Fermeture de Roland Boulanger : des travailleurs témoignent

La fermeture d’un fleuron warwickois, l’entreprise Roland Boulanger, ne surprend pas certains travailleurs qui, en quelque sorte, ont vu venir le coup.

«L’entreprise était en restructuration. Deux semaines avant l’arrêt des activités, une machine provenant de Saint-Ferréol-les-Neiges avait été installée. Environ une semaine plus tard, un vendredi après-midi, ils ont décidé de la sortir. Je pense qu’ils savaient que la soupe chaude s’en venait», souligne, en entrevue téléphonique, un travailleur de plus d’une vingtaine d’années d’expérience et contremaître depuis quelques années.

«Ce qui est fait est fait», note-t-il avec philosophie.

Alors que les médias ont beaucoup parlé de la perte de volume attribuable aux contrats que l’entreprise avait avec RONA, le travailleur non syndiqué, qui souhaite garder l’anonymat, croit aussi qu’une mauvaise gestion peut avoir joué dans la présente situation.

L’homme déplore que les employés non syndiqués soient laissés à eux-mêmes et qu’ils n’aient pu obtenir le remboursement des sommes dues. «On a su à 16 h le mercredi que c’était fini, qu’on ne serait pas payé. Ils nous ont dit : chacun pour soi, relate-t-il. Et on nous a remis une lettre de mise à pied temporaire et un papier pour le PPS, le programme de protection des salariés pour nous faire rembourser une partie de ce qu’ils nous doivent. Ce n’est qu’une lettre d’information. À nous d’entreprendre les démarches et de se débrouiller.»

Une dizaine d’employés non syndiqués ont formé un groupement. «Ça reste que c’est difficile pour tout le monde. Plusieurs, qui approchent la soixantaine, sont entrés ici à 16 ans et n’ont pas de scolarité. Ç’aurait été bien d’avoir l’appui du député, qu’il vienne nous voir rapidement. Mais il n’y a rien, rien, rien», constate-t-il.

Même les démarches pour le chômage ne sont pas évidentes. «Qu’est-ce qu’on écrit? Faillite, séquestre? On nous dit fermeture d’usine, mais on n’a aucun papier de cessation d’emploi, aucun avis de licenciement formel. Ils ne peuvent pas déterminer le montant. À quel moment toucherons-nous du chômage? Quand serons-nous remboursés? Dans un an, deux ans? On est comme tout le monde, on a une maison à payer», confie-t-il.

Le travailleur a appris aussi qu’il pouvait s’adresser aux normes du travail. Ce qu’il a fait. «Ce matin (jeudi), on m’a appelé pour me dire qu’on me rappellerait dans deux mois. C’est inquiétant, dans deux mois, si je n’ai pas de chômage, j’ai le temps de faire faillite», précise-t-il, ajoutant qu’il souhaitait que le député Sébastien Schneeberger se mêle du dossier pour tenter de faire bouger les choses.

S’il demeure convaincu qu’il saura trouver rapidement un autre emploi, puisque l’ouvrage ne manque pas dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre dans les entreprises, il maintient que la situation est difficile pour des travailleurs plus âgés. «Je parle au nom des employés. On était une belle gang.»

Un syndiqué se confie

À l’emploi de Boulanger depuis une dizaine d’années, un travailleur syndiqué, qui préfère ne pas être identifié, doutait depuis un bon moment quant à l’avenir de l’entreprise. «On s’en doutait, note-t-il, mais, en même temps, on était dans l’idée d’une relance. Des investissements avaient été faits et certains travaux entrepris.»

La perte de volume attribuable à RONA pourrait être en cause. «C’est ce qu’on pense, c’est ce qu’Alexis (Boulanger) a dit et c’est ce qu’ont rapporté les médias», souligne l’homme qui fait partie de l’exécutif syndical. «On a créé un groupe de communication sur Facebook. L’information circule très bien. Notre centrale, la CSD, est très présente. Ça n’a pas pris de temps pour avoir des réponses», affirme-t-il, ajoutant qu’un comité de reclassement allait être mis en place sous peu.

Ce qu’a confirmé, vendredi matin, Simon Bussières, conseiller syndical à la CSD. «Les démarches ont été entreprises avec le Centre local d’emploi. On souhaite former le comité le plus rapidement possible pour rencontrer les travailleurs, les aider à faire leur CV, les accompagner dans leurs démarches qui peuvent être, pour certains, un retour aux études en vue de l’obtention d’un diplôme», énonce-t-il.

Le représentant de la CSD dit aussi être en contact avec des travailleurs non syndiqués qu’on ne veut pas laisser tomber. «On sera ensemble pour le comité de reclassement», assure-t-il.

Lors de l’échange téléphonique avec le www.lanouvelle.net, le travailleur syndiqué affichait de l’espoir pour l’avenir. «J’ai déjà reçu plusieurs offres d’anciens travailleurs de Boulanger à l’emploi d’autres entreprises. Certains employés mis à pied ont déjà trouvé un nouveau travail. Mais pour ces personnes ayant une trentaine d’années d’ancienneté et qui sont âgées dans la soixantaine, cela risque d’être plus compliqué», conclut-il.