Chiens détecteurs de drogue : «une fausse bonne idée»

Au cours des dernières semaines, certains établissements scolaires ont annoncé faire appel à des chiens détecteurs de drogue afin de s’assurer que leurs installations étaient exemptes de substances illicites. Bien qu’il puisse s’agir d’une mesure intéressante à première vue, il s’agit en fait d’une «fausse bonne idée» en ce qui concerne Action Toxicomanie.

L’argumentaire de l’organisme qui lutte contre les dépendances chez les jeunes depuis près de 30 ans est bien étoffé. Il se base sur l’expertise et les travaux de plusieurs réputés chercheurs d’universités québécoises, dont Jean-Sébastien Fallu, professeur en psychoéducation à l’Université de Montréal, spécialisé dans les études sur les dépendances.

M. Fallu explique qu’en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, les établissements scolaires se doivent d’annoncer la venue d’un chien détecteur de drogues avant sa venue. Ce qui fait en sorte que les contrevenants ont amplement le loisir de laisser leurs substances illicites à la maison ou dans un autre endroit, plutôt qu’à l’école.

«Dans les faits, ceux qui se font prendre sont généralement des personnes démunies et fragiles. Ceci a pour effet de creuser davantage les inégalités entre elles et les autres élèves. On peut penser à première vue qu’il s’agit d’une bonne idée, mais c’est une fausse bonne idée», explique M. Fallu.

Son point de vue est bien documenté par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances qui étend son raisonnement à l’ensemble des mesures visant exclusivement la répression.

«Il est de pratique relativement courante que les directions d’écoles collaborent avec les services policiers afin de réprimer la consommation et le trafic de drogues au sein des institutions scolaires. (…) Ces interventions répressives visent d’abord à fournir un message de non-tolérance aux élèves et à réconforter les parents sur l’attitude de la direction envers la drogue. Si la collaboration avec les services policiers permet en général d’atteindre ces objectifs, bien peu de trafiquants ou de consommateurs sont ainsi arrêtés», écrit-on au sein de l’ouvrage Plein feu sur les jeunes.

Le professeur Fallu va plus loin en affirmant que le recours à des chiens détecteurs de drogue peut être dangereux pour les élèves. Il est arrivé que des jeunes pris au dépourvu consomment rapidement la totalité des drogues en leur possession ou les placent dans leur rectum ou leur vagin afin de tenter de les camoufler. Ces pratiques dangereuses provoquent régulièrement des overdoses.

«Le recours à des chiens détecteurs de drogue peut être utile pour une journée ou deux et crée un faux sentiment de sécurité chez les parents, il a toutefois pour effet pervers de briser le climat de confiance avec les jeunes, un aspect qui est super important, je dirais même primordial. Au final, ça n’amène rien de positif», conclut-il.

La clé : la prévention

Le recours à des chiens pisteurs peut coûter jusqu’à 17 000 $ pour une seule journée, ce qui représente plusieurs mois de salaire d’une intervenante en dépendance spécialisée.

Or, il est bien documenté que l’adoption d’une seule stratégie de prévention des dépendances, sur une période de temps aussi limitée, ne peut donner de résultats probants. Les chercheures Myriam Laventure, Krystel Boisvert et Thérèse Besnard en viennent d’ailleurs à cette conclusion au sein de leur ouvrage Programmes de prévention universelle et ciblée de la toxicomanie à l’adolescence : recension des facteurs prédictifs de l’efficacité.

«Les programmes de prévention des dépendances auprès des adolescents devraient s’étendre sur une période d’au moins dix semaines, et ce, de façon hebdomadaire, cibler les périodes de transition et prévoir des séances de suivi pour le maintien des acquis», concluent-elles.

Action Toxicomanie, la solution au Centre-du-Québec

Action Toxicomanie intervient directement sur le terrain, où se trouvent les jeunes, afin de promouvoir la santé et de prévenir les problèmes de dépendance. Le programme d’Action Toxicomanie est offert à tous les élèves âgés de 10 à 18 ans, de la cinquième année du primaire, à la fin des études secondaires. L’objectif de ce programme vise à développer des connaissances générales en lien avec la toxicomanie ainsi qu’à développer de saines habitudes de vie.

«Nos éducateurs en prévention des dépendances sont formés pour repérer rapidement les jeunes en difficulté, pour intervenir auprès d’eux et pour prévenir ainsi l’émergence de problèmes de dépendance», termine la directrice générale d’Action Toxicomanie, Julie Berger.