Le gouvernement multiplie les signaux contradictoires

Monsieur le premier ministre,

Lors de vos points de presse du 13 et du 17 avril, vous avez informé les Québécois que votre gouvernement est favorable depuis longtemps à augmenter le salaire des préposées aux bénéficiaires (PAB). Selon vous, le problème est du côté de certaines organisations syndicales qui demandent la même augmentation de salaire en pourcentage pour tous les employés de l’État. Accroître le traitement des PAB aurait dû être fait avant, dites-vous, même sans l’accord des syndicats.

Dans vos sorties, vous omettez cependant quelques détails importants. Le premier est que ce ne sont pas les organisations syndicales qui dictent les règles d’une négociation ou d’un exercice de relativités salariales, mais plutôt le gouvernement par le biais du Conseil du trésor. En quoi les syndicats peuvent-ils être responsables d’un jeu pour lequel vous détenez toutes les cartes?

Autre détail important : ce ne sont pas les organisations syndicales qui ont pour responsabilité de faire respecter la Loi sur l’équité salariale, notamment en accordant un juste salaire au PAB, aux auxiliaires, aux infirmières, aux préposés à l’entretien. Il en incombe plutôt au gouvernement de s’assurer d’éliminer la discrimination salariale qui touche les employées et employés des milieux majoritairement féminins.

Par ailleurs, vous avez demandé aux médecins et à l’armée de venir prêter main-forte dans les CHSLD, ce qui est révélateur d’un réseau en lambeau et extrêmement fragilisé par des années d’austérité. Comment se fait-il que le réseau soit si mal en point qu’il peine à gérer, en date du 17 avril, 1076 hospitalisations, 207 aux soins intensifs, avec ses ressources actuelles? La faute aux organisations syndicales?

Là où vous pouvez attribuer «la faute» aux syndicats, c’est celle d’avoir maintes faites fois répétée aux gouvernements en place, année après année, négociation après négociation, que les employés de l’État sont détenteurs de savoirs et d’expertises inestimables et précieux. Mais, faute de conditions décentes, les gouvernements successifs peinent depuis 20 ans à retenir toutes ces personnes qui constituent pourtant le socle et l’assise du fonctionnement de l’État. Pire : les gouvernements poursuivent le démantèlement de l’État à coup de décrets qui gèlent l’embauche et ouvrent toujours davantage la porte à la sous-traitance abusive.

En outre, votre obsession à vouloir mieux payer uniquement les PAB est navrante, car vous oubliez ainsi des milliers de travailleurs essentiels, mais invisibles. Que faites-vous de ceux qui veillent au fonctionnement et aux versements de divers programmes (pensions alimentaires, crédits d’impôt, allocation logement, etc.)? Que faites-vous pour ceux qui garantissent la sécurité et l’accessibilité des réseaux, serveurs et données? Que dites-vous à ceux qui accompagnent les travailleurs atteints de la COVID-19 qui auraient été infectés au cours de leur emploi pour qu’ils puissent réclamer des prestations et avoir droit aux services habituels offerts par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles?

Ce ne sont pas les employés de l’État ni les organisations syndicales qui multiplient les signaux contradictoires depuis le début de la crise. C’est votre gouvernement qui, à grands coups de «ça va bien aller», a induit tous les Québécois en erreur en disant que la grippe saisonnière était plus à craindre que le coronavirus, qu’il n’y aurait pas de problème d’approvisionnement au Québec, que le risque de propagation était faible dans la province.

Line Lamarre
Présidente du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)