Des Tunisiens bien intégrés dans la famille Teamco

Arrivés de Tunisie il y a un an, 13 travailleurs ont bien intégré leur communauté d’accueil et l’entreprise warwickoise Teamco qui les a recrutés. Curieux, ouverts d’esprit, ils font véritablement partie de la famille Teamco. Récit d’un recrutement réussi.

Fondée à Warwick en 1978, Teamco œuvre dans deux secteurs : agricole et industriel. L’entreprise se spécialise dans la fabrication d’équipements agricoles pour le fumier et de camions vacuum pour les fosses septiques. L’ajout de ces travailleurs porte à 46 le nombre d’employés et permet maintenant à l’entreprise d’envisager d’élargir ses marchés. «Avec les difficultés de dénicher du personnel, on était toujours limité dans la production. Nous avions de la misère à trouver un soudeur. Le recrutement en Tunisie nous a permis d’aller chercher huit soudeurs et cinq mécaniciens», souligne le propriétaire, Joël Côté, qui a pris la relève de l’entreprise mise sur pied par son père.

L’entreprise entrevoit un investissement de quelque 400 000 $ pour construire, au plus tard en 2021, un entrepôt de 5000 pieds carrés. «Cet entrepôt libérera le plancher pour nous permettre ainsi d’augmenter la capacité de production», énonce Joël Côté.

Mathieu Poudrier, employé de Teamco lors de la mission, puis embauché, à son compte, par la suite comme consultant en ressources humaines à l’arrivée des Tunisiens, et le propriétaire Joël Côté. (Photo www.lanouvelle.net)

L’expérience tunisienne

À l’instar de nombreuses autres entreprises, Teamco se devait de trouver une solution à la problématique de la main-d’œuvre. «Ça faisait des années qu’on essayait de recruter. Et c’était difficile aussi de garder certains travailleurs qui changeaient de place pour 50 sous de l’heure», fait remarquer M. Côté.

L’entreprise a donc décidé d’aller à l’étranger pour remédier à son problème. «Quand on effectue une mission, il vaut mieux faire affaire avec une firme spécialisée pour faciliter la démarche. Ce qu’on a fait. On a reçu plus de 1000 curriculum vitae menant à quelque 200 entrevues téléphoniques. Puis on a réalisé 43 entrevues individuelles sur place», indique Mathieu Poudrier, consultant en ressources humaines.

Entre la fin d’avril et le début mai 2018, Joël Côté et Mathieu Poudrier ont effectué un séjour d’une semaine en Tunisie, une mission représentant l’aboutissement des démarches entreprises quelques mois auparavant. «Sur les lieux, on a soumis les candidats à des tests de soudure et de connaissances générales afin de choisir les meilleurs», précise le propriétaire de Teamco.

Différents facteurs ont motivé le choix de la Tunisie. «On a choisi ce pays, non seulement parce que le français constitue la deuxième langue, mais aussi en raison de leur système d’éducation qui est similaire au nôtre. De plus, leur culture, bien qu’arabe, demeure quand même pas trop éloignée de nos valeurs. Et puis, observe Mathieu Poudrier, ils manifestent une réelle volonté de s’intégrer.» Sans oublier l’intéressant bassin de main-d’œuvre. Là-bas, une seule de leurs écoles forme annuellement 500 soudeurs. «Plus que le Québec au complet, fait-il remarquer. Ça donne une possibilité de choix.»

Une fois les candidats retenus s’amorce le travail administratif, loin d’être une mince affaire. «On devait accueillir nos travailleurs en septembre (2018). Ils sont arrivés au début février (2019)», souligne Joël Côté. D’où l’importance de recourir aux services d’une firme qui s’y connaît dans la paperasse gouvernementale. «C’est qu’on n’a pas le droit à l’erreur, sinon le dossier peut se retrouver sous la pile. Et déjà que ça prend neuf mois avant le traitement complet du dossier», explique le consultant en ressources humaines.

Il revient à l’entreprise, quand tout est complété, de voir à l’accueil des travailleurs. «Nous allons les chercher à l’aéroport. On s’occupe de leur numéro d’assurance sociale et de leur carte d’assurance maladie. C’est quand même beaucoup de travail», signale M. Côté. Même que l’entreprise a acquis une maison à un peu plus d’un kilomètre de l’usine pour les loger. «Il a fallu, bien sûr, leur fournir des bottes, des manteaux… Ils arrivent avec pour tout bagage, une valise», note le consultant. Et tout un choc les attendait quand ils ont posé les pieds en sol québécois : une tempête de neige!

Teamco emploie actuellement 46 personnes, et 8 postes sont à combler. (Photo www.lanouvelle.net)

Le projet en a exigé du temps et de l’argent. Mais le jeu en valait la chandelle. «Après un an, nous sommes contents. On se tape dans les mains. Le défi est relevé. On a augmenté nos ventes de 30% en 2019. Et on envisage la même chose cette année», constate le propriétaire de Teamco. Au travail, une période d’adaptation a été nécessaire. Au chapitre de la langue, notamment. «Sur les 13 travailleurs, trois ou quatre éprouvaient plus de difficultés, au départ. Après un an, ça ne parait plus», observe Joël Côté.

Reste que l’entreprise a dû élaborer un lexique pour que tous parlent le même langage. Ainsi «un buffer» devient une rectifieuse. Un prolongateur représente une rallonge électrique. «Ce qu’on appelle un gallon à mesurer ou un «tape», il s’agit pour eux d’un mètre», a confié Mathieu Poudrier.

Toutefois, les empêcher de parler arabe entre eux a représenté, selon le dirigeant de Teamco, la plus grande difficulté. «Ils pouvaient le faire à la pause, mais pas en travaillant. Maintenant, leur français est plus fluide. Ça va mieux», avance Joël Côté, heureux de compter sur des travailleurs fiables. «Après trois mois, je pouvais dire qu’ils suivaient les autres en masse!»

Intégration réussie

Les travailleurs se sont fort bien adaptés à leur nouvel environnement. «On parle plus de travailleurs tunisiens. Ce sont des travailleurs Teamco. Il s’agit d’une grande famille», exprime Mathieu Poudrier. Ces gens n’hésitent pas à participer aux activités sociales de l’entreprise. Certains mêmes font du bénévolat, désireux de s’intégrer dans la culture.

Trois d’entre eux ont déjà fait venir auprès d’eux femmes et enfants. Deux autres ont entrepris des démarches similaires. «Ils travaillent tous pour obtenir leur citoyenneté. Ils sont devenus des Québécois», fait valoir le consultant. Fait intéressant également, Emploi-Québec finance à 100% des cours de français, même s’ils le parlent déjà, pour faciliter l’intégration des travailleurs. Pour Teamco, le résultat est tel que l’entreprise songe à répéter l’expérience l’an prochain, si elle peine toujours à recruter une main-d’œuvre locale.

L’entreprise de la rue du Parc à Warwick a célébré, l’an dernier, ses 41 ans d’existence. (Photo www.lanouvelle.net)

«Avec la croissance, indique Joël Côté, on a d’autres besoins. Mais pour une éventuelle mission, on pense à 5 travailleurs, plutôt que 13. Cela demeure un plan B parce qu’on privilégie, si possible, des travailleurs québécois, un processus moins onéreux», expose-t-il. Parce que le recours au recrutement en Tunisie a représenté, pour l’entreprise warwickoise, un coût de 10 000 $ par employé, ce qui, aujourd’hui, s’avère plus élevé. Teamco envisage donc de retourner en sol tunisien au début 2021 afin d’accueillir ses nouveaux travailleurs en 2022.

Invitation à emboîter le pas

Teamco a accepté de partager son expérience pour inciter d’autres entreprises à faire de même. Cependant, on leur conseille une chose : la patience. «C’est le mot d’ordre, a confié Mathieu Poudrier, car le processus est long, parfois frustrant, mais au final, c’est merveilleux. Nous avons recruté de très bonnes personnes, animées d’une volonté de s’intégrer, de travailler. Curieux d’apprendre, ils ont Teamco dans le cœur.»