Trisomie 21 : «La différence n’est pas une fatalité»

Vincent Boulanger a trois enfants, dont deux ont la trisomie 21. La tâche qui lui incombe peut sembler colossale. Mais pour lui, ce n’est qu’une question «de coeur».  

Courtier en assurances, Vincent Boulanger a quitté Cowansville  en 2018 pour Victoriaville. Il appréciait l’aide reçue dans sa région, mais souhaitait avoir accès à davantage de ressources, plus facilement. Il pense au répit et aux services de garde plus adaptés, entre autres. «Mes enfants fréquentent trois écoles différentes, puisqu’ils n’ont pas les mêmes besoins», exemplifie-t-il. Alice va à l’école La Myriade et Tristan, à Sainte-Marguerite-Bourgeoys. Le cas de son aînée s’avérant plus lourd, elle bénéficie d’un encadrement plus grand. Tristan, plus autonome, évolue dans le groupe des Petits pas. «Voilà ce qu’offrait Victoriaville. Et c’est sans compter L’Ami-temps, qui m’a permis de voyager avec mes trois enfants cet été grâce à un accompagnement. Car on manque parfois de mains. Ici, il y a des options», raconte-t-il.

L’histoire de M. Boulanger avec la trisomie 21 a commencé en 2009, alors que lui et sa conjointe se préparent à accueillir leur premier bébé. «Nous étions jeunes et les statistiques étaient de notre côté. On nous a proposé de passer des examens plus poussés pour 200 $. J’ai fait un chèque et il y a eu des prises de sang», se rappelle-t-il. Dans l’ascenseur, avec l’enveloppe prête à poster contenant l’échantillon sanguin, le couple discute des issues possibles de ce test. Et si l’enfant avait un handicap? Le garderaient-ils? «La réponse était oui, alors pourquoi faire ça? À quel moment est-ce mieux de le savoir? Alors en sortant de l’ascenseur, nous avons déchiré l’enveloppe.»

Dès sa naissance, Alice montre ses particularités. Elle rencontre aussi quelques pépins de santé, ce qui amène le nouveau papa à se poser des questions sur la vie et ses objectifs. Sans qu’on le lui confirme d’emblée, il reconnaît la trisomie 21. «Nous, les parents d’enfants trisomiques, ce qu’on dit souvent c’est que quand on attend un enfant, on envisage tous le même voyage. On se prépare pour Paris, par exemple, et l’on pense aller voir la tour Eiffel. Mais là, on atterrit finalement en Hollande. C’est beau la Hollande, mais il faut savoir ce qui s’y trouve et s’organiser autrement», compare-t-il. Convaincu que le bonheur passe par l’amour, il décide de faire fi de la différence et se sent dès lors plus fort pour soutenir sa famille. Curieux d’en apprendre plus sur l’anomalie chromosomique, il effectue des recherches sur internet. Il découvre alors l’Association Emmanuel, un organisme qui a pour mission de favoriser l’adoption d’enfants présentant un handicap ou des besoins particuliers. «Autant nous traversions une période de crise, autant nous étions en amour avec la différence», confie-t-il. Ce qui peut sembler une folie l’envahissait peu à peu. Il fait connaître son intérêt pour accueillir un enfant trisomique. En mars 2010, Tristan n’a que 6 jours lorsqu’il rencontre sa famille. «Ils nous ont téléphoné avant sa naissance. Il avait un jumeau. Un était trisomique et l’autre non. Celui qui était atteint se dirigeait vers l’adoption. Pour nous, c’était sûr qu’on le prenait», se souvient Vincent.

Pourtant, l’homme sait que ce qui l’attend n’a rien de facile. «Il y a des rendez-vous sans arrêt. Avec Alice, malgré quelques complications après sa naissance, nous avions la chance qu’elle soit en très bonne santé», relativise-t-il. Par contre, il y a les orthophonistes, les ergothérapeutes, les éducateurs spécialisés et les travailleurs sociaux, par exemple, qui rapidement s’invitent dans le quotidien.

L’intégration de Tristan se déroule sans heurt et tout à fait naturellement. «La magie, c’est qu’aujourd’hui, il me redonne l’amour de la trisomie, quand c’est parfois plus lourd. Il fait partie d’une agence d’artistes, a participé à un vidéoclip et a obtenu un contrat avec Centraide. On l’aperçoit sur des panneaux sur l’autoroute et dans le métro», dit-il avec fierté.

Toujours en 2010, les Boulanger voient leurs rangs grossir avec l’arrivée de Victor. Le dernier né ne présente pas le même syndrome que son frère et sa sœur. «C’est le petit grand frère. Il a montré à Tristan à marcher», expose-t-il. Victor a aussi dû apprendre à faire face aux jugements suscités par la différence de sa fratrie. Constatant la méconnaissance de ses camarades de classe de la trisomie 21, il s’est livré, dans sa nouvelle école, à un exposé informatif sur le sujet, rapporte son père.

Vincent Boulanger et sa conjointe ont mis un terme à leur relation amoureuse il y  a quelques années. Aujourd’hui, ils se séparent la tâche, à l’instar de plusieurs familles contemporaines, mais doivent compter l’un sur l’autre. «On a la chance d’être suivi chaque semaine avec le CRDI. Ils viennent même à domicile quand c’est difficile. C’est beaucoup de logistique, voilà pourquoi je travaille à mon compte. Il faut que je sois disponible en tout temps, surtout la semaine que j’ai les enfants.»

Pour le papa, un des défis réside dans l’organisation du quotidien à prévoir, mais également dans le développement du potentiel de ses enfants. Les activités à mener s’additionnent, les réussites aussi.

Choix éclairé

La trisomie 21 tend à disparaître, note M. Boulanger, vu les dépistages prénataux et les avortements qu’ils entrainent. «Quand on apprend qu’on va avoir un enfant trisomique, c’est la fin du monde. Mais,  selon moi, même si cela représente beaucoup de défis, cela reste une chose extraordinaire», plaide-t-il. Pour lui, l’important demeure de procéder à un choix éclairé en ayant accès à tous les renseignements pertinents, autant ceux techniques que ceux «du coeur». «Même les médecins manquent parfois d’information et diront simplement qu’il n’y a pas grand-chose à faire. Mais moi, j’aime bien voir tout ça du côté de l’amour. La différence n’est pas une fatalité. Elle permet d’avoir une vie épanouie.» Le papa partage son expérience sur des forums, mais aussi à de futurs pères qui lui sont référés. Il se souvient qu’une vidéo d’une famille, s’amusant dans les feuilles d’automne avec leur fils, l’avait rassuré quant à l’avenir. Ainsi, il sait l’importance de sécuriser ces gens qui devront vivre avec cette réalité.

À l’ère du paraître et de la performance, l’on oublie l’essentiel. «On a tellement à apprendre d’eux. Les enfants différents nous conduisent sur une route distincte, notamment quant à l’appréciation du pourquoi de la vie», note-t-il.

Ouvrons-nous assez notre cœur? «Dans la vie, il y a tant de choses qu’on ne fait pas et qu’on aimerait faire, car nous nous mettons des barrières», partage Vincent. Devenir parent constitue un apprentissage, pense-t-il, que l’enfant ait un handicap ou non.