De hockeyeuse à cycliste professionnelle : le parcours atypique de Marie-Soleil Blais

Ancienne joueuse de l’équipe féminine de hockey des Aigles bleus de l’Université de Moncton,  Marie-Soleil Blais ne semblait pas destinée à connaître une carrière dans le monde du cyclisme. C’est pourtant ce qui est arrivé alors que la native de Saint-Rosaire sillonne aujourd’hui les routes de l’Europe afin de prendre part à de prestigieuses compétitions.

Malheureusement pour elle, des blessures répétitives à l’épaule et à la cheville l’ont forcé à reconsidérer le sport qu’elle voulait pratiquer. En effet, au cours de sa carrière, Blais a notamment vu son épaule subir plus de 25 dislocations. Elle avait même de la difficulté à finir ses rencontres sans se disloquer l’épaule. Une blessure à la cheville l’a également tenaillée à plusieurs reprises. «Le hockey était vraiment une grande partie de ma vie, même que je me demandais comment elle serait sans ce sport. J’ai joué pendant presque 20 ans jusqu’aux rangs universitaires et j’ai même joué quelques matchs dans la NWHL», s’est remémoré la sympathique athlète.

Heureusement pour elle, le vélo a toujours fait partie de sa vie. «Je voyais ça comme une façon de m’entraîner, mais aussi de voyager. Moi, je rêvais de voyager à vélo plus tard. À un moment, un de mes entraîneurs a remarqué que j’étais toujours sur un vélo et il m’a dit que je devrais être cycliste. J’avais 15 ans à l’époque. Au même moment, j’étais recrutée par un entraîneur au niveau collégial (Cégep Édouard-Montpetit). J’ai choisi d’aller vers le hockey, mais les blessures m’ont finalement ramenée vers le vélo. C’est pendant le Tour de France que j’ai eu le déclic. Je voulais être sur mon vélo tout le temps. Ça s’est fait naturellement.»

Du travail pour arriver jusqu’au plus haut niveau

En commençant à 23 ans sa carrière cycliste de façon plus sérieuse, la coureuse des Bois-Francs avait donc inévitablement un grand saut à faire afin de rattraper celles qui œuvraient dans le milieu depuis tant d’années. «C’était difficile, car il y a plusieurs programmes de développement qui sont pour les moins de 23 ans et auxquels je n’ai jamais eu accès. Ça a pris du temps avant que j’attire l’attention des fédérations. Je n’ai pas été sur le radar pendant longtemps. Je me suis démenée toute seule. Mon chemin s’est fait en forçant. C’était la passion qui me poussait. Je l’ai fait parce que j’aimais ça. Si tu n’aimes pas ça, c’est vrai que c’était un peu un paquet de troubles», a-t-elle expliqué.

Le circuit World Tour et de beaux objectifs

Son acharnement lui a finalement ouvert la voie vers l’élite mondiale alors que pas plus tard que l’an dernier, elle s’est engagée pour une année avec la prestigieuse équipe Astana qui évolue au niveau World Tour. Présentement classée comme quatrième meilleure coureuse au Canada derrière Leah Kirchmann, Karol-Ann Canuel et Alison Jackson, la Rosaroise entretient de beaux objectifs pour la suite de sa carrière. Blais compte jusqu’à maintenant à son palmarès neuf titres de championne québécoise sur route, sur contre-la-montre et sur piste. Elle a également pris part au volet féminin de prestigieuses courses comme le Tour des Flandres, la Flèche Wallone, Liège-Bastogne-Liège de même que les Championnats du monde. «C’était probablement la plus grande étape que je pouvais faire (atteindre le niveau World Tour avec Astana). Pour être réaliste, je ne serai probablement pas championne du monde. Les Jeux olympiques? Oui, j’y rêve, mais c’est plus compliqué que ce qu’on peut penser. […] La Flèche Wallone, ironiquement, c’est la première course que j’ai connue grâce au film de La petite reine (film qui s’inspire de l’histoire de Geneviève Jeanson). J’ai également fait quatre classiques du printemps l’an dernier. J’étais même dans l’échappée à la Flèche Wallone. C’était vraiment super.»

Malheureusement, Blais n’a pas vu son contrat être renouvelé par l’équipe kazakh au terme de la saison 2019, ce qui l’a amenée à s’entendre avec Cogeas Mettler Pro Cycling Team pour la campagne 2020. «J’étais déçue de ne pas signer une prolongation de contrat avec Astana, mais Cogeas a vraiment un calendrier intéressant. C’est une équipe classée dans le top 15, donc elle a une structure similaire à celle d’Astana. Leur calendrier va peut-être me permettre de me développer encore plus. Je suis encore au début de ma carrière en Europe, donc c’est important pour moi de prendre de l’expérience en étant sur les grandes courses. L’entrée garantie sur les épreuves du circuit World Tour était super intéressante, tout comme le fait que l’équipe parle majoritairement français et anglais. Il y avait clairement une barrière de la langue avec Astana, mais ça a été une belle expérience malgré tout.»

D’ici quelques semaines, Blais prendra la direction de l’Europe afin de prendre part à un camp en sol espagnol pour un mois. «On va commencer avec les classiques belges par la suite, soit le Tour des Flandres, l’Amstel Gold Race, etc. Après ça, nous allons revenir pour un bloc de courses aux États-Unis. Par la suite, une des courses que j’aimerais faire, c’est La course by Le Tour de France. C’est la course féminine qui se passe durant le Tour de France. Elle est à mon calendrier. J’espère qu’elle va y rester. J’aimerais aussi participer aux Championnats du monde à nouveau afin de m’établir tranquillement pour les Jeux olympiques de 2024.»

Un bagage différent grâce au hockey

Grâce à ses 20 années en tant que hockeyeuse, Marie-Soleil Blais a su développer des aptitudes qui ne sont pas nécessairement légions dans le monde du cyclisme. «Mon bagage est très différent de celui des autres. Au hockey, c’est très anaérobique. Nous travaillons dans les filières énergétiques très rapides. Quand j’ai fait des tests physiques en cyclisme, j’avais une énorme marge à combler pour l’endurance en aérobie. J’étais bonne pour 45 minutes ou une heure, mais pour les courses de trois heures, il y avait une marge. […] Ce qui est également intéressant, c’est que mon bagage hockey est toujours là. Quand c’est vraiment intense, c’est là ma force. J’ai une capacité anaérobique que les cyclistes n’ont pas. C’est dû à 20 ans de hockey», a-t-elle fait valoir.

Cependant, elle a dû travailler d’arrache-pied pour s’adapter au niveau des meilleures coureuses au monde. En effet, à ses premiers pas, elle ne semblait pas avoir les capacités physiques pour suivre la cadence sur les grandes courses. «En 2015, ça faisait quand même quelques années que je faisais du vélo plus sérieusement, j’ai fait un test physique et c’était clair que je n’avais pas ce qu’il fallait pour être une professionnelle. L’entraîneur que j’ai aujourd’hui m’a dit que je n’avais pas le moteur pour couvrir la demande du niveau professionnel. Il m’avait dit de ne pas quitter mon emploi. Mes chiffres se sont finalement énormément améliorés. J’ai travaillé à l’entraînement. Mon talent a été de transformer mon corps de hockeyeuse à celui de cycliste.»