«Manny a souffert et il m’a souvent demandé s’il allait mourir»

Manny Turgeon, aujourd’hui âgé de 11 ans, n’a pas eu la même enfance que celle dont a bénéficié ses amis ou ses collègues de classe. Atteint d’une rare maladie du rein, soit la Glomerulosclerose focale et segmentale, il a fait preuve d’énormément de courage et de détermination, ce qui l’a conduit à une greffe du rein après avoir vécu sans rein pendant plus de trois ans.

«J’ai toujours eu du courage, même si j’étais un peu moins conscient de ma maladie que je le suis aujourd’hui. La dialyse, c’était long et plate, parce que j’étais toujours branché sur ma machine. J’étais comme un robot qui rechargeait ses batteries la nuit», témoigne-t-il.

«Je veux dire aux gens de ne jamais lâcher et de toujours persévérer. Je veux leur dire que même si parfois on ne veut pas le faire, on est obligé pour notre bien et pour ceux qui nous aiment. Il faut toujours continuer et il y a toujours de belles choses qui vont vous revenir par la suite.»

L’histoire de Manny s’est amorcée à l’âge de 3 ans.

«On avait une petite fermette à Lyster et, pendant la période des Fêtes, Manny a eu une grosse grippe. On lui avait prescrit des antibiotiques et des pompes, mais ça ne fonctionnait pas. Il avait 3 ans et il ne bougeait pas. Il avait enflé beaucoup. On nous a ensuite envoyés en pédiatrie et ils ont décelé une insuffisance rénale. Un enfant sur 1000 développe ça dans sa vie, entre 2 et 10 ans», explique Christine Montour, la mère de Manny.

«Les médicaments ne fonctionnaient pas. En avril, j’ai demandé que Manny soit transféré à Sainte-Justine et on me disait que non, qu’il n’y avait pas de problème parce qu’ils étaient en contact avec des spécialistes. En mai, Manny s’est réveillé avec un point rouge dans le bas du dos. Il était enflé et il avait mal partout. Ils ont fait des tests et il criait beaucoup. Parfois, il n’était même pas conscient, alors il est monté à Montréal. Il a passé beaucoup de tests et on a su qu’il avait une maladie dégénérative aux reins et qu’il avait peu chance de s’en sortir.»

Ladite maladie avait pour principale mission de détruire ses reins et avec la bonne médication, Manny aurait pu se rendre à 30 ou 40 ans avant que ses reins ne fonctionnent plus du tout. Or, ce fut bref avant que le jeune garçon ne rechute.

«Les médicaments ne fonctionnaient pas et il n’allait pas mieux. Il essayait d’être fort, mais il était tanné. Il n’avait que 4 ans et me demandait déjà ce qui allait lui arriver. Il a ensuite attrapé une autre maladie très rare pour l’humain. Comme il n’avait plus de système immunitaire, ses reins se sont dégradés très rapidement», se souvient-elle.

«La plupart du temps, ils laissent les reins là, mais dans le cas de Manny, ils les lui ont enlevés pour qu’il puisse entrer sur la liste des donneurs. Notre famille a fait des tests pour pouvoir lui donner un rein, mais on n’était pas compatible. On est donc tombé sur la dialyse. On a choisi de la faire à la maison et nous avons reçu une formation. On a déménagé à Pointe-du-Lac (d’où elle est originaire), proche de la famille, pour avoir de l’aide. Il était connecté à une grosse machine à roulettes, de 18 h à 6 h. Il la trainait partout dans la maison.»

À 5 ans, le jeune Manny n’avait donc plus de rein. Son corps dépendait désormais de la technologie. Il dépendait de cette machine qui pouvait sonner de trois à cinq fois par nuit pendant trois ans.

Les faux espoirs

Son nom grimpant sur la liste d’attente en vue d’une éventuelle greffe du rein, c’est en 2017 que la famille Turgeon a reçu l’appel tant attendu.

«On a reçu l’appel le 23 février. Mon conjoint (Denis Turgeon) avait fini de travailler plus tôt. C’était dur parce que rendu là, le corps à Manny ne suivait plus. Son sang était trop sale et il manquait beaucoup de jours d’école parce qu’il était trop faible. On a pris la route. Manny était en colère dans l’auto et il ne voulait plus. Il avait eu une dizaine d’opérations. Il était à bout. En tant que parent, on en vient à se questionner parce qu’on sait qu’il y a des chances qu’il ne ressorte pas de la salle d’opération», raconte-t-elle.

«On avait eu des appels avant. Chaque fois, ton cœur bat à toute vitesse. Un soir, on a eu un appel et les valises étaient prêtes, car on n’a jamais un grand délai. Manny avait le rhume et le rein a été offert à une autre enfant parce qu’il faut que l’enfant soit à 100%. On a eu un autre appel où un rein s’en venait. On s’est préparé et on a reçu l’appel, 30 minutes plus tard, disant que le rein ne lui ferait pas. Ce sont des deuils à chaque fois, et cette fois-là, je me suis effondrée dans l’entrée.»

En direct de l’Hôpital de Montréal pour enfants, le chirurgien prend le temps d’expliquer toute la procédure aux parents et, surtout, les risques de l’opération.

«On est impuissant et on le voit entrer dans la salle d’opération. La civière entre et nous, on reste derrière les portes battantes. On a essayé de dormir, mais on n’a pas été capable, témoigne la maman. On demeure sans nouvelles pendant l’opération. Il est passé six heures sur la table d’opération avant de se réveiller aux soins intensifs puisque c’est la procédure.»

«Tout s’est bien passé. C’est dur les soins intensifs. Il y a plusieurs enfants qui ne vont pas bien et Manny était collecté de partout. On était assis près de lui et tout d’un coup, j’ai vu du liquide jaune descendre le long d’un des fils. C’était son pipi! J’étais tellement heureuse parce que Manny n’avait pas uriné depuis trois ans. Le rein fonctionnait!»

Un long processus de rétablissement allait ensuite suivre. Manny a été placé dans un appartement, accompagné d’un seul parent, sans possibilité de sortir. Les sorties ont suivi dans les semaines suivantes, de façon progressive, jusqu’à ce que le retour à la maison soit permis. Mais qui dit greffe ne veut pas pour autant signifier retour à la normale.

«Lorsqu’on reçoit une greffe de rein, le corps est porté à le rejeter. Le corps ne l’acceptera jamais comparativement à une greffe du foie. Il existe trois niveaux de rejets. Manny a eu un rejet aigu et il doit prendre des médicaments qui endorment son système immunitaire à vie. Alors dès qu’il y a un microbe ou un virus dans l’air, il l’attrape. Une simple varicelle ou une mononucléose pourrait même le tuer.»

Le courage de Manny

Manny n’a peut-être pas eu cette enfance où l’on joue dehors jusqu’aux «les enfants venez souper» et où s’amuser se veut notre principale motivation. Il n’a pas droit à cette enfance naïve où les rires et le plaisir forment notre quotidien.

«Manny a toujours voulu s’en sortir. Depuis qu’il était tout petit, il décorait sa chambre d’hôpital, il saluait tout le monde dans le corridor et il allait dans les autres chambres saluer les autres enfants. Il était adoré des infirmières, tandis que moi, j’étais une maman très difficile parce que je pose beaucoup de questions», concède-t-elle.

«Manny a souffert. Il m’a souvent demandé s’il allait mourir. Un jour, il m’a dit : «Maman, ça fait tellement mal que je pense que ce serait mieux que je sois mort». Des gens me disaient que Manny n’allait pas s’en sortir et qu’il serait mieux mort. Ils me disaient qu’il n’y avait rien à faire et me demandaient pour quoi on faisait tout ça. On est resté positif. Je me suis toujours dit que Manny avait tout à vivre ça, alors j’allais être assez forte pour le suivre.»

Aujourd’hui, le jeune homme profite de chaque moment. Il voulait un chien, il a eu son chien. Il voulait un motocross, il a eu son motocross. Il peut faire du vélo et du snowboard, où il a déniché quatre diplômes, et il peut enfin coucher chez des amis. Il a retrouvé le goût des aliments que la dialyse lui avait volé.

«Il y a des journées où ça va bien, et d’autres journées ou semaines où ça va moins bien. Il fait beaucoup de tests, souvent. La durée de vie du rein a été évaluée à 20 ou 25 ans, selon sa santé. Il n’a jamais perdu d’année scolaire, mais il étudie et travaille énormément pour reprendre des notions qui lui ont échappé.»

«Si Manny est vivant avec nous, c’est grâce à tout le monde autour de nous. On n’aurait pas pu se rendre là sans l’aide de tous ceux qui nous entourent, sans oublier les médecins et les infirmières», conclut-elle.