Pas prêt à quitter son poste, même après 50 ans de service

Pierre Rouleau a 18 ans quand Vic Mobilier de Magasins l’embauche. Le 12 octobre, ses collègues ont souligné ses 50 ans dans l’entreprise. Le jubilaire en a profité pour leur confirmer qu’il ne se sent pas prêt à plier bagage et qu’il continuera à se présenter au travail cinq jours par semaine.

Pierre Rouleau en 1994, alors qu’il accumulait 25 ans de service. (Photo gracieuseté)

Lorsqu’il abandonne les études, Pierre Rouleau a complété sa 12e année dite «commerciale». Il se cherche vainement un boulot. Son père, un plombier et ferblantier à Saint-Paul-de-Chester, lui donne du travail. «À la campagne, ce qu’on faisait le plus était de recouvrir des granges et la plomberie des maisons. Mais à un moment donné, l’ouvrage a tombé», commence-t-il. Puisqu’il a son cours commercial, il se rend «au placement». Là, on lui propose trois postes pour lesquels il effectue des entrevues. Vic Mobilier le rappelle pour une seconde rencontre. «Depuis ce temps-là, je suis ici», récapitule-t-il.

Cartes de paie

«Dans le temps, toutes les payes étaient faites à la main. On avait des petites cartes que le monde punchait. On les comptait. Je m’occupais aussi un peu des comptes à payer et des bons de livraison», rapporte-t-il. En tout, ils sont quatre à prendre place dans les bureaux : lui, le contrôleur, la réceptionniste et le propriétaire, Jacques Canin. Aujourd’hui, 33 personnes s’avèrent nécessaires pour accomplir les tâches administratives. M. Rouleau côtoie désormais les petites-filles de M. Canin, Fannie à l’approvisionnement et Natasha au marketing. Et Vic Mobilier de Magasins, sous la présidence de Fabrice Canin, dénombre quelque 125 employés.

Même s’il s’active derrière un bureau, il se rappelle avoir déchargé des vans avec son patron immédiat, René Laroche, dans le temps des Fêtes ou quand l’usine fermait à 17 h le vendredi et que des cargaisons arrivaient plus tard. «On ne pouvait pas les revirer et leur dire de revenir après les Fêtes», observe-t-il.

Pierre Rouleau voit bientôt aux comptes à payer et à recevoir. «M. Laroche était débordé avec la comptabilité et les achats, alors il m’a donné les achats», relate-t-il. Il retourne à la comptabilité un moment avant qu’on lui confie les achats pour de bon. Il s’y affaire depuis 35 ans.

À la main

L’homme se souvient des années où tout était fait manuellement. Puis apparaissent les machines électromécaniques, «que monsieur André Proulx réparait quand ça brisait», dit-il. Des problèmes surviennent à l’occasion. Il raconte qu’une année, un peu avant Noël, il y a eu des bris. Son supérieur lui demande d’annoncer aux employés qu’ils toucheront leur dû par la poste. «Ça ne faisait pas leur affaire. J’ai alors demandé à pouvoir rentrer le samedi matin, une fois la machine réparée, pour venir faire les payes. On a envoyé tout ça par la poste dans la même journée.» Le lundi, tous avaient obtenu satisfaction. Il mentionne au passage que l’arrivée de l’informatique n’a pas eu que des effets positifs.

Pierre Rouleau s’engage auprès de l’entreprise dans différents dossiers. Il connait bien ses clients et leurs besoins. Il prend toujours plaisir à son quotidien pour de multiples raisons. D’abord, il a constamment eu l’impression de monter les échelons. «Pendant les 10 premières années, j’ai à peu près tout fait et occupé tous les postes», expose-t-il. Or, la qualité de son équipe pèse encore plus dans la balance.

En 50 ans, il a certes traversé des périodes plus difficiles. «À un moment donné, on a eu un peu moins d’ouvrage et on est tombé sur le temps partagé. On m’a offert de ne pas en faire, mais j’ai refusé, car je voulais que ce soit égal pour tous. Finalement, ça a duré une journée et l’ouvrage est reparti», se réjouit-il.

Il a vu des employés partir pour 50 cents de plus par heure, puis quitter de nouveau leur emploi deux ans plus tard. «Il faut aimer son travail, son monde et être apprécié d’eux», résume-t-il.

Y passer sa vie

Tous ses collègues ont souligné les années de fidélité de Pierre Rouleau à son entreprise. D’aucuns lui ont demandé s’il demeurerait encore longtemps en poste. Pour lui, la réflexion s’avère simple. Il affectionne certes le golf, les quilles et la rénovation, mais ne s’imagine pas s’y adonner à temps plein. «La journée que ça va me peser de venir travailler, peut-être que j’arrêterai», affirme-t-il. Pour le moment, il n’a pas envie de s’ennuyer à la maison. Cinq jours par semaine, il remplit ses fonctions. Sur les six semaines de vacances à sa disposition, il n’en utilise que deux. «Quand on n’est pas là, notre ouvrage ne se fait pas», dit-il.

M. Rouleau explique que les gens de sa génération nourrissent un sentiment d’appartenance envers leur employeur, un lien qu’il ne voit pas naître chez les plus jeunes. «Après cinq ou six ans, ils ont pris de l’expérience et s’en vont ailleurs. C’est de valeur, mais c’est comme ça. Nous, quand on rentrait quelque part, on souhaitait passer notre vie là.»