COVID-19 : Une impression que tout s’écroule

Elle travaille d’arrache-pied depuis l’âge de 13 ans pour faire sa place dans le monde des affaires. À 27 ans, elle y est parvenue : Audrey-Ann Marcotte se trouve à la tête de cinq restaurants : quatre Ben et Florentine à Sherbrooke (2), Thetford Mines et Victoriaville, et un restaurant Mikes à Victo. Mais l’actuelle pandémie a tout chamboulé.

«Ça fait 14 ans que je travaille fort pour me lancer en affaires. J’ai l’impression que tout s’écroule, que tout s’envole en fumée», exprime-t-elle en entrevue avec le www.lanouvelle.net.

La jeune femme d’affaires a dû fermer, à 13 h, mardi, les salles à manger de tous ses restaurants.

Tout a commencé jeudi et vendredi avec des consignes de désinfection. Mais la clientèle a chuté drastiquement. «Des ventes en chute libre de 75%, vendredi, samedi et dimanche. Nous avions cependant la consigne de rester ouverts. Mais les employés étaient inquiets de venir travailler», souligne Audrey-Ann Marcotte.

Pas facile de gérer toute cette incertitude. «On se demandait si on allait devoir fermer. Moi, je reçois, le lundi, la nourriture pour toute la semaine. Dimanche, la question se posait : je commande ou non? J’ai donc passé de plus petites commandes», expose-t-elle.

Encore lundi, la restauratrice avait pour consigne d’une ouverture avec 50% de la capacité des établissements. «Mais j’ai appelé le bureau-chef signifiant que les employés, inquiets, ne voulaient plus travailler. Moi-même, je suis inquiète, j’ai une famille», souligne-t-elle.

En soirée, lundi, elle recevait finalement la recommandation insistante de procéder à la fermeture des salles à manger.

L’impact est majeur : 80 personnes à qui elle doit préparer une cessation d’emploi, dont sa mère qui la soutenait dans son entreprise. «C’est beaucoup de gestion. On se doit d’appeler les fournisseurs, effectuer les annulations. Malheureusement, il y a du gaspillage, des pertes en nourriture», confie Audrey-Ann Marcotte.

Heureusement, à Victoriaville, son fournisseur La Famille Lampron a repris les fruits et les légumes. «Je reçois aussi de nombreux messages de gens qui veulent acheter de la nourriture pour minimiser les pertes. C’est crucial. Je trouve ça beau de voir la solidarité des gens», fait-elle valoir.

Alors que les liquidités baissent, et en attendant de savoir quel type d’aide gouvernementale elle peut recevoir, la jeune femme d’affaires a pu obtenir, de son institution financière, Desjardins, un congé de paiement, ne devant assumer temporairement que les intérêts.

Oui, il y a les loyers à payer, l’électricité, mais la priorité, pour elle, c’est que les employés reçoivent le salaire qui leur est dû.

Au moment de l’entrevue, mercredi avant-midi, le service pour emporter et la livraison continuaient de fonctionner. «Même la livraison, c’est tranquille et fonctionne à perte. Je n’ai même pas fait 500 $ de vente, mardi. Si ça reste ainsi, je cesserai. On dirait que les gens ne veulent plus se faire livrer et viennent à peine au comptoir. C’est comme si toute la vie est sur pause et qu’on ne fait que parler du coronavirus», note-t-elle

De plus, personne ne peut savoir à quel moment prendra fin la crise. «L’économie en prend un coup. Selon certaines statistiques, 25% des PME risquent de ne pas rouvrir. Même moi, avec quand même une bonne position financière, j’ai peur, admet-elle. Je n’ai pas de mots pour rassurer mes employés, nombreux à m’écrire.»

Restez à la maison!

S’il y a un message à lancer, selon Audrey-Ann Marcotte, c’est de respecter les consignes et de demeurer à domicile. «C’est simple, restez à la maison. Plus vite les gens le feront, plus vite nous stopperons le virus et plus vite l’économie pourra reprendre», lance-t-elle.

Reste que la jeune femme nage, comme bien d’autres, dans l’incertitude, ne sachant pas à quel moment elle pourra rouvrir ses restos. «Et quand ce sera le moment, qu’arrivera-t-il avec les employés? Reviendront-ils?», se questionne-t-elle, dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre.

Personne ne peut lire l’avenir, mais la jeune femme d’affaires a, malgré tout, un plan B, au besoin.

Infirmière auxiliaire de formation, elle pourrait retourner sur ce terrain. «Jamais je n’aurais pensé y retourner, mais si les fermetures se prolongent…»