Le combat quotidien d’Aurélie Bissonnette

Aurélie Bissonnette a 19 ans. Depuis son enfance, sa route a été parsemée d’épreuves, autant physiques que psychologiques. Son trouble du spectre de l’autisme (TSA), accompagné d’une série d’affections, ne l’empêche pas aujourd’hui d’aspirer à une vie ordinaire et d’espérer plus de sensibilité de la part des gens.  

Dès l’âge de 2 ans, Aurélie visite les orthothérapeutes, optométristes et autres professionnels afin de découvrir ce dont elle souffre. Les spécialistes signalent un certain retard et des troubles de comportement, mais sa mère, Mélanie Labonté, s’inquiète. À la maternelle, elle ne trouve pas normal de devoir si tôt élaborer des plans d’interventions pour sa fille.

«Notre vie a basculé en 2007, alors qu’Aurélie a subi une opération pour se faire recoller les oreilles. C’était esthétique. Deux jours plus tard, je ne la reconnaissais plus. Elle était malade et parlait toute seule. À l’hôpital, il pensait qu’elle avait des terreurs nocturnes», raconte sa maman. Aux soins intensifs à Sherbrooke, on lui diagnostique l’épilepsie, sans avoir la certitude qu’elle en est réellement la proie. Pendant trois ans, on lui administre des traitements à cet effet.

Vers 2009, sa mère constate que, malgré la médication, Aurélie n’agit pas comme les autres enfants. Il apparaît ardu d’interagir avec elle et elle a peu d’amis. Une rencontre en pédopsychiatrie, dans le secteur privé, mène vers le diagnostic du TSA, plus précisément un trouble envahissant du développement (TED) non spécifié. Les intervenantes se sont succédé, les affections additionnées.

Quête de réponses

«Avec moi, il faut faire beaucoup de crayon papier. Si l’on essaie de m’expliquer quelque chose, il faut l’écrire sinon ça entre par une oreille et ça sort par l’autre», image Aurélie. Lorsqu’on procède avec elle de la sorte, elle confie qu’elle aura moins tendance à s’opposer.

Déjà qu’il s’avère difficile pour un garçon autiste de trouver sa place et les ressources appropriées, il semble que pour les filles, ce soit encore plus compliqué. Dans le cas d’Aurélie, elle présentait tellement de maladies parallèles, comme la maladie de Crohn, que ça a pris un temps fou pour déceler son TSA. Pour sa mère, on parle de presque deux décennies de quête et de questionnements.

Car Aurélie souffre également de bipolarité. Or, selon les manuels, une fille autiste ne peut être bipolaire. Il aura fallu des années, et qu’elle atteigne 18 ans, pour lui reconnaitre cet autre trouble. Puis, il y a les jugements à surmonter. «Quelqu’un qui a une trisomie 21, on le voit tout de suite. Les gens seront immédiatement empathiques et patients. Si vous saviez le nombre d’affaires qu’on se fait dire. Encore dernièrement, dans un magasin, deux femmes émettaient des commentaires. Avant, je me sentais coupable et je ma taisais. Maintenant, j’explique aux gens ce que c’est que l’autisme, car même s’ils connaissent le mot, ils ignorent ce que ça implique», témoigne Mélanie Labonté. L’intimidation a malheureusement longtemps fait partie du quotidien d’Aurélie, surtout à l’école.

Pour la maman, l’autisme représente un défi constant et exige beaucoup de rigueur. En outre, elle planifie tout à l’avance et rédige le menu de tous les repas de la semaine, le samedi. Dans l’agenda d’Aurélie, tout est détaillé, heure par heure. Cette structure extrême apaise son anxiété.

Vie d’adulte

Jusqu’à tout récemment, Aurélie travaillait au Tim Hortons. Son médecin l’a toutefois mise à l’arrêt parce qu’elle est aussi atteinte d’arthrite. «Je fais différentes tâches liées à la nourriture», expose-t-elle. À l’automne, elle effectuera un retour aux études, au sein d’une classe spéciale pour personne présentant une déficience intellectuelle (DI) ou un TSA, après avoir vécu des expériences peu concluantes par le passé.

Encore aujourd’hui, une intervenante la rencontre plusieurs fois par semaine afin de faciliter son quotidien. Une autre ressource l’accompagne pour les dossiers concernant le travail.

Pour sensibiliser les gens qu’elle croise à sa situation, elle porte souvent un chandail arborant l’inscription «L’autisme est mon super pouvoir». En partageant son histoire, elle aspire à faire valoir son droit à la différence et à trouver sur son chemin des regards bienveillants plutôt que d’essuyer des commentaires blessants.

Mélanie Labonté se réjouit d’avoir une famille aimante et un solide réseau sur qui compter. L’Entrain et l’Ami-Temps s’inscrivent sur la longue liste d’organismes essentiels pour les siens. Enfin, Mme Labonté s’imagine vivre très longtemps, car sa fille aura toujours besoin d’elle et elle ne voudrait pas la savoir entre les mains du système. «C’est une inquiétude pour les parents, mais je suis bonne pour vivre jusqu’à 102 ans pour qu’elle ait une belle vie», confie-t-elle.