4000 km de marche pour la prévention du suicide

À compter du 29 février, l’ancien combattant du Ultimate fighting championship (UFC), Jonathan Goulet, amorcera un périple de 4000 km qui le mènera de Montréal à St. John’s, tout ça pour la prévention du suicide et pour démontrer les bienfaits de l’activité physique.

«Cette idée m’est venue lors d’un voyage avec ma famille. À mes 40 ans, je toussais comme ça ne se pouvait pas. Ma santé était douteuse. Tous les jours, j’ai fait du camping et après cinq jours, j’ai arrêté de tousser. Ma santé allait mieux. C’est là que j’ai décidé d’entrer en contact avec Mathieu Hébert des Primitifs, lui qui entraîne les gens pour survivre en forêt. […] J’ai fait énormément de recherches sur moi-même pour comprendre pourquoi j’étais aussi bien comparativement à avant. J’ai donc décidé de lancer un message à la population afin de leur dire que l’activité physique aide énormément. Ça ne règle pas tous les problèmes, mais ça peut prévenir la dépression», a fait valoir le Victoriavillois d’origine.

Si l’homme de 40 ans est aussi sensible à la cause de la prévention du suicide, c’est qu’il a lui-même passé à un cheveu de commettre l’irréparable il y a de cela quelques années. À l’époque, Goulet était monté dans une grue dans le quartier Griffintown à Montréal. Une pensée pour sa fille l’avait cependant convaincu de redescendre par où il était monté. «J’ai vécu la dépression pendant plusieurs années vers la fin de ma carrière de combattant. J’ai passé près de me suicider. Je voulais juste arrêter de souffrir et sauter en bas. J’ai décidé de ne pas le faire. Aujourd’hui, j’ai 40 ans et ça fait 34 ans que mon père est décédé (cancer). Je le pleure encore aujourd’hui. Je me suis donc dit que je ne pouvais pas faire ça à ma fille. Si je lui fais ça, elle va pleurer son père toute sa vie. Je suis donc redescendu de la grue et énormément de choses se sont produites par la suite.»

Si Jonathan Goulet a su renoncer à commettre l’irréparable, l’un de ses meilleurs amis est passé à l’acte pas plus tard que l’an dernier. «Il habitait à Hamilton (Ontario). J’ai eu beau le motiver à faire de l’exercice et de l’entraînement pour être mieux dans sa peau, mais il n’a pas été en mesure de remonter la pente. Je ne pouvais pas me déplacer pour lui botter le derrière. Je me suis dit à partir de ce moment que la route des guerriers commencerait, que je ne perdrais plus jamais un ami à cause de la dépression.»

Touché de très près par cette cause, il est bien placé pour savoir qu’à un certain moment, les pensées noires envahissent l’esprit, ce qui peut pousser à ne plus avoir le goût de vivre. Il juge cependant que cette option ne devrait en aucun cas être envisagée. «Premièrement, il faut enlever de nos têtes que le suicide est une option, car on transmet le mal à notre famille, à nos amis. Il faut garder en tête que la vie est vraiment belle. J’aurais aimé avoir les yeux que j’ai aujourd’hui lorsque j’étais un combattant professionnel pour pouvoir l’apprécier. Ça fait beaucoup plus longtemps que je vivais dans la dépression, mais je réussissais à l’oublier grâce à ma carrière professionnelle. La première chose à faire (quand on a des pensées suicidaires), c’est d’appeler, car il y a des numéros pour ça. Il faut en parler. […] Les gens ne veulent pas nécessairement mourir. Ils sont écœurés de souffrir. En consultant et en voyant des spécialistes, tu peux t’en sortir. C’est un combat que j’ai accepté pour le restant de mes jours. J’ai accepté de me battre pour être heureux et de transmettre ce message aux autres.»

Des sportifs parfois à risque

Au cours des dernières années, bon nombre de sportifs se sont enlevé la vie. Il suffit de penser aux hockeyeurs Rick Rypien et Wade Belak, aux joueurs de football Junior Seau, Terry Long et Dave Duerson ou encore au joueur de baseball Ryan Freel. Certes, certains d’entre eux se sont suicidés en raison des complications liées à leurs nombreuses commotions cérébrales, mais certains vivent également mal avec leur retraite, ce qui les plonge dans une spirale négative sur le plan émotionnel. «Les professionnels de haut niveau s’entraînent excessivement fort. Notre cerveau est rempli de neurotransmetteurs. Par exemple, en s’entraînant trois fois par semaine à un niveau pas trop élevé, ça sécrète de la sérotonine, un composant chimique qui nous aide à être plus heureux. Plus tu y vas intensément, plus tu as de la chance d’avoir de la dopamine.  Ça fait en sorte que plus tu t’entraînes, plus tu veux t’entraîner. C’est comme si on devenait des toxicomanes de l’entraînement.»

Ainsi, quand l’heure de la retraite sonne, le choc est brutal pour le corps d’un athlète. «Quand tu arrêtes de t’entraîner, ton corps arrête d’en sécréter. C’est à ce moment que tu deviens moins bien, plus colérique. Tu finis par ne pas aimer ta vie et te demander pourquoi tu es là, car avant, tu avais un but. Une fois que ta carrière est terminée, quel est ton but? Ça nous prend des buts dans la vie. Il faut donc en trouver un nouveau pour avancer. Il faut donc continuer de bouger, de s’entraîner», a expliqué Jonathan Goulet.

Une grosse épreuve à venir

Quand on regarde le défi qui attend le combattant, on se doute que ce sera tout sauf facile. Selon ses calculs, il en aura pour huit mois à marcher les 4000 km qui l’amèneront à St. John’s. «J’ai calculé 258 jours de périple. Ça correspond à huit mois et 13 jours. Je suis très nerveux à l’idée de faire ça. Je suis fébrile en fait, car j’ai hâte de partir. La raison qui fait que je suis nerveux, c’est que je ne m’attendais pas à ce que ça devienne aussi gros et qu’autant de médias veulent me contacter à cause de ce projet fou! Je suis super heureux, car je veux que les gens en parlent. Je n’ai toutefois plus le choix d’avancer.»

En effet, de nombreux médias se sont emparés de cette histoire afin de parler du défi fort impressionnant qu’il veut accomplir, seul. «Si des gens veulent me rejoindre à des endroits stratégiques, qu’ils le fassent. Tant qu’ils sont tranquilles et qu’ils respectent la nature, ça ne me dérange pas.»

Évidemment, une aventure qui s’échelonne sur autant de temps demande assurément une grande compréhension de la conjointe. Par chance pour Jonathan Goulet, celle qui partage sa vie est dans l’armée, ce qui fait en sorte qu’elle n’est pas étrangère aux longues absences. «Elle est sergente dans l’armée dans le domaine de la médecine. Elle est habituée de partir longtemps. Elle part habituellement pour six mois, mais moi, ce sera pour huit mois. Il est certain que nous allons nous rejoindre à certains endroits.»

Le 6 février, l’ancien combattant de la UFC donnera une conférence dans le cadre du souper annuel de la campagne de financement du Centre de prévention suicide Arthabaska-Érable. La population pourra se procurer des billets en ligne à www.lepointdevente.com/billets/cpsae-act-ben.