Unis par la persévérance et la résilience

Elle avait un service de garde à la maison, lui s’impliquait comme bénévole au sein du baseball mineur. Pourtant, ils n’avaient pas d’enfant. Pour voir grandir leur famille, ils ont dû mener plusieurs combats.

Pascal Tousignant et Stéphanie Côté ont deux enfants : Mathis, 15 ans, et Alexis, 7 ans. Bâtir une famille leur semblait une voie naturelle.

L’histoire de ce clan hors norme débute en 2004, alors que le couple entame des démarches pour adopter un enfant. Ils optent pour l’adoption internationale. «Quelques années auparavant, j’avais une garderie et je m’occupais de deux petites Chinoises. Ça nous avait donné le goût d’aller vers l’adoption», résume la maman. Ils choisissent Haïti, et l’organisme qui les parraine dispose d’une ressource sur le terrain.

Le duo prépare son dossier, participe à des rencontres où on les informe de différentes réalités liées à l’adoption, comme les troubles de l’attachement et le déracinement, notamment. Déjà, en juin, ils reçoivent la photo de Mathis. Mais un coup d’État dans le pays mène à l’installation d’un nouveau pouvoir et à l’intervention de l’ONU afin de stabiliser le pays. Le resserrement des lois se traduit pour les Tousignant-Côté par une liste plus grande de critères auxquels répondre, dont celui d’être mariés depuis plus de cinq ans. Or, ils ne le sont pas. «Une personne seule pouvait adopter, si elle avait 29 ans de plus que l’enfant», raconte Pascal. Puisqu’il a justement 29 ans, alors que Stéphanie a 28 ans, ils décident que le père adoptera seul. Ils déchirent leur dossier et recommencent leur demande. Puis les documents à fournir s’accumulent. «Chaque fois qu’on faisait faire des papiers par le notaire, il fallait les faire étamper par la Chambre des notaires, puis faire approuver le tout par l’ambassade d’Haïti, à Montréal», expose Pascal Tousignant. Il se souvient de l’aller-retour et d’une course effrénée pour arriver avant la fermeture des bureaux.

À l’hiver 2005, le couple rencontre une responsable de l’organisme qui les accompagne et qui leur partage quelques détails concernant leur fils. Ils découvrent qu’il souffre de malnutrition, notamment. «Elle nous a dit qu’il était petit et mal en point. Il fallait le sortir rapidement, sinon il ne passerait pas à travers», se rappelle Stéphanie. En juillet, cela fait plus d’un an qu’ils connaissent l’identité de leur garçon. Ils apprennent qu’à la suite de certaines violences dans le pays, plusieurs Haïtiens voyagent vers leur famille au Canada. On jumelle Mathis à des voyageurs. On les informe de l’arrivée imminente de leur fils au Québec. Lorsque Pascal et Stéphanie rencontrent leur aîné, il a 13 mois et pèse 12 livres. «Lorsqu’on est retourné voir le médecin en décembre, il nous a dit qu’il avait grandi d’un an en cinq mois», de dire le père. Mathis rattrapera son retard de croissance, mais porte toujours des séquelles des difficiles conditions dans lesquelles il a vécu ses premiers mois de vie, dont des troubles d’apprentissage et de santé. Malgré tout, la famille considère ce dénouement comme heureux. Stéphanie a adopté Mathis par la suite. Le couple célèbre son mariage en 2006.

Frères

En 2009, les parents décident d’adopter à nouveau. Stéphanie s’avère fille unique et souhaite que Mathis ait un frère ou une sœur. Du côté d’Haïti, la procédure apparaît plus complexe que par le passé. Ils évaluent plusieurs pays et arrêtent leur choix sur les Philippines. On les prévient d’une attente de 18 à 20 mois. «Le temps a passé, 2012, puis 2013; aucune nouvelle. Puis ils nous ont demandé une mise à jour de notre évaluation psychosociale et nos tests médicaux, car ça faisait plus de deux ans. Alors on recommence», soupire M. Tousignant. Au moment où ils ne s’y attendent plus et qu’ils songent parfois à abandonner, le téléphone sonne. «Ça faisait cinq ans que notre dossier avait été approuvé», constate Stéphanie. En juillet 2014, on leur envoie le dossier d’Alexis, qui a 2 ans. Pris en charge par l’État, différents détails juridiques empêchaient son adoption jusqu’alors. Puis plusieurs questions administratives retardent l’accueil. Il faudra l’intervention d’une attachée politique du député fédéral pour faire bouger les choses. Ce n’est qu’en décembre, quelques jours avant Noël, qu’ils obtiennent le feu vert. «Je me souviendrai toujours de l’appel, le 19 décembre, pour me dire que tout était prêt», rapporte Pascal. Malgré qu’on les avise que le centre jeunesse pourrait prendre congé pour les Fêtes, les Tousignant-Côté n’y tiennent plus. Ils achètent leurs billets d’avion.

Le 26 décembre, ils rencontrent Alexis pour la première fois. Cette expérience s’avère tout autre que la première. Ils disposent du cheminement détaillé de leur garçon, même des heures et des dates où on lui a administré de l’acétaminophène. Et des raisons. Il découvre également que le tout-petit, qui vit dans cet orphelinat depuis un moment, en est littéralement le «chouchou». Il y règne en maître et roi. «Il pouvait aller chercher des bonbons dans le bureau de la directrice et prendre le iPad de la travailleuse sociale», exemplifie le père. Alexis ne veut pas quitter son foyer et le voyage jusqu’au Canada paraît difficile. «Mais on est tellement préparé, par des conférences et des rencontres. On ne le prend pas personnel. On prend un congé et on s’attache», témoigne Stéphanie.

À peine quelques jours après son arrivée au Québec, Alexis chausse des patins pour rejoindre son frère sur la patinoire derrière la maison familiale. «Un manteau, une tuque, il n’avait jamais connu ça. En arrivant chez nous, il s’en est allé à la fenêtre et il disait : plane. Il voulait retourner en avion. L’adaptation a été difficile.» Mais quand le garçon réussit à faire comprendre à ses parents son désir de gagner la glace, malgré son jeune âge, ils ont succombé. «Je ne voulais pas l’aider, car c’était trop tôt. Il était entêté. Après une heure, il se tenait debout, a trouvé son point d’équilibre et se tenait en «V». Il voyait les plus grands et tentait de faire pareil. Il voulait déjà faire comme son grand frère.»

Apprendre

«Les hauts, les bas et l’adrénaline, ça m’a rendue plus forte. Je subis des petites épreuves banales, j’entends des commentaires, des jugements, et je me dis : il n’y a rien là», constate la maman. Mathis doit vivre avec différentes affections, dont l’anémie falciforme. Les suivis médicaux ponctuent le quotidien, de même que les restrictions physiques. Alexis présente une bonne santé, mais sa sociabilité sans borne cache un trouble de l’attachement, un besoin d’attention.

Il n’en reste pas moins que Mathis apparaît si calme face à toute situation que ses parents apprennent de son tempérament. Tandis que leur bébé les conduit vers de nouvelles aventures. L’aîné joue toujours au baseball, tandis que le benjamin se démène sur la glace, au hockey. Pascal et Stéphanie se voient comme des parents ordinaires. Bien entendu, ils répondent souvent à des questions inhabituelles. Leur parcours, ils ne le regrettent en rien. Parfois, le choix d’abandonner les a titillés. Néanmoins, tous les événements forts en émotions qu’ils ont dû traverser leur semblent aujourd’hui les plus beaux.