De la légionellose à la COVID-19 : les étranges contradictions de la CSQ

Il s’agit d’une douce et perfide ironie que de lire l’insipide communiqué de presse du 6 mai de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) où sa présidente, Sonia Éthier, pérorait au sujet de l’actuelle pandémie qui nous frappe très durement.

Cette puissante cheffe syndicale semblerait grandement s’en faire et beaucoup se questionner notamment sur la sécurité de nombre de ses membres œuvrant principalement dans le système d’éducation et de santé. Là, spécifiquement, elle rappelle qu’il «y a un urgent besoin de cohérence sur le terrain» entre les recommandations de la Santé publique et le fait que le gouvernement ouvre la porte à ce que des personnes de plus de soixante (60) ans retournent au travail. Elle exigerait même, en bonne syndicaliste, des mesures claires et fermes pour assurer la santé de ses membres et, surtout, plus de transparence de la part de nos dirigeants politiques sur ce qu’ils comptent faire dans les prochaines semaines, voire les prochains mois en prenant bien la peine de souligner que ce gouvernement sème «la confusion» qui serait «en train de devenir la norme».

Elle ose donc, elle, demander cela sans rougir le moindrement? Voilà qui m’étonne très profondément! Se souvient-elle qu’elle est à la tête d’une centrale qui, faute d’entretenir correctement et minimalement de simples tours de refroidissement, comme il y en a tant dans les villes, est à l’origine d’une des pires hécatombes de légionellose dans l’histoire récente du pays? Se souvient-elle que cette grave incurie dans l’entretien d’un bâtiment de la centrale, situé dans la Vieille Capitale, a mené à quatorze (14) morts et près de deux cents (200) personnes qui ont souffert de la terrible légionellose à l’été 2012?

Depuis un moment, déjà, au Québec, bien des syndicats ont mauvaise réputation. Souvent accusés d’être presque exclusivement alignés sur des intérêts corporatistes étroits, bornés et égoïstes, de posséder un niais entêtement en nombre de dossiers et d’étouffer la liberté individuelle, bien des penseurs et bien des écrivains, très critiques des pratiques syndicales vieillottes, n’avaient jamais pensé qu’ils se feraient, un jour, homicidaires. La possible amnésie de Sonia Éthier se joindrait admirablement bien à l’entente secrète qu’a conclue la centrale avec les avocats de plusieurs victimes. Que dire de cette entente survenue en septembre 2018, soit six ans après le drame? Pas grand-chose, puisque les détails et les montants n’ont jamais été révélés publiquement. Toutefois, à la signature de cette entente, il était de bon ton, pour la centrale, de claironner sa non-responsabilité alors que le contraire était si évident si nous lisions bien le rapport limpide de la coroner Catherine Rudel-Tessier sur toute cette tragédie. Cette entente fut tellement secrète que, en tant que membre-payeur de cette grande coterie syndicale, je n’ai jamais pu savoir combien de millions ont été versés aux victimes et aux avocats. (Rassurez-vous! Si j’avais pu voter sur cette décision, j’aurais offert beaucoup plus aux victimes, et ce, plus rapidement!)

En ce dossier… Peut-on, sans rire de désespoir, parler de cohérence, de transparence, de démocratie et d’un souci pour la sécurité? Voilà plus de cinq années, qu’en assemblée syndicale des enseignantes et enseignants de mon cégep, affilié, hélas, à la CSQ, j’ai fait adopter à l’unanimité une proposition exigeant des comptes de la centrale sur la gestion de ses immeubles et, particulièrement, sur ce dossier évoqué précédemment. Et bien! Après cinq ans d’attente, je patiente encore! J’espère toujours voir l’application de cette proposition visant à obtenir plus de transparence et de cohérence de ma centrale. Peut-être que je devrais commencer à faire mon deuil!

Bien que mes représentants et mes représentantes syndicaux, depuis ce temps, ne cessent de dire, et même publiquement en assemblée, qu’ils s’occuperont de ce dossier, rien n’y fait. J’attends toujours, enfin, les réponses et la vérité… D’ailleurs, Sonia, vers qui devrais-je me tourner pour exiger le respect d’une proposition votée dûment en assemblée? Vers mes représentantes et représentants syndicaux qui, sur ce point, seraient tous frappés d’akinésie? Vers les tribunaux pour aller chercher une coûteuse injonction? Peut-être n’ai-je pas les fonds nécessaires étant donné les montants récurrents élevés de mes cotisations syndicales…

D’ailleurs, Sonia, savez-vous qu’en une simple carrière d’enseignant collégial, si nos cotisations n’augmentent pas trop déraisonnablement, c’est près de 60 000 $ que je verserai sur l’hôtel d’un syndicalisme de pacotille qui a perdu son âme et son essence? Quelle infamie! Enfin, très chère présidente, n’auriez-vous point, avec votre salaire qui doit être très élevé, quelques piécettes à me prêter pour que j’intente un joli recours contre votre centrale? Oh! Vous devez bien en avoir les moyens vous dont le salaire, d’ailleurs, n’est même pas connu des membres et encore moins voté en simple assemblée syndicale.

Je me demande bien pourquoi! Mais j’y pense à l’instant. Chère présidente! Ai-je déjà voté pour vous? Avons-nous décidé de nos dirigeants, nous, les petits membres-payeurs? Mais non! J’oubliais, quel rustre je fais, que la religion en vigueur au sein de la CSQ est celle du centralisme démocratique hiérarchique des plus abjects! Comment ne pas être dégoûtés lorsque nous songeons que cette centrale est l’incarnation toujours actuelle et renouvelée d’un soviétisme dépassé et dégradant où les membres, à la base, ne peuvent même pas être entendus par leurs supposés dirigeants pour lesquels, de toute manière, ils ne peuvent même pas voter? Mais il y a pire ! En cachant et dissimulant par toutes les manières votre propre incohérence et antidémocratisme… En demandant toujours des comptes au gouvernement sans être capable de faire votre propre autocritique… En ne prenant pas publiquement et ouvertement la juste responsabilité qui vous revient, en tant que centrale, dans la crise mortelle de la légionellose de l’été 2012… Non seulement vous me briser le cœur et l’âme, mais encore maintenez-vous vivant quelque fantomatique stalinisme de mauvais aloi.

Alors, là, en ces temps de coronavirus, monter au front en veuves éplorées et déchirées pour exiger de notre gouvernement je ne sais quelle cohérence, transparence ou sécurité, dont vous n’avez que le mot et non la vérité et l’usage… Pour moi, c’est s’empêtrer en une contradiction insurmontable et humiliante rendant caduque et pour longtemps la confiance et la crédibilité que je devrais pourtant posséder à votre égard.

Chère présidente bien-aimée, aurez-vous l’intelligence et l’audace de réformer cette centrale qui ne cesse de perdre des membres?

Sans me faire d’illusions, laissez-moi pourtant un peu rêver à ce syndicalisme arc-en-ciel qui jamais n’adviendra tant que vous serez là.

Jean-François Bergeron

Drummondville