Fin abrupte d’un stage au Pérou

Une jeune femme de Tingwick, Magdalena Morales Brizard, participait à un stage de six mois au Pérou. Elle s’y trouvait depuis le 23 janvier quand le coronavirus s’en est mêlé, venant interrompre le stage en cours depuis près de deux mois. Magdalena et les trois autres stagiaires qui l’accompagnaient ont été rapatriés au pays, non sans quelques difficultés, mais avec en tête des suggestions pour améliorer le processus du rapatriement. Récit d’une étudiante heureuse de se trouver à la maison.

En entrevue téléphonique, jeudi dernier avec La Nouvelle Union, la jeune femme poursuivait sa quarantaine en toute quiétude, sans éprouver le moindre symptôme. Détentrice d’un baccalauréat en développement international et en entrepreneuriat social de l’Université McGill, Magdalena Morales Brizard raconte s’être rendue à Quillabamba au Pérou dans le cadre d’un programme fédéral, le PSIJ (programme de stage international pour les jeunes). «Non pas un stage humanitaire, mais plutôt une coopération internationale visant un développement professionnel», précise-t-elle.

Un stage orchestré avec un partenaire québécois, le Carrefour de solidarité internationale (CSI), et un organisme local menant diverses initiatives liées à l’égalité des genres, des sexes. «Nous, les stagiaires, on appuyait leurs projets avec nos compétences professionnelles selon nos champs d’études. Mon mandat, confie Magdalena, consistait notamment à promouvoir des plans d’égalité homme femme et des initiatives de lutte contre la violence faite aux femmes.» Sur le point de terminer, à distance, un microprogramme en nutrition de l’Université Laval, la résidente de Tingwick a pu dispenser, en sol péruvien, un atelier traitant de sécurité alimentaire. «J’allais en donner d’autres quand le stage a été annulé en raison du coronavirus», note-t-elle.

Magdalena Morales Brizard a séjournée à Quillabamba. (Photo gracieuseté)

Quand la COVID-19 s’invite

Magdalena et ses comparses (deux filles et un garçon) séjournaient depuis près de deux mois au Pérou quand ils ont commencé à entendre parler du coronavirus. Au départ, elles n’auraient jamais pensé qu’on allait les ramener à la maison. «L’ambiance était tranquille. Personne ne capotait avec ça puisque ça semblait loin de nous, relate-t-elle. À ce moment, il existait peut-être quelques cas dans le pays, mais nous nous trouvions dans une région éloignée sans aucun cas.» Ainsi, l’ambiance qui prévalait alors ne laissait pas présager un retour au Québec. «Le CSI nous informait par courriel de la situation au Pérou, tout en laissant la porte ouverte à ceux qui voulaient rentrer au pays. Ce n’était pas mon cas», dit-elle.

Arrive le vendredi 13 mars : on observe un changement de ton. Les activités de groupe sont annulées. Puis, en soirée, le dimanche 15 mars, le président du Pérou adresse un message à la nation qui surprendra les stagiaires. «On apprend qu’il décrète l’état d’urgence nationale, qu’il décrète la quarantaine, annonçant aussi la fermeture des frontières et l’interruption des vols commerciaux. Une annonce un peu soudaine. Personne ne s’y attendait vraiment», raconte Magdalena.

Le lendemain, les partenaires les informent d’une tentative de rapatriement avant la fermeture des frontières. Sans succès. Tous les vols étaient saturés. Et les autorités avaient commencé à fermer les routes. «On a essayé de se rendre à Cusco, mais une heure plus tard, on a dû rebrousser chemin en raison de la fermeture de la route, ce qui fait que nous sommes revenus à Quillabamba. On a fait notre quarantaine dans le calme, sans manquer de rien, se rappelle-t-elle. Les gens respectaient les mesures. L’ambiance était normale, sans panique. On se sentait en sécurité.»

Le CSI maintenait également un contact régulier avec les stagiaires s’informant de leur état et s’ils avaient besoin de quelque chose. «On a reçu beaucoup d’appuis de ces organismes», témoignent Magdalena Morales Brizard. Le groupe a dû attendre jusqu’au vendredi 20 mars avant que l’un d’eux ne reçoive, en soirée, un appel de l’ambassade l’informant d’un transport pour Cusco le lendemain matin. Une certaine incertitude a plané puisqu’un seul des stagiaires a reçu la communication. Magdalena a effectué des démarches de vérification. «Finalement, c’était vrai, tout était réglé», dit-elle.

Sauf que le lendemain, le transporteur n’y était pas à l’heure prévue. On ne lui avait pas fourni la bonne adresse. Il s’est pointé finalement à midi. «On a rarement été aussi content de voir arriver quelqu’un», écrit Magdalena dans son récit de voyage sur Facebook. Le quatuor prend la route, bloquée cependant une heure plus tard par des policiers qui soulèvent certains problèmes de permis. Magdalena, dont la langue maternelle est l’espagnol, a interagi avec les forces de l’ordre. «On nous disait qu’on enfreignait la loi, que l’état d’urgence, c’était pour tout le monde, qu’on ne devait pas être à l’extérieur de chez nous», souligne-t-elle.

Il a fallu finalement l’intervention du chauffeur qui a contacté un ami, un haut gradé dans la police. «En 30 secondes, ils nous ont libéré le passage en nous disant désolés et bon voyage avec un grand sourire», se remémore la Tingwickoise.

Un atelier en alimentation (Photo gracieuseté)

Les cinq heures de route, par la suite, se sont bien déroulées. «Il n’y avait personne sur le chemin, à l’exception de quelques camions apportant des vivres pour les régions éloignées. Mais il fallait arriver avant le couvre-feu qui, à ce moment, était en vigueur entre 20 h et 5 h», signale-t-elle. À Cusco, ils ont séjourné au Hilton Garden Inn, croyant quitter dès le lendemain pour Lima, la capitale, pour un vol à destination de Toronto. Mais non. Ils ont passé six journées à l’hôtel dans l’attente de nouvelles de l’ambassade.

Procédures à revoir

Durant la semaine, le groupe apprend que trois vols seront disponibles, les deux premiers étant réservés pour les gens de Lima. Les Québécois devaient donc faire partie du vol du vendredi. Une fois la paperasse remplie, l’ambassade, explique Magdalena, expédie un courriel aux personnes inscrites sur sa liste d’envoi. «C’est problématique, soutient-elle, car plusieurs personnes ne reçoivent pas le courriel de rapatriement, même s’ils sont inscrits. Le système plante. De notre côté, on avait la chance d’être quatre. Dès que l’un d’entre nous recevait un courriel, il le transférait aux autres. Moindrement que tu es seul, ça devient risqué, je trouve.»

Magdalena trouve mal fait le système qu’elle compare à une loterie. «Un courriel est envoyé avec un code promotionnel, secret en principe, mais que tout le monde se partage sur les réseaux sociaux. Sur le site d’Air Canada, on entre le code pour acheter le billet d’avion. Le vol se remplit en cinq minutes», observe-t-elle. Mais à cause des délais entre les courriels, tous ne le reçoivent pas en même temps. «Ce qu’on sait, c’est qu’ils envoient le code le jour précédent le vol, mais on ne sait pas à quel moment», souligne la jeune femme.

Ainsi, ce matin-là, la veille de leur départ, les quatre stagiaires se sont installés devant leur ordinateur, attendant impatiemment le fameux code. Une fille du groupe l’a reçu la première à 13 h 49 et l’a refilé aux autres. «J’ai rapidement acheté mon billet à 13 h 52. Mon code est entré à 13 h 53, tout juste avant que le réseau WI-FI de l’hôtel ne plante cinq minutes plus tard», indique Magdalena.

Un membre du groupe n’avait pu terminer sa transaction. Mais un contact à l’ambassade lui a fait parvenir un code personnel, de sorte qu’il a pu aussi obtenir son billet d’avion. Reste que cette façon de faire désavantage les personnes moins habiles et rapides avec l’informatique, comme les aînés, déplore l’étudiante de Tingwick. «Ce n’est pas juste, estime-t-elle. Ces personnes, plus à risque avec le coronavirus, devraient être traitées en priorité. On devrait leur envoyer directement les billets d’avion au lieu de les faire participer à toute cette loterie qu’ils ne gagneront jamais.»

Cusco en quarantaine (Photo gracieuseté)

Elle en a rencontré à l’hôtel des Canadiens et des Québécois d’un certain âge. «On sentait chez eux un certain découragement, croyant qu’ils devraient rester sur place plus longtemps.» Tous avaient hâte de quitter le pays, sachant ce qui pouvait arriver à l’hôtel advenant qu’un cas de la COVID-19 se déclare. «Si cela se produit, comme au Pariwana Hostel, l’armée arrive et ferme l’établissement en imposant un confinement complet qui peut s’échelonner d’un à trois mois», fait savoir Magdalena.

À retenir

Ce que Magdalena Morales Brizard retient de son aventure, c’est l’importance d’avoir de bons contacts. «Pour nous, ça s’est bien passé avec l’appui de CSI, l’organisme local et notre contact à l’ambassade puisque nous y étions dans le cadre d’un programme fédéral. Nos contacts, ça a été de l’or. Mais pour les touristes, c’est beaucoup moins évident», constate-t-elle. Son séjour lui démontre aussi l’importance de la patience et de garder son calme.

Elle considère que les autorités auraient intérêt à améliorer certaines choses, comme les failles du système informatique et renforcer la sécurité dans l’envoi des formulaires de rapatriement. Mais surtout repenser le système de loterie. «Je ne comprends pas la logique de ça. Ce n’est pas équitable», laisse-t-elle tomber. La jeune femme n’oubliera certes pas le Pérou. «Un pays vraiment magnifique et les gens de Quillabamba ont été incroyables avec nous, tout comme le Carrefour de solidarité internationale», conclut-elle.