement sa mission à la pintade. «C’est notre principal marché. Le canard reste un à côté. On l’avait lancé pour se sécuriser, mais finalement les consommateurs se sont intéressés davantage à la pintade, notre marché principal», précise Bruno Guérard.

Au fil du temps, La Pintarade a développé près d’une quarantaine de produits. «On ne vend que 5% de pintades entières, sans plus. Les gens veulent des produits déjà prêts à manger, des produits transformés comme des terrines ou des idées cadeaux puisqu’il s’agit d’un produit de niche», fait valoir Bruno.

«On s’est rendu compte, poursuit Chantal, que les gens aiment les trucs qui se cuisinent facilement. Ainsi, on propose notamment des poitrines marinées. C’est rapide, ça se vend bien, tout comme les saucisses également.»

La Pintarade vend ses produits sur place à la ferme, dans les marchés auxquels elle participe, de même que dans différents points de vente dans la région, notamment à Mon Marché Victoriaville, mais aussi dans les grands centres de Montréal à Québec. L’entreprise fournit aussi certains restaurants, comme la Cornemuse à Inverness et l’Olive Rouge à Victo.

La pandémie

La crise sanitaire apporte avec elle une certaine déception puisque la période estivale constitue une période importante avec les différents marchés. «On voit bien que ce sera difficile, cette année», affirme Chantal Mondor. Mais qu’on se rassure, la crise de la COVID-19 ne menace pas La Pintarade. «Les difficultés liées à la crise ne mettent pas en péril notre sécurité financière. Nous avons un métier à l’extérieur», dit Chantal.

«On a la chance de ne pas vivre que de ça pour le moment, ajoute Bruno, ce qui est davantage un projet à moyen et long terme.»

La pandémie, toutefois, vient freiner la croissance de l’entreprise. «C’est dommage puisque nous avions trouvé de nouveaux marchés, des endroits incroyables. Même qu’on se demandait si on allait réussir à fournir», signale-t-il. Ce n’est que partie remise.

Parce que le couple aime ce qu’il fait, considérant La Pintarade comme un projet de pré-retraite. «Si ça prend juste un peu plus de temps, c’est correct aussi. On s’amuse là-dedans», conclut Chantal Mondor.