Après 10 ans, Essouma se dit plus Québécois qu’Africain

Déjà 10 ans que le conteur d’origine africaine, Essouma Long, s’est installé au Québec et, depuis 2012, c’est à Victoriaville qu’il habite.

«Je me sens plus Québécois qu’Africain», dira-t-il d’entrée de jeu en entrevue. Cette affirmation, il peut la faire par expérience puisqu’au début de l’année, il est retourné en Afrique et à son retour au Québec, il explique avoir eu ce sentiment de revenir à la maison. «J’ai un nouveau regard sur l’Afrique et je trouve que ça a changé», a-t-il constaté.

Des petits détails de la vie quotidienne lui font dire qu’il est bien heureux désormais au Québec. «Ce qui m’a toujours impressionné ici, c’est la paix, la tranquillité et le rapport à l’humain», note-t-il. Si bien que si on lui offrait de retourner avec des avantages notables, il confie que ce serait comme une punition. «On me priverait du Québec», indique-t-il avec son beau sourire.

Mais il n’est pas contre le fait d’y retourner de temps en temps, question d’alimenter son imagination. «Je suis un enfant du monde. Là où il y a l’humain, je me sens en famille», apprécie-t-il. Quant à Victoriaville, il y est désormais chez lui, même si à un moment, il a bien failli partir. «C’est difficile pour un artiste d’y vivre de son art», a-t-il déploré. Tout de même, il a persisté et parvient, grâce à un emploi alimentaire, à payer ses factures et à présenter ses contes à différents endroits.

Le conteur en action

Parmi eux, les écoles où il rencontre les jeunes, faisant partie du réseau «Artistes à l’école». Une grande source de satisfaction pour lui que de répondre aux nombreuses questions des enfants, sur ses origines notamment.

Il est également actif auprès des aînés dans L’Érable où il propose des ateliers d’écriture de contes depuis trois ans avec le Centre d’action bénévole. «Un projet qui m’enchante», dira-t-il simplement et qui va plus loin que l’écriture. En effet, après avoir écrit les histoires, les participants ont été invités à les dire devant public et Essouma est à écrire une pièce de théâtre dans laquelle ils joueront. «J’en apprends beaucoup. Je vois comment le vécu des aînés alimente la créativité», apprécie-t-il.

Parmi les sujets souvent abordés par les plus âgés, l’évolution sociale et l’appréhension du futur. Des thèmes divers qui sont directement en lien avec le travail de transmission d’Essouma. On a aussi pu l’entendre raconter du côté du Festival mémoire et racines de Joliette il y a quelques jours, à l’événement Afro-Monde de Montréal ainsi qu’à la Fête africaine de Plessisville.

Parmi ses projets, il indique qu’il vient de terminer l’écriture d’une épopée s’intitulant «Demain au féminin», qu’il voudrait bien voir publiée. Il prépare aussi, pour septembre, une soirée de contes ici à Victoriaville, dans le cadre d’un événement Oasis de paix. La date est encore à déterminer.

Québécois à part entière

Depuis son arrivée au Québec, Essouma considère que sa pratique a évolué pour devenir davantage contemporaine, tout en conservant sa tradition africaine. «Je m’inspire aussi de la réalité du Québec qui est pour moi une mine d’art que les gens ne réalisent pas», mentionne-t-il.

Le conteur qui est également musicien apprécie particulièrement les différences marquées entre les saisons, qui  n’existent pas à un tel niveau dans son Afrique natale. «Ici quand c’est l’été, tout change. Et l’hiver c’est une tout autre chose», apprécie-t-il. Toute cette diversité, les lacs, les montagnes, les paysages, permettent, selon lui, la créativité.

Essouma connaît beaucoup de monde dans la région et s’y est fait des amis. Mais de son Afrique lui manque encore la disponibilité sociale qui fait que les gens ont presque toujours du temps pour la rencontre de l’autre. «Oui, c’est la solitude qui me dérange le plus. C’est elle qui tue l’homme», ajoute-t-il.

Depuis son arrivée au Québec, il a également eu à faire face à une méfiance provenant de certaines personnes. Il tente de passer par-dessus et de modifier les mentalités notamment en répondant aux questions qu’on lui pose souvent sur ses origines. «Je crois que les activités de rapprochement, comme la Fête de la diversité culturelle de Victoriaville, devraient être multipliées.»

Essouma Long est un bel exemple d’intégration dans la région qu’il choisit encore tous les jours. À 39 ans, il continue de découvrir des coins de la province (et commande souvent de la poutine au restaurant à la grande surprise de plusieurs) et n’hésite pas à répondre lorsqu’on lui demande d’où il vient exactement, qu’il vient de Victoriaville.