Exode du personnel dans les centres jeunesse : l’APTS demande au ministre Carmant d’intervenir d’urgence

«L’exode du personnel qui sévit actuellement dans les centres jeunesse à travers le Québec accentue sérieusement la crise que traverse notre système de protection de la jeunesse et ça pourrait aussi arriver ici, en Mauricie et au Centre-du-Québec. Le ministre Lionel Carmant, grand patron des centres jeunesse, doit intervenir de toute urgence pour enrayer l’hémorragie sinon les intervenants vont prendre les moyens nécessaires pour attirer l’attention sur une situation devenue intenable et qui ne peut plus durer.»

Des intervenants au bout du rouleau

C’est ainsi qu’a réagi la représentante nationale de l’APTS du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS-MCQ), Sylvie Godin, au lendemain de l’émission Enquête (Radio-Canada) qui lève le voile sur les conditions difficiles dans lesquelles travaillent les intervenants dans les centres jeunesse du Québec. Des conditions qui n’ont pas changé d’un iota depuis le drame de Granby et qui s’aggravent parce que les intervenants commencent à quitter massivement leur emploi, étant au bout du rouleau et ayant perdu tout espoir d’amélioration à court et moyen terme.

«Ça fait des mois que nous dénonçons la situation dans les centres jeunesse du Québec, incluant celui de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, rappelle la représentante nationale. Nous avons alerté le ministre Carmant, nous avons interpellé nos élus régionaux à l’Assemblée nationale, nous avons indiqué maintes fois que les sommes annoncées l’été dernier ne suffisaient pas, nous avons mis en garde tant le ministre Carmant que la ministre McCann de la possibilité d’un exode si on ne donnait pas un coup de barre plus énergique que ce qui a été fait jusqu’à maintenant. Le problème, c’est que tout le monde se retranche derrière la Commission Laurent, devenue un paravent politique pour justifier les atermoiements. Résultat : la situation continue d’empirer.»

Un autre effet de la réforme

Au CIUSSS-MCQ, c’est le 8 décembre que s’actualisera la fusion des listes d’ancienneté, fusion entraînée par la création des nouvelles unités d’accréditation à l’échelle des CISSS et CIUSSS, une des conséquences de la réforme Barrette instaurée en 2015. Mais ce n’est qu’à la suite de l’affichage qui aura lieu le 4 février 2020 que toutes et tous pourront constater l’ampleur de l’exode si nos appréhensions se concrétisent.

Dès lors, cela offrira l’occasion aux intervenants, souvent parmi les plus expérimenté·e·s, de quitter les centres jeunesse pour d’autres postes dans le réseau. Après plusieurs années sur la «ligne de front», ceux et celles qui n’en peuvent plus de travailler dans un environnement qui ne cesse de se détériorer pourront décider de changer de poste. La grande majorité des postes récemment attribués l’ont été auprès de jeunes intervenants. Il ne serait pas souhaitable de voir les plus expérimentés quitter le navire avec leur expertise.

La surcharge au cœur du problème

Il y a un terrible problème de surcharge de travail dans les centres jeunesse, rappelle l’APTS. En Mauricie et au Centre-du-Québec, le nombre de signalements traités a augmenté de 7.12% par rapport à l’an dernier (10.9% depuis 2 ans) et celui des signalements retenus de 5.6% (12.6% depuis 2 ans), des chiffres qui grimpent en flèche depuis des années. La titularisation de nombreux postes annoncée l’été dernier n’a réduit en rien le «caseload» surchargé des intervenants, car il n’y a pas plus de «bras» sur le terrain pour faire le travail. La situation est toujours potentiellement explosive, comme le rappelle le cas récent de cette intervenante agressée par un adolescent de 15 ans dans la région de l’Estrie.

Un leadership attendu

À titre de responsable des centres jeunesse, le ministre Carmant doit faire preuve de leadership et trouver des solutions qui sortent des sentiers battus, estime l’APTS. Certaines directions de la jeunesse s’en tirent mieux que d’autres. Comment se fait-il que ce ne soit pas le cas partout? La bonne volonté du ministre descend-t-elle vraiment jusqu’aux gestionnaires sur le terrain? L’information remonte-t-elle jusqu’à lui? Y a-t-il des résistances dans l’appareil, des gens qui cherchent à se protéger? Il faut aplanir toutes ces difficultés, rappeler à l’ordre – voire semoncer – les CISSS et les CIUSSS récalcitrants et instaurer plus que jamais la transparence et le dialogue entre toutes les parties.

«Quelque six mois après l’incident tragique de Granby et toutes nos mises en garde, c’est comme si le gouvernement n’avait rien appris, se désole Sylvie Godin. Je le répète : nos intervenenants n’en peuvent plus. Si rien n’est fait pour juguler cet exode, nous n’aurons d’autre choix que d’entamer des actions de sensibilisation énergiques. On ne peut pas attendre que la Commission Laurent dépose officiellement ses recommandations, alors que le feu est pogné dans la cabane et que des milliers d’enfants comptent sur le meilleur système possible pour s’en tirer. Nous avons le devoir de dénoncer la situation et d’en appeler aux meilleures volontés dans ce dossier», de conclure Sylvie Godin, de l’APTS.

À propos de l’APTS

L’Alliance du personnel professionnel et technique du réseau de la santé et des services sociaux (l’APTS) regroupe et représente quelque 55 000 membres qui jouent un rôle indispensable au bon fonctionnement des établissements du réseau. Nos gens offrent une multitude de services en matière de diagnostic, de réadaptation, de nutrition, d’intervention psychosociale et de soutien clinique et de prévention, autant de services qui s’adressent à l’ensemble de la population. En Mauricie et au Centre-du-Québec, l’APTS représente 4300 membres, dont 600 travaillent en centre jeunesse.