Les Tigres, une équipe de deuxième moitié de saison?

À la barre de l’équipe depuis l’été 2016, l’entraîneur-chef Louis Robitaille a vu chacune de ses formations présenter un rendement de plus de .500 après la fin de la période des transactions. Une tendance qui trouve sa source dans la fameuse manière sur laquelle le pilote victoriavillois insiste tant et sur le repos.

Au cours des quatre saisons de l’ère Robitaille, le rendement des Tigres après la période des transactions a l’air de ceci :

* Saison en cours

Saison Fiche après la période des transactions Fiche finale Rang final Séries
2016-2017 14-10-3 35-25-8 9e 1er tour
2017-2018 23-5-0 42-20-6 6e 3e tour
2018-2019 16-11-2 30-33-5 12e 2e tour
2019-2020 7-4-2 21-23-9 12e * ?

Concernant cette tendance, l’entraîneur des Félins avance que la façon dont son équipe et lui approchent une saison pourrait expliquer cette situation à bien finir le calendrier régulier. «C’est un mélange d’un peu tout, soit la façon dont on approche les choses. Je crois beaucoup qu’en première moitié de saison, on apprend à bien connaître nos jeunes. Nous les sortons de leur zone de confort et nous sommes une équipe qui met beaucoup l’emphase sur les détails. Ça fait en sorte que les joueurs peuvent penser plus en première moitié de saison à leur positionnement ou les réactions qu’ils doivent avoir dans une situation ou une autre. Nous sommes aussi exigeants sur l’éthique de travail, mais nous apprenons vraiment à connaître nos individus. Ça nous permet de déterminer avec qui nous voulons aller à la guerre en seconde moitié de saison. C’est là que la vraie saison commence.»

Cela fait donc en sorte que les Tigres doivent casser certaines habitudes et procéder à un certain tri des éléments en place. Ça ne se fait pas toujours facilement et ça peut expliquer à un certain niveau les débuts de saison plus lents de la formation. Une fois les automatismes développés, il devient plus facile pour les joueurs de performer de la bonne façon sans trop penser. D’ailleurs, pour éviter de précipiter les choses et mettre immédiatement l’accent sur les résultats, Robitaille et le personnel d’entraîneurs séparent la saison des Tigres par phase. «En début de saison, je disais souvent que le résultat importait peu. Il y a un peu de vrai et de faux dans tout ça. Nous voulons toujours gagner, mais nous ne voulons pas déroger du plan, de l’identité et de la manière. Quand tu fais les choses de la bonne façon, le vent finit toujours par changer de côté. Quand on parle de phases, celle d’avant Noël est d’apprendre à connaître notre équipe et bâtir une identité. Là, nous sommes dans la phase 6, soit celle des 20 derniers matchs avant les séries. Là, nous voulons enclencher les choses.»

Les Tigres s’inspirent d’ailleurs d’une façon de faire de Hockey Canada pour établir leur plan de match. Au sein du programme national, il y a la phase d’entraînement pour s’entraîner, la phase d’entraînement pour performer et la phase d’entraînement pour gagner. «C’est un peu la même approche que nous avons. Si nous mettons de la pression dès le début de la saison pour gagner au détriment de la manière, je crois que nous allons nous leurrer. Le résultat peut être positif, mais la manière n’y sera pas, ce qui va finir par te rattraper. Je sais que ça peut être difficile à comprendre. Dans mon cas, il m’arrive d’être plus satisfait d’eux après une défaite que d’une victoire. Je suis un peu plus marabout dans ces cas-là, car je sais que nous avons gagné, mais que nous ne la méritions peut-être pas. C’est mon rôle d’être à cheval sur notre façon de jouer.»

L’utilisation et le repos au cœur des préoccupations

Au cours d’un mois d’activités de saison, les Tigres donnent entre huit et dix jours de repos à leurs joueurs. S’ils font ça, c’est pour s’assurer que leurs joueurs sont bien reposés évidemment, mais aussi pour qu’ils ne fassent pas une ingestion de hockey. «Cette génération a changé. Elle a besoin de temps loin de la patinoire. Les joueurs ont besoin d’avoir du plaisir et être des enfants. Il faut également connaître la réalité des jeunes qui vont à l’école ou qui sont loin de leur famille. Ils connaissent la pression, que ce soit médiatique ou interne. Avec l’aide du préparateur physique Francis Touchette, nous avons établi un plan où nous donnons souvent les mercredis en congé quand nous ne jouons pas. Ça fait en sorte que les joueurs arrivent à l’aréna le jeudi matin avec un fort enthousiasme, car ils ont hâte au match du vendredi soir», a raconté Robitaille.

Il faut également comprendre que ces jeunes patineurs sont des humains comme nous tous. En plus d’être des hockeyeurs de haut niveau et de voyager aux quatre coins de l’est du Canada, ils doivent être des élèves assidus sur les bancs d’école. Ça fait donc en sorte qu’il est difficile d’exiger d’eux un rendement optimal chaque jour de la semaine, d’où l’importance d’optimiser le repos.

«Quand tu demandes aux jeunes d’avoir une bonne pratique le mardi et le mercredi puis d’être excellent à l’entraînement le jeudi parce que tu joues vendredi, samedi et dimanche, tu demandes de performer à 100% pendant cinq jours de suite. Il n’y a pas personne dans la vie qui est capable de faire ça pendant toute cette période. Il faut aussi penser à la réalité scolaire. […] Par exemple, en janvier, nous avions donné une journée de congé le lundi, mais ils avaient de l’école de 8 h à 17 h. Ils n’ont pas eu le temps de recharger les batteries. Le lendemain, tu donnes une pratique et ensuite ils vont à l’école de 12 h à 17 h. De ce fait, de donner le mercredi de congé fait en sorte que l’enthousiasme et la passion sont au rendez-vous. Ce n’est pas une recette miracle, mais c’est celle qui fonctionne à Victoriaville.»

En point de presse, il n’est également pas rare de voir Robitaille s’attarder sur le fait qu’il a pu utiliser tous ses éléments au cours d’une rencontre. Certains entraîneurs n’hésiteront pas à surtaxer certains de leurs meilleurs éléments très tôt dans la saison afin de maximiser leurs chances de l’emporter. Robitaille ne semble pas le plus enclin à faire ça. Certes, cela peut lui jouer des tours à certains moments, mais il croit que les Tigres sont gagnants sur le long terme en optant pour une approche où tout le monde est utilisé régulièrement.

«C’est certain qu’un gars comme Mikhail Abramov va jouer 19 à 20 minutes par partie. Certains soirs, où il y a plusieurs attaques massives, il peut jouer jusqu’à 22 minutes. Cela dit, l’important pour nous, c’est d’utiliser nos quatre trios à cinq contre cinq. Nous tentons aussi de donner un rôle à tout le monde après Noël sur les unités spéciales. Par exemple, Maxime Pellerin joue régulièrement sur le 3e trio, Nicolas Daigle est plus utilisé en désavantage numérique tandis qu’un gars comme Brooklyn Kalmikov ne joue pas dans cette situation. Il y a aussi Anthony Poulin et Félix Paré qui jouent bien moins sur l’attaque massive, car nous voulons préserver leur énergie pour avoir des minutes de qualité.»

Par ailleurs, selon ce que Robitaille a avancé, les meilleurs joueurs des Tigres sont moins utilisés que leurs équivalents au sein des autres équipes, signe d’une répartition plus équitable du temps de glace.

De plus, à l’exception de l’été 2018 où Maxime Comtois, Jimmy Huntington, Félix Lauzon et Félix Boivin ont été échangés pour refaire la banque de choix, les Victoriavillois n’ont pas été dans le camp des vendeurs. Ils ont été des acheteurs agressifs une fois et dans le camp des modérés à trois reprises. Il s’agit là d’une autre partie de la réponse qui tend à expliquer le rendement des Tigres en deuxième moitié de saison depuis quatre ans.