Françoise Vallières, une femme animée d’une joie de vivre

À 98 ans ou presque, Françoise Vallières vit toujours dans son appartement du centre-ville (Quartier Notre-Dame). Seule, célibataire et sans enfant, elle dégage une joie de vivre. Toujours active, elle continue chaque semaine à faire du bénévolat. Entretien avec une femme inspirante.

Native de Victoriaville, Françoise Vallières y a toujours vécu. Née en 1921, elle est la cinquième fille d’une famille de six enfants, un seul garçon, le dernier-né.

Son père, un horloger bijoutier, a tenu commerce à Victoriaville en achetant une bijouterie en 1918. Françoise Vallières a commencé à y travailler en 1939, répondant ainsi à la demande de sa mère. «J’ai appris le métier sur le tas, petit à petit. Au départ, ma sœur, qui y travaillait aussi, ne me trouvait pas bonne», raconte-t-elle.

Le commerce a bien évolué. Tout n’a cependant pas été facile. Ainsi, la maladie a frappé. «Mon père est décédé à 58 ans d’un cancer», souligne-t-elle.

Françoise Vallières et sa sœur ont continué d’exploiter la bijouterie. Mais un malheur a frappé un certain soir de décembre. La cigarette d’un locataire au troisième étage a mis le feu à l’immeuble. C’était un 29 décembre, une date que la nonagénaire a bien en mémoire.

Mais, comme elle le relate si bien, il en est ressorti des bienfaits de cette épreuve. «Un pompier et notre assureur nous ont suggéré de sortir la marchandise de l’immeuble. Et le gérant de la banque voisine a accepté qu’on y transporte les bijoux et autres marchandises, se souvient-elle. Dans le temps de la dire, une chaîne humaine de 10 ou 12 personnes s’est formée. Nous avons réussi à tout sortir.»

Autre fait digne de mention. «Une chose m’a frappée. Un de nos compétiteurs est arrivé avec des boîtes de carton et du papier de soie pour nos bijoux. C’est beau. C’est pour dire que la vie nous réserve des surprises incroyables», exprime-t-elle.

Le feu aura été un mal pour un bien puisqu’il est survenu au moment où les commerçantes devaient effectuer des travaux. «Il fallait qu’on rénove, qu’on refasse des comptoirs, se souvient Françoise Vallières. On ne savait pas comment s’y prendre. Il n’aurait pas été facile de rénover en gardant ouvert le commerce.»

Malgré l’incendie, survenu un samedi, la bijouterie n’a jamais été fermée. Le lundi suivant, le commerce ouvrait dans une ancienne ferronnerie en face du Grand Union pour y demeurer pendant trois mois, le temps que s’effectuent les travaux dans l’immeuble incendié.

«L’entraide des gens m’a émerveillée. De voir que dans le malheur des gens, et même un compétiteur, viennent nous aider, c’est incroyable. Il faut l’avoir vécu pour véritablement l’apprécier», confie-t-elle.

Finalement, elles ont administré le commerce jusqu’à sa liquidation en 1982.

L’évolution

Françoise Vallières, au fil des ans, a pu constater l’évolution de la société, des mentalités, l’évolution technologique. «Ça n’a pas toujours été facile, pour des personnes de mon âge, de suivre le courant. Ça va vite», note-t-elle. Mais elle a su s’adapter.

Françoise Vallières a rédigé ses mémoires alors qu’elle avait 85 ans. (Photo www.lanouvelle.net)

À ses 85 ans, on lui a offert un ordinateur pour qu’elle puisse rédiger ses mémoires. «Ma nièce m’a dit que si je ne les écrivais pas, il y a plein de choses qu’on ne connaîtrait pas de ma vie.»

Elle a pu dénicher «un bon professeur d’une patience angélique», pour lui apprendre les rudiments de l’informatique et lui permettre de coucher sur papier son parcours de vie, ses souvenirs.

Françoise Vallières se souvient, entre autres, d’avoir fondé le mouvement des «guides» à Victoriaville, l’équivalent féminin des scouts. «Ce fut une belle école de débrouillardise, d’adaptation, souligne-t-elle. J’y ai appris notamment la valeur des aliments.» Et lors d’une excursion par temps chaud, elle a expérimenté la soif. «C’était exigeant, mais très formateur.»

Une présence assidue à l’hôpital

À l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska, Françoise Vallières ne passe pas inaperçue. Depuis plus de 35 ans, à raison d’une demi-journée par semaine, elle distribue beaucoup plus que du café, des jus et des biscuits.

La bénévole apporte sourire et paroles réconfortantes aux gens qui, dans certains cas, en ont bien besoin. «Parfois, dit-elle, il suffit juste d’un mot, d’une parole. On ne sait jamais l’effet, la différence que ça peut faire.»

Elle se souvient d’une jeune femme qui, une semaine plus tard, est venue la remercier pour les paroles exprimées.

Mais l’écoute revêt aussi une bonne importance. «On me demande ce que je leur dis. Ce n’est pas compliqué, ce n’est pas moi qui ai besoin de parler, c’est eux. J’apprends beaucoup, c’est valorisant, note-t-elle. Souvent la personne ne le sait pas, mais elle va dire des choses et elle m’impressionne.»

Tant qu’elle le pourra, assure-t-elle, Françoise Vallières continuera son bénévolat.

La foi

Françoise Vallières fait des efforts pour conserver la santé. «J’ai des bons gènes, je n’ai aucune maladie chronique. Mais je m’efforce de marcher. Beaucoup ne le font pas et demeurent esclaves du fauteuil roulant», observe-t-elle.

Elle se réjouit de pouvoir profiter de son appartement, de l’entretenir avec l’aide d’une femme de ménage. «Je fais mon marché, j’ai des amis qui m’accompagnent et j’ai de bons voisins», fait-elle remarquer.

Sans famille à Victoriaville et sans enfant, des neveux et nièces lui sont proches, toutefois, et viennent lui rendre visite. Elle n’a pas non plus monté les marches de l’église pour se marier. «Je n’ai jamais pu m’ajuster. Les hommes que j’aimais ne m’aimaient pas, et ceux que je n’aimais pas m’aimaient. Que voulez-vous faire? Mais je n’ai pas été plus malheureuse. Il y a des avantages dans le célibat, comme il y a des inconvénients. C’est la vie!», exprime-t-elle avec philosophie.

Quand on lui demande ce qu’on peut lui souhaiter pour la suite, Françoise Vallières répond qu’elle est comme un oiseau sur la branche. «Je ne sais pas ce qui m’attend. Je voudrais conserver mon autonomie jusqu’à la fin», confie-t-elle, tout en se disant privilégiée et consciente qu’il ne lui en reste plus pour 20 ans.

Croyante, elle estime que la vie a un sens. «Notre existence sur Terre n’est pas sans raison. On a un destin, une mission. La mienne n’est pas terminée. Et après la vie, je ne crois pas que tout s’arrête, sinon la vie n’aurait aucun sens. Mais je respecte les gens qui ne croient pas», souligne-t-elle, précisant que la foi permet de surmonter les obstacles, les épreuves. «Peu importe la longueur de sa vie, on doit la vivre le mieux possible avec ce qu’on a, avec nos qualités et nos défauts», conclut-elle avec sagesse.