Ouvrir les portes de sa famille, par amour

Sa mère a une famille d’accueil. Audrey Laprise y a grandi et n’envisageait pas de prendre cette voie. Pourtant, lorsqu’elle accouche de son premier enfant, il y a neuf ans, quelque chose a changé. «Quand j’ai pris ma fille dans mes bras, j’ai réalisé que beaucoup d’enfants ne vivaient pas de tels instants d’amour.» Elle et son conjoint, James Simoneau, amorçaient une nouvelle vie.

«J’avais partagé beaucoup étant enfant, et je me disais que je voulais ma famille à moi», se souvient-elle. Mais la naissance de son aînée, en 2011, change la donne. «J’ai compris tout ce que ma mère avait fait.»

Sachant ce que comporte le fait de devenir une famille d’accueil, le couple décide de s’engager dans un long processus. En août 2016, on lui confie un premier enfant. Le petit de 3 ans devrait y demeurer jusqu’à ses 18 ans.

Aujourd’hui, la famille compte trois filles biologiques et quatre enfants accueillis.

Même si elle a étudié en cuisine, Audrey a toujours su qu’une fois mère, elle resterait à la maison pour voir grandir ses enfants. James Simoneau travaille dans l’entreprise familiale, ce qui lui assure une flexibilité d’horaire. Parce qu’avec sept gamins, le temps constitue une denrée précieuse. «Quand un nouvel enfant arrive, je diminue mes heures pour faciliter l’adaptation. On avait le set-up de vie et tout ce qu’il fallait dans notre tête pour dire qu’on pouvait aider d’autres enfants», explique James.

Le droit d’aimer

Lorsqu’un enfant se voit confié à une famille d’accueil par un établissement public, la durée de l’hébergement peut varier selon le jugement de la cour. Et la décision peut être révisée au gré des améliorations apportées à son milieu d’origine.

Des frères et sœurs peuvent se retrouver dans différents foyers en attente de celui qui acceptera de les accueillir tous deux. Un jeune peut être placé d’urgence à cause de problèmes familiaux puis retourner chez lui une fois la tempête passée. Aussi, les familles d’accueil ont la liberté de préciser quel profil correspond le mieux à la maisonnée, exposent les deux parents.

Puisque le couple de Warwick a de jeunes enfants, ils préfèrent s’occuper des tout-petits pour le moment, ce qui changera au fil du temps, à l’instar de l’évolution des membres du clan. Ils privilégient aussi des hébergements à long terme, se sentant plus efficaces avec ce genre de plan de vie.

Les enfants qui atterrissent dans une famille d’accueil portent tous un passé trouble. On ne retire pas un enfant de la garde de ses parents par plaisir. Conséquemment, dans bien des cas, les petits présentent différentes affectations. Les troubles de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH), les problèmes de motricité et les retards de langage sont légion. Les visites chez l’orthopédagogue, l’orthophoniste, le physiothérapeute et l’ergothérapeute, entre autres, s’inscrivent au calendrier.

Pour la famille, la bonne entente avec les parents biologiques reste essentielle. «Si le parent a de la gratitude envers ce qu’on fait, ça se passe toujours mieux», mentionne James. Faire découvrir leur milieu de vie aux parents favorise leur approbation, ce qui apparait bénéfique pour l’enfant, qui se sent moins coupable. «Un enfant aime toujours ses parents. Mais ils s’attachent à nous, comme nous nous attachons à eux. Comment une personne peut-elle devenir un repère pour lui, sans avoir l’impression d’abandonner sa maman, par exemple?», soulève Audrey à propos du conflit d’attachement vécu par ces enfants. «Il faut leur donner le droit d’avoir deux points d’ancrage dans la vie.»

Tous égaux

Chez les Simoneau-Laprise, tous les enfants ont droit aux mêmes privilèges, dans la mesure où les règles l’autorisent. «Sans être leurs parents, on fait en sorte qu’ils sentent qu’ils font partie de la famille», soutient le père.

Leurs filles l’ont bien compris, et font des concessions. D’ailleurs, on les trouve admirables. «Elles ne font pas de différences entre les uns et les autres. Lorsqu’elles en parlent, à l’école par exemple, ce sont leurs frères et sœurs», raconte leur mère.

Six des sept enfants, les plus grands, suivent présentement des cours de danse. «On a deux spectacles à Noël et à la fin d’année. C’est la même chose l’été avec le soccer. C’est super simple. On y va, tout le monde ensemble. Ceux qui sont trop petits pour jouer vont au parc à côté», rapporte le couple.

Pour l’argent?

James Simoneau consent que le soutien financier reçu pour accueillir ces enfants est suffisant pour en faire une vocation. «Tu peux en vivre. Par contre, en retirer des bénéfices, je ne pense pas.» Pour Audrey, le don entier de soi que cette voie exige laisse très peu de place pour des personnes malintentionnées. Surtout que pour devenir des parents d’accueil, il faut montrer patte blanche, rendre des comptes et se soumettre à un tas de règles tout en ayant peu de droits sur les enfants hébergés, même pas de les amener chez le coiffeur. Les autorisations à obtenir au quotidien s’avèrent multiples. En outre, il faut prévoir les sacrifices personnels et accepter de se faire évaluer constamment. «Ça peut faire peur à beaucoup de monde.»

Enfin, pour que la cohabitation fonctionne, l’organisation de la maison doit être réfléchie dans les moindres détails. Le couple a dû acquérir un minibus pour 15 passagers afin de tout faire de concert.

«On leur donne beaucoup, mais on reçoit beaucoup d’eux. Ils nous apprennent toutes sortes de choses, mais c’est difficile d’en parler sans pleurer», conclut la maman.