Le recrutement, plus que de simplement assister à des matchs de hockey

Il est souvent mentionné que le recrutement est une science inexacte malgré tous les efforts qui sont mis année après année pour sélectionner les meilleurs joueurs disponibles. Chez les Tigres de Victoriaville, le recruteur-chef Gilles Tremblay et son équipe de recruteurs ont développé une méthode bien précise afin d’en faire une quasi-science.

Lorsqu’on lui demande ce que c’est le recrutement, le recruteur, qui amorcera bientôt sa 13e année dans le milieu, explique les grandes lignes de la méthode de recrutement qu’il applique lorsque vient le temps d’évaluer les joueurs et de les classer selon des aptitudes bien précises. «À partir de critères très spécifiques établis par l’organisation, nous avons à évaluer les joueurs qui sont majoritairement admissibles au repêchage ainsi que ceux qui sont déjà repêchés par différentes organisations afin de donner de l’information à notre directeur général sur d’éventuels échanges», a expliqué le Plessisvillois.

Il faut tout d’abord préciser qu’il y a plusieurs critères qui permettent au recruteur de construire leur liste : vitesse, mobilité, maniement de bâton, jeu physique, sens du jeu offensif et défensif et habiletés individuelles. Une fois que ces principaux facteurs sont analysés, le travail du recruteur consiste à faire de la projection par rapport ce qu’il croit que le joueur pourra devenir au cours de sa carrière. «La projection, c’est de savoir si nous pensons que le joueur pourra jouer sur notre premier trio, une première paire défensive ou comme gardien numéro un. Ça, ça concerne les meilleurs. Ensuite, il y a tout le reste à trier.»

Chez les Tigres, il faut comprendre qu’il y a cinq grandes catégories dans lesquelles les joueurs sont répertoriés selon dix critères principaux. Chaque organisation a ses propres critères qui lui permettent de placer les différents hockeyeurs dans les différentes catégories qu’elles établissent. À Victoriaville, ça ressemble à ceci :

Catégorie A : joueurs ayant le potentiel d’évoluer sur le premier trio à l’attaque, la première paire défensive ou le poste de gardien numéro un. Ce sont habituellement des choix de premier tour.

Catégorie B : joueurs qui semblent assurés de jouer sur les deux premiers trios, deux premières paires défensives ou un gardien numéro un ou deux. Ce sont habituellement des choix de deuxième ou troisième tour.

Catégorie C : joueurs qui devraient jouer dans le top neuf offensif ou les six premiers défenseurs. Ces joueurs sont habituellement entre la quatrième et la sixième ronde.

Catégorie D : joueurs au potentiel junior, mais dont il est difficile d’établir ce qu’ils pourront offrir à ce niveau et le rôle qu’ils camperont. Ces hockeyeurs sont habituellement sélectionnés entre la septième et la neuvième ronde.

Catégorie E : ces joueurs sont des projets et ils sont la plupart du temps sélectionnés dans les dernières rondes.  Au cours de la saison, grâce à un logiciel, les recruteurs de l’équipe peuvent noter les joueurs évalués de 1 à 5 sur chacun des dix critères de l’organisation dans leur rapport.

De l’observation, des kilomètres et des discussions

Au cours d’une saison, un recruteur verra entre 150 et 300 parties. Ça peut sembler astronomique, mais il arrive qu’au cours de certaines fins de semaine les recruteurs assistent à 20 ou 30 matchs dans le cadre de tournoi comme le Monctonian ou le Challange CCM du midget AAA. D’ailleurs, pour arriver à voir toutes ces parties, Tremblay confie faire entre 25 000 et 30 000 km annuellement.

Ainsi, grâce à leur équipe de recruteurs de six hommes qui passent d’innombrables heures sur la route et sur les bancs des arénas, les Tigres peuvent profiter d’un visionnement d’environ 1300 matchs annuellement, et ce, sans compter le recrutement que fait aussi le directeur général de l’équipe Kevin Cloutier.

Au sein de son groupe de recruteurs, Tremblay met de l’avant que chacun doit donner son opinion, car un petit détail peut faire une grande différence sur la liste de recrutement d’une équipe. «Jusqu’au Challenge midget AAA, les rapports de mes recruteurs, il n’y a que Kevin et moi qui les voyons. Une fois que ce tournoi est fait, cela veut dire que le Monctonian est passé, tout comme le tournoi midget espoir. Mon gars des Maritimes a donc vu les joueurs du Québec et ceux du Québec ont vu les hockeyeurs des Maritimes. Ils sont donc capables de faire un positionnement précis de leurs joueurs. C’est à ce moment que je donne accès à tous les rapports pour tout le monde. Ça t’amène à te poser des questions. C’est la seule façon dont tu peux arriver à faire les bons classements.»

L’homme de 56 ans fait d’ailleurs valoir que le recrutement se veut une affaire d’équipe d’abord et avant tout. «Le recruteur-chef qui va avoir le culot de dire que c’est son repêchage, je suis désolé de dire ça, mais il n’y aura pas beaucoup de personnes qui vont se tenir autour de lui. C’est vraiment un travail d’équipe. Si tes recruteurs ne se sentent pas impliqués, ils ne resteront pas. Ils vont chercher à travailler ailleurs.»

Pas trop de noms sur la liste

Il n’est pas très rare de voir des firmes indépendantes mettre quelques centaines de joueurs sur leurs listes de joueurs en vue de leur repêchage. C’est notamment le cas de la Centrale de recrutement de la Ligue nationale (LNH) qui en place un peu plus de 200, seulement pour les patineurs nord-américains. À cela s’ajoutent les patineurs européens, les gardiens nord-américains et européens. Si vous demandez à un recruteur, il vous dira que c’est beaucoup trop. «Si ta préparation est bien faite, les noms sur ta liste vont s’éliminer assez facilement. Par exemple, cette année, j’avais autour de 150 noms sur ma liste pour un repêchage de 252 joueurs. À la fin, il me restait une quinzaine de noms. C’est bon signe quand il reste quelques noms comme ça à la fin.»

Cela s’explique par le fait que certains joueurs n’ont tout simplement pas l’identité d’une équipe X ou Y. Ceux-ci ne se retrouvent donc pas sur le radar de toutes les équipes, ce qui explique que ce n’est pas nécessaire de faire des listes interminables.