David Vincent, le prêtre généraliste

Ils sont de moins en moins à remplir les devoirs du sacerdoce. À 42 ans, David Vincent considère sa route comme pavée de liberté et admet l’avoir empruntée par amour pour son prochain.

David Vincent (Photo www.lanouvelle.net)

Natif de Saint-Léonard-d’Aston, David Vincent estime que la foi l’a toujours habité. «Je ne viens pas d’une famille qui allait à la messe tous les dimanches. On était libre d’y assister ou non. Je trouvais ça beau, ça me fascinait. Je me souviens de quelques moments de prières avec ma mère et que mes parents s’impliquaient dans la communauté», dit-il. M. Vincent se remémore le curé de sa paroisse, «un prêtre cool, qui faisait du patin à roulettes habillé en fluo. On le voyait arriver de loin», rigole-t-il.

À l’université, il se dirige vers la psychologie. «J’étais sensible à la souffrance humaine, à ceux qui recherchent un équilibre de vie et à donner un sens à leur existence», partage-t-il. Désirant aider son prochain à accéder au bonheur, il ressent plus fortement l’appel à la faveur de ses études. Il change donc de domaine en entrant au Séminaire de Québec où il se penche sur la philosophie et la théologie pendant huit ans. Il obtient notamment un baccalauréat de l’Université Laval. «À Québec, ce que j’aimais, c’était de pouvoir me mêler à la vie étudiante», indique-t-il. Car dans plusieurs grandes villes, les sciences religieuses se déroulent parfois en vase clos.

Côtoyer des gens de tous les milieux ajoute à l’apprentissage dont il a soif. «Même si en théologie, ça ne s’énerve pas comme dans d’autres facultés, pouvoir participer aux partys, ça fait partie de la vie étudiante», rappelle-t-il. Jamais, dans son parcours vers l’ordination, il ne sent de résistance de la part de ses proches. «Il y a toujours eu des personnes pour m’encourager», se réjouit-il.

En 2005, David Vincent est ordonné prêtre. Il a 28 ans. En 2009, il fait son entrée à la paroisse Sainte-Victoire, dans l’unité pastorale de Victoriaville, puis en devient le curé en 2013.

Avenir

Quoique discrète, une relève existe dans le monde de la prêtrise. «Actuellement, à Québec, il y a une quinzaine d’étudiants. Peut-être une vingtaine à Montréal. Ça ne veut pas dire qu’ils seront tous prêtres, mais ils sont dans ce cheminement», spécifie le curé Vincent. Pour lui, l’important, dans tout domaine, reste de se réaliser. Il faut aussi avoir la vocation pour se diriger vers la médecine, exemplifie-t-il. «Pour les agriculteurs, ce n’est pas facile non plus. Les défis sont nombreux.»

La liberté, voilà ce qu’il prône quant au choix de carrière et souligne que ses parents ont constamment été derrière lui, autant que pour son frère et sa sœur. D’ailleurs, il pense que cela forge sa personnalité en tant que prêtre. «Je ne suis pas là pour juger, ni pour convertir personne. Ma sensibilité à l’être humain, c’est très fondamental. Jésus Christ m’inspire beaucoup. Dans les évangiles, il se montre toujours attentif aux gens, sans jamais juger ni condamner», constate-t-il.

M. Vincent observe que tout un chacun poursuit une quête, qu’elle soit spirituelle ou non. Les chemins empruntés par les individus l’intéressent.

Équipe

Parmi les transformations du métier, David Vincent relève que les abbés d’autrefois menaient leur barque en solitaire, dans leur paroisse. «Ils s’occupaient de tout et il ne manquait pas de prêtres.» De nos jours, puisque la pénurie de main-d’œuvre touche également le clergé, les curés doivent travailler en équipe. «Je ne porte pas la paroisse tout seul sur mes épaules. Nous le faisons en gang. Il y a un autre prêtre avec moi, une équipe d’agentes, des diacres, des bénévoles et même des laïcs qui donnent un coup de pouce. L’Église d’aujourd’hui, on la fait ensemble. Ce n’est pas l’affaire de monsieur le curé. La paroisse, c’est une famille.»

Sans juger les pratiques du passé, M. Vincent dit découvrir, jour après jour, le côté humain de l’Église. Le rite ne prend plus le premier rang dans la dynamique diocésaine, bien que dans l’imaginaire collectif l’on perçoive d’abord l’institution.

En outre, les grands bâtiments patrimoniaux à entretenir préoccupent, mais le jeune ecclésiastique signifie que le jour où plus personne n’aura d’intérêt pour ces infrastructures, il continuera néanmoins à propager la Bonne Nouvelle. «S’il n’y a plus de grosses églises, j’irai là où sont les gens. Si on fait une messe dans une cuisine, ce sera dans une cuisine, c’est tout. Mon rôle comme prêtre n’est pas de faire vivre l’institution, c’est d’être présent pour les personnes.»

Bien sûr, il doit s’adonner à la gestion et à l’administration des édifices de la communauté. «Je suis prêt à donner du temps pour le temple, mais ce qui m’intéresse vraiment, c’est les gens qui se trouvent dedans», affirme le curé. Présentement, la paroisse Sainte-Victoire compte trois églises. M. Vincent consent ne pas être gestionnaire de formation, apprendre toujours à ce sujet et devoir s’entourer pour y parvenir. Les présidents de fabriques et marguillers réalisent le plus gros de la tâche.

Laïcité

Que pense-t-il de la laïcité de l’État? «Je ne vois pas ça négativement, qu’il y ait une vraie neutralité, puisque notre société est pluraliste. Ça apporte une vraie justice pour tout le monde. Nos représentants ne doivent pas favoriser l’un ou l’autre. La neutralité, ça ne veut pas dire de prendre option pour ceux qui militent contre la spiritualité et la religion», confie-t-il. Car avant tout, M. Vincent se considère comme un citoyen et s’attend à recevoir des services sans préjugé ni favoritisme.

À propos du mariage des prêtres, David Vincent signale que la question s’avère souvent mal posée. Selon lui, on devrait plutôt parler d’ordination d’hommes mariés. «Moi, je me suis engagé à être célibataire toute ma vie. Si un jour les règles changent, je ne me garrocherai pas pour me marier. Lorsque j’ai promis, j’étais sincère. C’est un choix que j’ai fait.»

Si certains ont bifurqué de cette promesse par le passé, il croit que ceux-là n’étaient tout simplement pas à leur place. «Moi, personne ne m’y a contraint. Et ce n’était pas non plus pour une réussite sociale, car lorsqu’on est prêtre, aujourd’hui, on ne nous met pas sur un piédestal», note-t-il. Oui, les motifs d’accéder à la prêtrise ont bien évolué.

«Ce choix, je dois en prendre soin. C’est comme une vie de couple, il faut la nourrir si l’on veut que l’amour continue de grandir. Comme prêtre, il peut m’arriver des moments où je me sens seul. Alors constamment, je dois me redire oui et cultiver ma façon de vivre», confie-t-il.

David Vincent croit que la société est prête pour l’ordination d’hommes mariés, mais aussi des femmes. «Ce n’est pas le cas partout dans le monde, mais ici, l’égalité est un enjeu. Ça me déçoit qu’on n’en parle pas plus. Dans le cas des femmes, on dirait que la porte est plus fermée à Rome. Une femme est capable de faire une messe autant qu’un homme. Ce n’est pas une question de capacité.»

Enfin, M. Vincent n’a pas le temps de s’ennuyer au quotidien. Tous les matins, il célèbre une messe. «Il y a souvent deux messes par jour. La fin de semaine, on compte une dizaine de célébrations eucharistiques dans nos églises. À cela, on ajoute les funérailles, les baptêmes et les mariages. Par prêtre, dans l’unité pastorale, nous avons une dizaine de célébrations», énumère-t-il.

M. Vincent collabore aussi avec Radio Ville-Marie et La Victoire de l’Amour, ce qui lui permet d’aller à la rencontre des fidèles d’une autre façon. «C’est facile d’être prêtre à Victoriaville. Il y a un bon accueil et une belle ouverture d’esprit. Je suis encore surpris, après 10 ans, de voir l’engagement des gens», conclut celui qui se voit comme un «prêtre généraliste».