À 87 ans, Édouard Royer retrouve sa famille biologique

Âgé de 87 ans et des poussières, Édouard Royer peut maintenant vivre avec l’esprit tranquille et le cœur un peu plus léger. Après plus de trois décennies de démarches infructueuses afin de retrouver sa famille, l’homme qui demeure à Thetford Mines a enfin pu mettre un genou sur la tombe de sa mère biologique.

Édouard Royer est né le 6 avril 1932. Il a été déposé à la crèche Saint-Vincent-de-Paul-de-Québec, puis baptisé sous le nom de Joseph Édouard Ouellet. À l’âge de 2 ans, il a été confié à une famille Paquet de Saint-Georges-de-Beauce. «Trois ans plus tard, la dame est décédée et je me suis retrouvé dans un orphelinat à Lyster. Peu de temps après, Joseph Royer et sa femme Adélia Labranche, qui demeuraient à Thetford Mines, sont venus me chercher. Ils m’ont adopté légalement, c’est pour cela que je porte le nom de mon père adoptif», a-t-il raconté.

M. Royer a passé une bonne partie de son enfance sur la terre de sa famille d’adoption sur la rue Johnson. Il a grandi aux côtés de deux autres garçons de l’orphelinat qui avaient également été pris en charge par le couple. C’est à l’âge de 17 ans qu’il a quitté ce foyer.

Ses démarches pour retrouver sa mère biologique ont commencé en 1980 alors qu’il avait 48 ans. Il a toutefois décidé d’y consacrer plus d’énergie après le décès de ses parents adoptifs avec l’aide du Mouvement Retrouvailles qui commençait à s’implanter.

Les premières correspondances qu’il a eues avec le centre des services sociaux de l’époque n’ont guère été positives. «J’ai eu affaire à l’abbé Paré et ensuite à une certaine Mme Laure. J’ai toujours eu des réponses négatives. On me répondait qu’il avait été donné ordre aux religieuses que tous les dossiers soient brûlés. J’ai appris plus tard que ce n’était pas vrai. De plus, il avait été dit à mes parents adoptifs que le nom de famille Ouellet était fictif.»

Édouard Royer a dû attendre jusqu’en 1988 avant que son dossier soit finalement retrouvé. «Il y a eu une seule naissance dans le mois d’avril 1932 et c’était moi. Je suis parvenu à obtenir le certificat de décès de ma mère biologique en 1994, mais il n’y avait pas de nom d’inscrit. J’avais sa date de naissance (1904) et celle de son décès (1959), ainsi que les maladies dont elle avait souffert. J’étais content d’une façon, mais je ne savais pas qui elle était», a-t-il déploré.

Découragé, l’homme a mis ses démarches sur pause pendant plusieurs années. «Cette période a été très négative. J’ai cessé les recherches de 1994 à 2018 puisque cela ne servait à rien. J’avais même envoyé 16 avis dans différents journaux de la province et cela n’avait rien donné.»

L’espoir renaît

Le 16 juin 2018, la Loi 113 est entrée en vigueur au Québec. Celle-ci permet aux orphelins et aux enfants adoptés entre les années 1920 et 1970 de connaître le nom de leurs parents biologiques.

«J’ai communiqué avec la ligne téléphonique qui avait été mise en place et on m’a très bien répondu. On m’a invité à remplir un formulaire, ce que j’ai fait. J’ai attendu et vers la fin du mois de novembre, ou début décembre 2018, j’ai finalement reçu une correspondance et le nom de ma mère s’y trouvait. Le texte disait qu’elle se nommait Marie Yvonne Plourde, décédée à l’âge de 54 ans en 1959, et ça s’arrêtait là.»

Après avoir fait pression, il a réussi à soutirer quelques informations supplémentaires. «J’ai rappelé puisque je ne savais toujours pas où ma mère avait vécu et où elle est enterrée. Je voulais mettre un genou sur sa tombe. On m’a dit que je venais de la région du Bas-Saint-Laurent, mais que la loi ne permettait pas d’aller plus loin. Il y avait encore un blocage.»

Pendant ce temps, sa fille Luce a entamé ses recherches de son côté et a pu retracer une trentaine d’Yvonne Plourde répartie à la grandeur du Canada, dans le Maine et au New Hampshire. «Elle en a trouvé une qui avait demeuré à Matane, à Amqui, à Mont-Joli et à La Rédemption. Elle s’est donc mise à chercher dans ces secteurs-là», a dit M. Royer.

Toutes ces démarches entreprises ont commencé à porter fruit lorsque le Thetfordois s’est prêté à l’exercice de déposer de la salive dans un petit contenant afin que celui-ci puisse être acheminé en Irlande pour analyse via le réseau international de sites généalogiques Ancestry.

«Les résultats obtenus concordaient avec une femme prénommée Chantale demeurant à Matane. Elle avait envoyé son ADN à la même place parce qu’elle voulait faire l’arbre généalogique des Plourde. Le premier qu’elle a retracé, c’est moi. Ma mère biologique se trouve à être sa tante. La plus grosse réaction que j’ai eue, c’est lorsque je suis arrivé au cimetière. J’ai pleuré. Tu as 87 ans et trois mois, puis tu trouves à la dernière minute de ta vie l’endroit où ta mère est enterrée», a-t-il partagé la voix enrouée par l’émotion.

C’est donc à La Rédemption, un petit village situé à une trentaine de minutes de route de Mont-Joli, que sa mère s’est mariée et où elle a fini ses jours. Sur son monument, on peut notamment y lire le nom de son époux, Antoine Ouellet. «Je suis convaincu qu’elle a demandé aux religieuses de me baptiser Joseph Édouard Ouellet pour faciliter d’éventuelles recherches. Son père avait le même prénom que moi et son mari était un Ouellet.»

D’après ce qu’il a pu apprendre, Antoine Ouellet aurait passé le reste de sa vie à Matane après le décès de Mme Plourde. «Il a été enterré là-bas en 1992. J’ignore la nature de son décès. Je prévois aller le voir en septembre avec une partie de ma famille. J’ai cinq enfants.»

Bien que M. Royer ne puisse jamais savoir exactement ce qui a poussé sa mère biologique à le déposer à la crèche Saint-Vincent-de-Paul de Québec, il y a 87 ans, il a tout de même en tête une piste. «Quand je suis venu au monde, elle avait 27 ans et s’est mariée à l’âge de 38 ans. Elle se serait amourachée d’un jeune homme qui avait possiblement 16 ou 17 ans, soit Antoine Ouellet. Elle pourrait avoir été forcée de me mettre en adoption», a-t-il exprimé sans en avoir l’entière certitude.

Au cours de sa vie, Marie Yvonne Plourde aura eu trois autres enfants, dont un garçon qu’elle a adopté. Aujourd’hui, seule sa fille Pierrette est toujours en vie, mais très malade. «Je prétends que ma mère a adopté un jeune garçon dans le but de me retrouver possiblement. Elle a peut-être essayé, mais il était trop tard. Les curés se mêlaient de cela à l’époque. Le monde pratiquait la religion catholique et je pense qu’ils dépassaient la ligne. Ils allaient trop loin dans leurs croyances», a-t-il conclu.